Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Articles récents

Convention fiscale France-Luxembourg : "Les deux pays corrigent le tir"

10 Octobre 2019 , Rédigé par Christian Eckert

Ce matin, les Ministres des finances français et luxembourgeois - voir le lien ici - ont rassuré les frontaliers, par un exercice de rétropédalage quelque peu dissimulé....

A peine ratifiée, la convention fiscale entre les deux pays va être l'objet d'un avenant ! Ouf !

L'Assemblée Nationale française et le Sénat avaient validé la précédente convention fin 2018. Personne, pas même le rapporteur du texte pourtant élu d'une circonscription fort impactée, n'avait remarqué que les impôts des frontaliers lorrains (surtout les bas salaires) allaient parfois augmenter.

Il a fallu que des voix s'élèvent, au Luxembourg et dans ces colonnes (voir ici mon article de juillet dernier), pour que la vérité se fasse et que l'inquiétude monte.

Que deux Ministres communiquent sur la nécessité de modifier le texte prouve que les alertes étaient fondées.

Certains vont sans doute revendiquer là une grande avancée.... Qui nous ramène en fait... à reculer à la case départ !

La vérité commande de dire qu'un travail parlementaire rigoureux aurait évité ce couac et les angoisses légitimes des frontaliers.

Corriger ses propres erreurs, c'est faire preuve d'humilité. Pour une fois....

 

Lire la suite

La finance au secours des migrants... Le Parlement osera-t-il en parler ?

30 Septembre 2019 , Rédigé par Christian Eckert

A l’approche d’un débat au Parlement sur l’immigration et après les déclarations du Président de la République sur ce sujet, il est important que chacun se positionne le plus clairement possible. Je le fais avec humilité parce que le sujet est inflammable, complexe et ne fait pas partie de mes interventions habituelles. Je le fais aussi avec le souci de construire et de proposer, tant il me semble que les postures faciles nuisent au débat.

Cinq axes doivent être travaillés

  • En premier lieu il ne faut pas oublier que si beaucoup de gens partent de chez eux, c’est souvent parce que leurs conditions de vie sont extrêmement difficiles. Certains sont certes victimes de persécutions politiques ou religieuses, mais beaucoup fuient la pauvreté et la famine. L’aide au développement reste donc un moyen de limiter les migrations en amont. Ces aides ont pâti ces dernières années des restrictions budgétaires, en France comme ailleurs, et doivent retrouver la vigueur et l’engagement nécessaires.

 

  • Dans cet esprit, le droit d’accueil et le droit d’asile doivent être différenciés. Si le droit d’asile reste intangible (quitte à formaliser mieux ses contours), le droit d’accueil ne saurait se confondre avec lui. Confondre droit d’asile et droit d’accueil fragiliserait notre tradition de faire du droit d’asile un principe républicain majeur.

 

  • Pour reconnaitre le droit d’asile, les instances administratives et judiciaires existantes mettent beaucoup de temps. Trop sans doute, même s’il faut mesurer la complexité de cette étape, eu égard entre autres aux droits de recours heureusement en vigueur. Se prolongent donc des situations transitoires, conduisant à l’installation durable de familles. Plus le séjour est long, plus le retour est rendu difficile et parfois humainement impossible. Il faut donc impérativement renforcer les services en moyens humains et matériels pour accélérer le rythme de traitement des dossiers.

 

  • Les flux internationaux doivent s’examiner de façon internationale, pour le moins européenne. Les « hot-spots », les « quotas », la gestion des frontières, la lutte contre les réseaux de passeurs… doivent faire l’objet d’accords et de maitrise internationale. Cela pose, comme toujours la question des financements et de la gouvernance sur ces sujets. On trouvera plus loin quelques éléments sur le financement.

 

 

  • En tout état de cause, la qualité de l’accueil, même temporaire, ne saurait être négligée comme c’est malheureusement trop souvent le cas. Les images données comme les « nuisances » ressenties sont amplifiées par l’absence d’une gestion coordonnée entre les villes, les associations et l’État. L’absence fréquente de discours assumés et responsables sur ces sujets entraîne surenchères, démagogie et populisme. En ce sens, un débat national peut, s’il est bien conduit, aider à effacer les antagonismes entre égoïsme et humanisme.

 

L’argent nécessaire à répondre à ces besoins qui se développent pour mille raisons (et les aléas climatiques devraient en fournir beaucoup d’autres) est évidemment présenté comme le premier obstacle à surmonter. Cet argument financier sera sans doute présent au Parlement.

Conçue initialement par ses promoteurs dans cet esprit, la taxe sur les transactions financières (TTF) doit être instaurée partout et donner les moyens de conduire une politique humaniste et crédible. Elle existe en (toute petite) partie dans certains pays. Elle fait l’objet de sempiternelles tergiversations en Europe, depuis si longtemps que plus personne ne croit à une issue prochaine.

En 2011, on évoquait un produit possible de 50 Milliards en Europe, mais son taux pourrait être ajusté en fonction des besoins. Les financements indispensables aux préconisations évoquées plus haut pourraient sans nul doute être couverts, en faisant par ailleurs appel au bon sens des milieux financiers : faute de faire preuve d'un humanisme qui ne leur est pas coutumier, ils pourraient réaliser que leur intérêt est d’éviter la déstabilisation de l’économie par des phénomènes qui pourraient vite devenir incontrôlables !

Lire la suite

"Ils veulent tuer la sécu" Interview dans Vivamagazine

25 Septembre 2019 , Rédigé par Christian Eckert

"Ils veulent tuer la sécu"      Interview dans Vivamagazine

Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 va être présenté par le gouvernement dans les prochains jours, il apparaît que les mesures d’urgence « Gilets jaunes » votées en décembre dernier ne vont pas être compensées par l’Etat à la Sécurité sociale. Une décision du gouvernement qui devrait conduire à un déficit de la Sécurité sociale en 2019 de plus de 5 milliards d’euros alors qu’on tablait sur des excédents de 100 millions d’euros il y a un an et sur un retour durable à l’équilibre après 18 ans de déficit. L’ancien secrétaire d’Etat chargé du Budget et des Comptes publics (2014-2017), Christian Eckert, condamne cette politique de non compensation des exonérations « qui fragilise notre système de protection sociale ». « On a l’impression que le gouvernement veut faire la preuve que le système n’est pas viable » avec comme objectif « d’orienter les Français vers les assurances privées ».

 

– Le gouvernement semble décidé à ce que l’Etat ne compense pas à la Sécurité sociale les mesures d’urgence dites « Gilets jaunes » votées fin décembre, soit 2,7 milliards d’euros. Comment analysez-vous cette politique ?

C’est une rupture inédite des principes et des pratiques qui se sont appliqués jusqu’à présent dans les relations entre l’Etat et la Sécurité sociale. Comme le principe de la compensation est rendu obligatoire par la loi Veil du 25 juillet 1994, je m’interroge sur la légalité de cette nouvelle méthode. Au point où nous en sommes, si les mesures d’urgence « Gilets jaunes » ne sont pas compensées, on risque d’atteindre un déficit de la Sécurité sociale de plus de 5 milliards d’euros.

Les mesures « Gilets jaunes » représentent 2,7 milliards d’euros : 1,2 milliards d’euros lié à l’avancement de septembre à janvier 2019 de l’exonération sociale des heures supplémentaires ; 1,5 milliard d’euros, correspondant à la baisse de 1,7% de la CSG des retraités gagnant moins de 2000 euros par mois. A ces 2,7 milliards d’euros, il faut ajouter la baisse du forfait social prévu par la loi Pacte de 800 millions d’euros.

Il faut rappeler que dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, pour la première fois, le gouvernement avait déjà décidé, en le théorisant, de ne pas compenser des allègements de charge à hauteur de 2,4 milliards d’euros. Ces non compensations qui creusent le déficit vont fragiliser un peu plus notre système de protection sociale. C’est pourquoi je me demande s’ils ne veulent pas tuer la Sécu.

– Quelle peut être, selon vous, l’explication d’une telle politique qui fragilise les comptes de la Sécurité sociale ?

On a l’impression que le gouvernement veut faire la preuve que le système n’est pas viable. Si le gouvernement supprime des recettes de la Sécurité sociale dès qu’elle revient à l’équilibre et la met ainsi dans le rouge, ce n’est pas la peine d’avoir fait polytechnique pour comprendre qu’ils veulent changer de système. Je suis persuadé que l’idée sous-jacente est d’orienter les Français vers les assurances privées pour compléter leur protection sociale solidaire. Car, si la Sécurité sociale voit son déficit se creuser à plus de 5 milliards d’euros en 2020, cela implique de nouvelles mesures d’économies en perspective qui vont venir réduire les prestations publiques de la protection sociale. Il devient alors naturel et nécessaire de se couvrir davantage par des assurances privées. Le gouvernement semble être dans cette idée simple de faire marcher le « business », ce qui est choquant en matière de protection sociale, en contradiction avec notre modèle solidaire.

Par ailleurs, il est évident qu’un contexte de déficit est évidemment beaucoup plus favorable pour faire passer la réforme des retraites voulue par le président de la République. C’est aussi plus facile de s’en prendre à l’Aide médicale d’Etat (AME) qui couvre la santé des sans-papiers, ce qui est proprement scandaleux car dans ce domaine il vaut mieux pêcher pas excès que par insuffisance, sachant que l’AME représente 0,5% des dépenses de santé.

– Croyez-vous possible un changement de système, tel que vous le décrivez, sans qu’il y ait un débat public ?

Il est vrai que cette politique est menée sans que personne ne soit vraiment au courant. C’est assez inquiétant. Le gouvernement ne joue pas cartes sur table et pourtant semble vouloir modifier le modèle social en profondeur.

Je le répète, ce changement de système ne se justifie aucunement. D’autant qu’à partir de 2024, la dette sociale sera apurée. Ce qui veut dire que le gouvernement se retrouvera à ce moment-là avec un apport de 24 milliards d’euros qui sera disponible tous les ans. Son financement est assuré par la CRDS de 0,5%, de la CSG et une ponction sur le Fonds de réserve des retraites. Une manne tout à fait exceptionnelle qui permettrait de financer la dépendance (5 milliards d’euros par an), mais aussi de donner des moyens à l’hôpital et aux Ehpad, et de faire une réforme des retraites qui ne diminue pas les pensions, donc qui ne nécessite pas de développer l’épargne retraite par capitalisation comme le veut le gouvernement.

Emmanuelle Heidsieck

Magasine VIVA

 

Lire la suite

Retraites : on ne nous dit pas tout !

8 Septembre 2019 , Rédigé par Christian Eckert

Le Gouvernement semble dans l’expectative sur le dossier des retraites. Quoi de plus normal : c’est un sujet d’une extrême complexité … Un jour un Ministre affirme vouloir faire vite avant qu’un autre n’annonce le report du projet de loi. Un jour le haut-commissaire parle d’âge pivot avant que le Président n’évoque la durée de cotisations. Un grand débat est annoncé, mais sa forme et sa durée semblent diviser nos dirigeants… La clause du Grand-Père est jetée par la porte un jour et revient par la fenêtre le lendemain...

Encore une fois, et sans mauvaise ironie, c’est assez logique compte tenu de la lourdeur de la question…

 

Ce qui me sépare du Gouvernement se situe en fait bien en amont du contenu de la réforme. A rebours des discours récurrents relayés par une presse économique le plus souvent porte-voix des réseaux libéraux, j’ose ici douter de la nécessité d’une réforme globale, certainement brutale et dont le caractère définitif et simplificateur sera bien improbable.

 

Ayons donc l’audace de prendre le contre-pied des sempiternels propos qui annoncent depuis un demi-siècle pour le lendemain l’effondrement de notre régime de retraites par répartition, assis sur la solidarité des générations, la mutualisation des risques et la volonté d’assurer à tous un socle minimal de revenus.

 

Aux oiseaux de mauvais augure qui ne savent que mettre en avant l’allongement de la durée de la vie et la baisse du rapport actif/retraité, il convient de souligner d’autres éléments dont personne ne parle et qui compensent pour le moins la non viabilité d’un dispositif que le monde entier regarde avec jalousie….

 

L’argument premier pourrait être politique, historique et presque philosophique : Notre système de retraites par répartition est issu du Conseil National de la Résistance. Il a été conçu alors même que le pays était en ruines, ce qui, malgré quelques difficultés, n’est tout de même pas le cas aujourd’hui ! Il a la vertu de mutualiser les ressources et de répartir avec un esprit solidaire les revenus. Il assure, malgré quelques insuffisances, la possibilité à chacun de remplacer plutôt plus généreusement qu’ailleurs dans le monde, ses revenus d’activité par des retraites assez bien calibrées. Mais ces arguments humanistes, sociaux et subjectifs, ne sont pas reconnus comme déterminants par les analystes dominant notre époque, à vrai dire plus des comptables ou revendiqués comme tels.

 

Mais même les comptables devraient souligner l’existence de plusieurs éléments favorables :

 

  1. Quand bien même les prévisions à 50 ans doivent être faites avec humilité (et cela vaut pour les optimistes comme pour les pessimistes), il est singulier d’observer ce que prévoient les experts de la Commission Européenne (pas les plus chauds partisans du maintien de notre régime de retraites) : « En 2070, la France consacrera 3,3 points de PIB de moins aux retraites qu'en 2016. ». L’excellent propos de Guillaume Duval dans Alternatives Economiques rappelle que les différentes réformes en cours de déploiement auront comme conséquence de réduire la part des dépenses de retraites dans la dépense publique. Cet article complet rappelle utilement les mesures prises par les uns et par les autres, et trace les perspectives des questions restant à régler. Toujours est-il que la prévision prévoit que toute chose égale par ailleurs, les retraites pèseront de moins en moins dans la dépense publique. Le niveau des revenus est en fait le vrai sujet.

 

  1. Il existe par ailleurs un autre élément qui doit être rappelé avec force : les Gouvernements successifs, en premier lieu celui de Lionel Jospin en 1999, ont créé et alimenté un Fonds de Réserve des Retraites (FRR). Celui-ci, fin 2018, disposait d’ACTIFS DE PLUS DE 32 MILLIARDS d’Euros. Même si quelques engagements pourraient diminuer un peu ce montant imposant, il représente une ressource bien réelle. En plus de ce premier pactole, la plupart des autres régimes de retraites, dont les complémentaires (Agirc-Arrco, CNAPVL …), possèdent également des réserves que le Conseil d’Orientation des Retraites évalue lui-même à PLUS DE 116 MILLIARDS d’Euros. On peut donc estimer à 150 Milliards au bas mot les réserves disponibles pour passer le cap des difficultés esquissées pour 2025. Mais là n’est pas encore le plus important :

 

  1. On nous a pendant des années répété un discours formaté qui consistait à assimiler sécurité sociale et déficit. Qui n’a pas en tête le fameux "Trou de la Sécu" ? Tout le monde a en tête que la Sécurité Sociale (qui inclut les retraites) est grevée d’une « dette abyssale ». C’est aujourd’hui largement faux et ce sera terminé fin 2023 ou au plus tard en 2024 ! A quelques bémols près, (voir mon post du 27 juin dernier), la Sécurité Sociale est aujourd’hui en équilibre ! Mieux, les Gouvernements successifs ont logé sa dette dans un organisme spécifique, la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale). Créée en 1996, la CADES aura reçu et remboursé toute la dette de la Sécurité Sociale au plus tard début 2024. Elle est essentiellement alimentée par la CRDS et une part de CSG, le tout pour 18 Milliards d’Euros annuels actuellement ! En 2024, la CADES n’aura plus de raison d’exister et 24 Milliards deviendront disponibles TOUS LES ANS. « Au total, c’est une somme de 24 milliards d’euros en valeur 2024 qui sera disponible dont 9 milliards au seul titre de la CRDS. Aucun gouvernement ne s’était trouvé historiquement à devoir arbitrer l’affectation d’une telle manne. » (Jean Louis Rey, Président de la CADES, décembre 2018). Même si certains ont, à juste titre, suggéré d’utiliser une partie de cette marge pour financer la dépendance des personnes âgées, la somme est énorme et mérite d’être intégrée à la réflexion.

 

Il ne faut pas pour autant croire que rien ne doit bouger et que toute réforme est superflue. Des inégalités perdurent, trop de cas socialement difficiles subsistent, la pénibilité de certains métiers est insuffisamment prise en compte et les inégalités hommes-femmes sont encore inacceptables.

 

Pour autant, le discours exigeant le Grand Soir du régime actuel au motif qu’il ne serait pas viable est une tromperie ! La mise en place brutale d’un système par points fondé sur l’individualisme ambiant est évidemment un pas vers l’assurance privée dont rêvent les libéraux au pouvoir. Par le dialogue, la négociation, des modifications doivent intervenir. Mais la répartition, la solidarité des générations et la couverture minimale universelle pour chacun sont les principes qui doivent perdurer. Même d’un point de vue purement comptable, c’est largement possible.

 

 

Lire la suite

L'Aide Médicale d'Etat (A.M.E.), nouvelle cible du Gouvernement... C'est bon la honte ?

1 Août 2019 , Rédigé par Christian Eckert

Au moment où on va nous "vendre" une nouvelle réforme, j'offre à tout le monde gratuitement ci-dessous un extrait de mon livre "Un Ministre ne devrait pas dire ça" (Robert Laffont) :

 

 

Charly et Mandela

 

 

 

« Nous ne sommes pas là pour répondre aux besoins des hordes migratoires… »

«  La France est en déficit et les crédits de l’aide médicale d’État (AME) explosent pour soigner les sans papiers… »

« L’assistanat ruine le pays… »

Parfois, les débats à l’Assemblée nationale s’apparentent presque à ceux d’un congrès du Front national (devenu RN depuis).

 

Le 5 décembre 2013, je suis rapporteur du Budget. Une journée de débats budgétaires s’ouvre à l’Assemblée nationale. C’est le moment de la Discussion générale (DG). Les orateurs inscrits viennent réciter tour à tour, dans un ordre préétabli, des textes assez ressemblants et convenus. Ils arrivent un peu avant leur heure de passage, déclament devant un hémicycle peu garni, et repartent assez vite, contents de nourrir leur blog d’une vidéo qui montre un orateur actif et pugnace en évitant de filmer les bancs dégarnis…

 

L’opposition de droite a choisi son thème du jour. Les uns après les autres, ils fustigent l’augmentation des dépenses de l’AME. Ces crédits, autour d’un milliard, sont ceux consacrés aux soins des personnes non couvertes par l’assurance maladie, françaises ou étrangères, en situation régulière ou pas. Le déficit de notre pays est à cette époque de près de cent milliards par an. Au passage, les membres de l’opposition critiquent les surcoûts de l’hébergement d’urgence – on est en hiver ! –, ou du RSA… L’assistanat devient la cause de tous les maux, la solidarité et l’humanité ne sont  pas des concepts budgétaires.

 

Survient une information venue de l’autre bout du monde : Nelson Mandela vient de mourir ! Je l’apprends sur mon Smartphone, et découvre les unes après les autres, les réactions de tout bord qui témoignent de leur « tristesse, admiration et compassion, pour ce grand défenseur des pauvres, exemple de générosité, d’engagement et d’abnégation… ».

En confrontant les discours scandaleux de la droite tenus à la tribune au concert de « larmes » à propos de la mort de Nelson Mandela, efficacement relayées par les médias, provenant le plus souvent des mêmes parlementaires, le dégoût me prend. Rapidement, je livre mes sentiments sur mon blog :

 

 

 

« Nelson Mandela est mort. Le monde pleure sa mort, son peuple chante sa vie.


Je suis maire depuis 1987 d’une petite commune de Lorraine, au cœur du pays des mines de fer. Il y a un peu plus de cinquante ans, malgré l’occupation durant 79 jours du fond de la mine par les mineurs licenciés, l’exploitation a été fermée, provoquant la ruine sociale de la ville et de ses habitants. Les cités minières à l’image des corons du Nord sont à l’abandon. La rue la plus dégradée, la rue d’Alsace, héberge dans des minuscules appartements des familles très pauvres pendant de longues années.

Dans les années 90, y vit un couple des plus modestes. Le père, Charly, travaille dur pour un salaire de misère. Je le côtoie dans le vieux bistrot de la grand-mère de ma femme, où il aime venir se réchauffer et boire un ou deux canons, parfois même un peu plus.... Ses deux garçons vont à l’école du village avec mes filles. Tout le monde s’émerveille de leur politesse, leur sérieux et leur propreté, contrastant avec la pauvreté de la famille.


Une dizaine d’années plus tard, l’épouse de Charly me demande un rendez-vous en mairie autour du 20 décembre. Elle arrive, manifestement gênée, s’excuse trois fois de me déranger, et finit par me confier qu’elle attend l’arrivée d’un de ses fils, militaire, pour sa permission de Noël et qu’elle n’a pas le moindre sou pour garnir la table familiale durant les fêtes. L’autre garçon l’a promue grand-mère d’une petite fille, et la famille aimerait réveillonner comme tout le monde… Je la rassure, lui délivre un bon d’achat d’alimentation du Centre communal d’action sociale.

 

Au passage, elle m’avoue qu’elle est un peu souffrante et n’a même plus le moindre sou pour acheter ses médicaments, « pour la circulation du sang ». Je la dispute un peu : notre département, administré par mon ami Michel Dinet, est alors un des seuls en France à avoir mis en place à titre expérimental, ce qui deviendra plus tard la Couverture maladie universelle (CMU). Je lui recommande de venir voir notre assistante sociale rapidement, pour faire le dossier, et qu’elle n’aura alors plus à avancer l’argent pour se soigner.

Elle me quitte ainsi, son bon alimentaire soigneusement plié entre les mains, non sans avoir redit ses regrets d’avoir osé déranger « Monsieur le Maire » pour si peu…


Elle n’est jamais revenue voir l’assistante sociale… Le lendemain du réveillon, le commandant des pompiers de ma ville, m’appelle pour m’informer que, la nuit précédente, les pompiers sont allés rue d’Alsace d’urgence. L’épouse de Charly était morte brutalement, sa petite fille dans les bras, la nuit du réveillon : "La circulation du sang"… sans les médicaments…


Cet affreux conte de Noël illustre ce qui me pousse à faire de la politique et à être viscéralement de gauche. Pour moi, sauver cette femme doit faire partie de notre mission d’élu. C’est une priorité. C’est même la priorité.

En ces temps de débat budgétaire, j’ai entendu presque tous les députés de droite dénoncer les dérapages financiers de l’aide médicale d’État, des crédits de l’hébergement d’urgence ou encore les travers du RSA… Pensez donc : ces pauvres, pas toujours français, parfois même en situation irrégulière, venus chez nous en risquant de se noyer, profitent des soins gratuits ou presque, offerts par un pays qui peine à rester la cinquième puissance industrielle du monde…


Les mêmes me reprochent d’abaisser à 700 000 euros – vous avez bien lu – le seuil à partir duquel on pourrait utiliser un tout petit peu moins facilement les conditions fiscales hyper-avantageuses des placements sur une assurance vie…

Les mêmes, j’en ai honte pour eux, vont se bousculer devant les caméras pour vanter les qualités exceptionnelles de Nelson Mandela.

Toute la journée, ces députés qui stigmatisent les « dépenses de guichet », vont se battre pour défendre les niches fiscales, dont Charly n’a pas plus connu l’existence que celle de la CMU qui aurait peut-être permis à son épouse de voir grandir sa petite fille. Mais ils passeront pour faire acte de repentance par la salle des quatre colonnes, exprimer leur admiration "sans limite" de l’action "sensationnelle" de Madiba !


Je ne dirai rien sur Nelson Mandela. J’assumerai toute la journée dans l'hémicycle désert, l’augmentation des crédits de l’AME et de l’hébergement d’urgence, tout comme le plafonnement des niches fiscales. En hommage à Nelson Mandela et à la famille de Charly. »

 

 

Ce billet a largement été repris par les médias et fait l’objet de retours positifs. Les commendataires les plus élogieux ont été signés par François de Rugy et Olivier Dussopt.

À l’époque, ils n’étaient que simples députés… et encore de gauche. Ils sont aujourd’hui respectivement président de l’Assemblée nationale et secrétaire d’État. Ils ont clairement fait allégeance au président Macron.

Ils ont soutenu en 2018 des décrets concernant les réfugiés qui auraient provoqué la colère de Nelson Mandela. Ils trient les migrants dans des centres d’hébergement d’urgence, rabotent les aides au logement tout en supprimant l’impôt sur la fortune (ISF). Ils mettent également fin aux contrats aidés qui concourent à l’insertion des plus démunis. Ils s’apprêtent à soutenir la fin des dispositifs qui soignent les migrants. J’aimerais qu’ils aient un peu de mémoire. Et, pour tout dire, de dignité.

 

Certes, les femmes et les hommes politiques doivent garder une certaine distance par rapport aux drames de la vie. Mais cette effroyable histoire connue en période de Noël m’aura marqué à vie. L’irréversibilité de la mort autorise qu’en matière d’aide médicale ou sociale, avec rigueur et discernement, le « péché » par excès soit incontestablement préférable au défaut de mise en œuvre.

 

Lorsque j’entends stigmatiser les aides sociales et le slogan d’« assistanat » revenir à tour de bras, je pense souvent à cette pauvre famille endeuillée à jamais en période de fêtes. Si quelques-uns parfois abusent de notre protection sociale, nombreux sont les exemples de personnes qui ne l’utilisent pas. Par erreur, par ignorance, mais aussi souvent par pudeur, certains ne font pas valoir leurs droits et en paient le prix. Celles et ceux qui prétendent agir dans une République solidaire ne doivent jamais l’oublier.

 

« La droite vit avec la misère, et la voit comme une fatalité. La gauche vit aussi avec elle, mais ne n’y soumet pas. »

Au début, je trouvais cette citation de Françoise Sagan séduisante. Et puis, à force d’y réfléchir, je m’interroge. Qu’est-ce que ça peut signifier de ne pas se soumettre à la misère, ou, pour utiliser un vocable plus moderne, à la « nouvelle pauvreté » ? C’est s’attaquer à ceux qui la fabriquent. Ils sont identifiables. Cette « nouvelle pauvreté », en France, à la veille d’élections, apparaît comme la conséquence de ces phénomènes de mondialisation financière, ou plus exactement la conséquence de la démission du politique devant la finance. Le politique a pour mission de la contrôler. C’est même sa mission essentielle. La première victime du financier est l’économique. Puis le politique. Puis le citoyen. Le premier complice du prédateur financier reste le politique.

Ai-je moi aussi été complice ?

Lire la suite

Convention fiscale France Luxembourg, comment ça marche ?

5 Juillet 2019 , Rédigé par Christian Eckert

Beaucoup d’entre vous se (et me) demandent ce qui va changer suite à la ratification de la nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg... J’ai déjà dit combien je suis indigné de la légèreté avec laquelle ce sujet a été traité lors de l’examen parlementaire. Mais aujourd'hui, ce n’est pas l'objet de ce post.

 

Dans la plupart des pays, les impôts sur les revenus des salariés sont prélevés par le pays où les revenus sont perçus, selon les règles et les barèmes en vigueur dans ce pays.

 

Il y a en gros deux façons pour la France de traiter la question des impôts sur les revenus perçus par les personnes qui travaillent hors de leur pays de résidence fiscale.

 

  1. La méthode de l’exonération :

        On considère que les revenus perçus à l’étranger ont déjà été imposés et la France les exonère d’impôts. Ainsi ils ne sont imposés qu’une fois.

 

  1. La méthode de l’imputation :

        On calcule combien les revenus auraient généré d’impôts en France et on compare le résultat avec les impôts acquittés à l’étranger. Si en France les impôts sont supérieurs à ceux payés à l’étranger, la France se fait payer la différence par le contribuable. Sinon, il ne se passe rien.

 

 

Jusqu’alors, la méthode de l’exonération était appliquée entre la France et le Luxembourg. La nouvelle convention prévoit explicitement d’appliquer la méthode de l’imputation.

 

Prenons un exemple : Pierre gagne 140 au Luxembourg avant impôts

 

  • Méthode de l’exonération (en vigueur actuellement) : Le Luxembourg lui prélève 40 pour les impôts. Il gagne 100 net d’impôt. La France ne lui réclame aucun impôt sur ses revenus luxembourgeois.

 

  • Méthode de l’imputation (prévu par la convention ratifiée) : Le Luxembourg lui prélève toujours 40 pour les impôts. La France calcule l’impôt théorique que Pierre aurait payé sur ses revenus de 140 s’ils avaient été perçus en France. Si le résultat est 50, la France réclamera 50-40=10 à Pierre. Il gagnera 90 net d’impôts. Si le résultat est moins de 40, la France ne lui demandera rien (et ne lui remboursera rien).

 

Contrairement à l’idée généralement répandue, à revenu égal, les impôts sont souvent supérieurs au Luxembourg à ceux payés en France. Cela implique que le changement de méthode décrit plus haut pourrait ne pas avoir beaucoup d’effets. Malheureusement, pour les revenus les plus modestes, les impôts français restent supérieurs à ceux prélevés au Luxembourg !

 

Paradoxalement, la nouvelle convention impacterait donc en premier les frontaliers qui ont de faibles salaires…

 

Et puis, imaginons que les impôts baissent fortement au Luxembourg et qu’ils soient stables en France ou qu’ils baissent moins… L’impact pourrait être important…

 

Cela n’a pas été étudié avant l’adoption de la convention. Ou alors dans le plus grand secret… On nous assure que l’administration publiera des interprétations au B.O.F.I.P... Je vois assez mal l’administration contredire une convention intégrée dans la loi par le Parlement…

Lire la suite

Comment ils vont tuer la Sécu !

27 Juin 2019 , Rédigé par Christian Eckert

 

Les commentaires sur les comptes publics sont inversement proportionnels aux déficits ! Le Gouvernement traverse une accalmie liée à plusieurs facteurs favorables. Entre autres, la baisse ininterrompue des taux d’intérêts (quasiment 0% à 10 ans et négatifs sur des durées plus courtes !) lui permet d’économiser plusieurs Milliards pourtant budgétés sur les intérêts. Qui s’en plaindrait…

 

Pour autant, les discours sur la Sécurité sociale, son financement et sa viabilité vont bon train. Les idées reçues, les poncifs et les intoxs sont innombrables. Avec humilité, mais aussi une expérience de parlementaire et de membre du Gouvernement en charge des finances avec ma collègue des affaires sociales, je me dois de partager quelques réflexions :

 

Après des années de déficits parfois considérables, le régime général de la Sécurité Sociale vient, depuis deux ans, de rejoindre quasiment l’équilibre ! Et la dette de la Sécurité Sociale logée à la CADES sera remboursée intégralement à échéance d’environ 4 ans. La fin du trou de la Sécu est, ou plutôt était, à portée de main.

 

Ceci n’est pas arrivé par hasard et explique en partie les difficultés dans certains secteurs, notamment la médecine hospitalière, à l’hôpital public ou dans les EHPAD. Les contraintes sur les tarifs, réductions de personnels, diminutions capacitaires, commencées sous le quinquennat « Hollande » et poursuivies après ont permis ce retour vers l’équilibre. Mais elles ont aussi pesé sur les personnels et la qualité de certains services, comme en témoignent les mouvements dans les urgences ou les EHPAD. Cet équilibre retrouvé doit aussi beaucoup aux réformes sur les cotisations retraites décidées sous différentes majorités et à l’augmentation de la masse salariale (assiette des cotisations sociales) constatée depuis 2016.

 

Ces marges de manœuvre retrouvées devraient permettre d’assouplir les contraintes, notamment à l’hôpital public et par exemple de prendre en charge enfin dignement la condition des personnes âgées dépendantes dont le nombre augmente considérablement. La fin de la CADES devrait permettre de réaffecter pas loin de 20 Milliards d’Euros d’ici quelques années !

 

Mais le Gouvernement semble en décider autrement et fait repartir les déficits en remettant en cause le principe majeur qui assure la pérennité du système social : « L’Etat doit compenser à la Sécurité Sociale tous les allègements de cotisations sociales qu’il décide ».

 

A sa création, la Sécurité Sociale était financée presque uniquement par des cotisations sociales. L’ouverture des frontières et la concurrence internationale ont conduit tous les gouvernements à alléger le coût du travail, composante du prix des productions, pour rester compétitifs face aux produits venant de pays sans protection sociale. Mais à chaque baisse de cotisations, il était « en même temps » décidé de compenser à la Sécu les pertes de recettes, par des parts recettes fiscales auparavant encaissées par l’Etat… Ainsi, de nos jours, les cotisations ne représentent qu’en gros les 2/3 des recettes de la Sécurité Sociale, le reste étant des impôts, directs ou indirects, (fractions de TVA et de CSG, taxes diverses…).

 

Les derniers textes budgétaires votés sont formels : les baisses massives de cotisations sociales, notamment celles destinées à la bascule du CICE (20 Milliards !) ne seront plus intégralement compensées à la Sécurité Sociale. Pire, les compensations issues du passé sont remises en cause progressivement…

 

C’est un fait sans précédent dans les lois de finances pour 2019 et programme la fin de notre modèle fondé sur la solidarité.

 

Il est indiscutablement nécessaire de faire évoluer le financement de notre système social. Différentes options existent : cotisations, impôts, CSG, TVA…. Le débat politique, un temps amorcé sur ce sujet majeur, a été trop tôt refermé sans conclusion. Le Président n’a pas reçu de mandat sur ce point lors de son élection. Pour autant, la plupart des décisions prises depuis son élection taillent dans les recettes sociales sans aucune compensation. Ces décisions asphyxient un système social qui peut fonctionner, pour pouvoir le déclarer non viable et l’ouvrir aux appétits des assureurs privés.

 

A l’aube d’une réforme annoncée de la branche « retraite », un vrai débat sur les options de financement est urgent sans dogmes ni tabous.

Lire la suite

Le football, on y met un pognon de dingue !

18 Juin 2019 , Rédigé par Christian Eckert

Sur le conseil de mon éditeur, après en avoir discuté, j'avais accepté de retirer de mon livre "Un Ministre ne devrait pas dire ça..." paru chez Robert Laffont il y a un an, un chapitre consacré au football.... Je le regrette un peu....Michel Platini est né et a passé son enfance à Joeuf, ville située dans la circonscription dont je fus le représentant à l'Assemblée Nationale. L'actualité n'incrimine pas seulement cet homme, qui nous a fait connaître comme joueur d'intenses émotions. Il faut laisser la justice faire son travail et l'intéressé se défendre.

Mais l'argent est à l'évidence trop présent dans le monde du football. Je pourrais - peut être le ferai-je plus tard - parler de la TVA sur les entrées, de la fiscalité des joueurs, de l'imposition (Lol...) des revenus tirés du droit à l'image.... Comme le disait pudiquement mon éditeur, "c'est trop technique et cela n'intéressera pas les lecteurs...". Mais en lisant ce matin un article sur les conditions d'attribution du Mondial 2022, il me parait utile de republier le chapitre fantôme consacré au football et traitant plus particulièrement de l'Euro 2016 :

 

 

 

Dans ma jeunesse, j’allais régulièrement voir les matches de football. Le FC Metz était mon équipe favorite, et je ne ratais aucun match. Pour quelques francs, avec quelques amis, nous achetions des billets catégorie « populaires » : des places debout, non couvertes, dans un virage. Avec drapeau, casquette grenat et corne de brume, on supportait cette équipe moyenne, mais régulière en ligue 1. L’équipe comptait encore dans ses rangs bon nombre de joueurs issus des clubs amateurs  environnants, devenus pro à la sortie de l’école de foot de Metz.

 

Aujourd’hui, je ne regarde quasiment plus de football. J’ai l’habitude de dire que j’ai « divorcé » avec le foot ! A Bercy, j’en ai trop vu sur l’argent du foot… Un pognon de dingue ! Un seul exemple :

 

Peu après mon arrivée à Bercy, mon cabinet me soumet une note sur l’Euro 2016. Pourquoi le Secrétaire d’Etat au Budget doit-il s’occuper de l’Euro 2016, sinon pour savoir quelles dépenses, notamment pour la sécurité, doivent être engagées pour cet événement important, et surtout par qui elles doivent être supportées ?

 

La note que j’ai sous les yeux soulève en fait beaucoup de questions très au-delà de la gestion des dépenses liées à l’Euro 2016.

 

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le monde du sport et surtout celui du football attire mon attention. Ce fut le cas de la fameuse taxe à 75% sur les très hauts salaires, annoncée au Bourget par le candidat Hollande et dont la mise en place touche évidemment bien des vedettes du sport. Ce fut aussi vrai lorsque nous avons travaillé sur la taxe sur les spectacles ou sur l’assujettissement à la TVA des billets d’entrée aux stades.  L’abondement du Fond National de Développement du Sport (FNDS) par une part du produit de jeux faisait régulièrement l’objet des convoitises des lobbies sportifs. La fiscalité des primes versées aux joueurs par les clubs était tous les ans l’objet de demandes d’allègements, comme si les montants de plus en plus vertigineux le justifiaient… A chaque fois, de judicieux amendements ont été discrètement adoptés pour préserver les gros clubs de foot et les salaires extravagants des joueurs...

 

Ces serpents de mer pouvaient à tout moment se transformer pour moi en couleuvres à avaler, tant il est vrai que les lobbies de l’économie du sport sont parmi les plus puissants. Les loges des stades regorgent de parlementaires, de Ministres, de membres de cabinets ministériels, de PDG. Les invitations qui leur sont adressées sont bien sûr aussi désintéressées que gratuites et appréciées…!

Dans les allées de Roland Garros, descendant de la tribune où j’avais payé mes places, j’ai croisé bien des collègues sortant des prestigieuses loges réservées par les grandes entreprises pour accueillir leurs « clientèle ».

 

Mais ce jour là, à la note qui arrive sur mon bureau sont jointes les copies de deux lettres signées par deux de mes prédécesseurs d’avant 2012, Eric Woerth et François Baroin. Ces deux courriers, adressées en leur temps à l’U.E.F.A. engagent notre pays à « exonérer d’impôts les structures participant à la réalisation de l’Euro 2016 ». C’est bien là le sujet du jour. Faut-il tenir cet engagement, et si oui, de quelle façon ?

 

Les notes adressées aux Ministres sont toujours d’une qualité exceptionnelle. Dans celle-ci sont comme d’habitude traités tous les aspect du sujet :

 

Bien sûr il y est rappelé que sans cet engagement, l’U.E.F.A n’aurait peut-être pas choisi la France. Il parait que tous les pays pratiquent cela. Le Ministère des sports rappelle à vau-l'eau que les millions de touristes, déferlant dans les restaurants, les hôtels et les villes organisatrices, génèrent du chiffre d’affaire, donc des recettes pour l’Etat dont une grosse part de TVA. Comme toujours, on nous explique qu’en supprimant des impôts, l’Etat sera gagnant. Je n’y crois guère. 

 

Quels impôts et quelles structures sont concernés ? L’impôt sur les bénéfices des sociétés organisatrices (créées d’ailleurs à cet effet) évidemment. Mais qu’en est-il des entreprises ayant construit les stades ? Quid de la TVA ? Comment traiter les primes des joueurs ? Une interprétation large des lettres des Ministres ouvre toutes les boîtes de Pandore possibles. J’y suis évidemment très réticent.

 

Comment procéder ? L’option la plus simple, mais la plus « baroque », consiste à donner instruction à l’administration d’exonérer d’impôt sur les sociétés certaines entreprises. Une telle instruction du Ministre, quelle qu’en soit la justification, serait passible de la Cour de Justice de la République, et heureusement ! Le pouvoir discrétionnaire du Ministre à ordonner l’impôt ou à l’exonérer n’existe pas. Seul le Parlement décide de l’impôt et cela figure explicitement dans notre constitution. Le Ministre et son administration doivent ensuite appliquer la loi. Il est exclu d’entrer dans ce genre de démarche.

 

Faut-il mettre en œuvre les folles promesses de ce courrier ? Les juristes du Ministère soulèvent le risque de voir l’U.E.F.A. déclencher une procédure « de manquement à la parole de l’Etat » si nous n’honorons pas les engagements de nos prédécesseurs. Une lettre d’un Ministre en exercice, même imprécise (c’est le cas), même sans fondement juridique (c’est aussi le cas) engage l’Etat dans la continuité. Elle crée pour son destinataire une espérance légitime qui pourrait créer un droit à indemnisation, en cas de non respect des assurances de l’Etat formulées dans un courrier signé d’un Ministre.

 

L’U.E.F.A. a écrit, et demande des précisions claires sur le périmètre de cette remise d’impôts et de taxes. Le Ministre des Sports, son Secrétaire d’État et les innombrables amoureux du football à tous les niveaux de la République pressent Bercy de s’exécuter. On attend de nous un « rescrit », c'est-à-dire une description précise, engageant juridiquement l’État sur la manière dont les services fiscaux traiteront avec la bienveillance promise les sociétés figurant dans le document.

 

Mes prédécesseurs directs, Jérôme Cahuzac et Bernard Cazeneuve ont toujours refusé de signer une instruction pour que l’administration agisse sur le sujet. Il est bien sûr également inconcevable pour moi d’ordonner à mon administration d’exonérer d’impôt, quelle qu’en soit la raison, sans fondement juridique, une ou plusieurs sociétés. Un Ministre du Budget, bafouant le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt serait à jamais discrédité et probablement condamné. Mais une solution doit être trouvée, puisque des Ministres, certes avant 2012, ont engagé l’État. Une réunion est donc organisée avec mon cabinet.

 

Nous convenons que dans une loi de finances, je propose au Parlement d’adopter une disposition législative. Pour une durée limitée, seront exonérées d’impôt sur leurs bénéfices les sociétés organisatrices de certains grands évènements sportifs. La liste de ces manifestations est renvoyée à un décret pris en Conseil d’Etat. Outre l’Euro 2016, cinq autres compétitions (le Championnat d'Europe de basket-ball masculin 2015, le Championnat du monde de handball masculin 2017, le Championnat du monde de hockey sur glace masculin 2017, la Ryder Cup et la Ryder Cup Junior 2018, la Coupe du monde féminine FIFA 2019) répondront aux critères dictés par la loi. Les J.O. de 2024 rentreront aussi dans cette catégorie puisque la France a été choisie.

 

Au Parlement, les débats s’enflamment vite. Le jour de la présentation de cet article de la loi de Finances, les défenseurs du sport ont fort à faire pour obtenir le vote majoritaire. Au banc du Gouvernement, je suis exceptionnellement flanqué de Patrick Kaner, entre autres Ministre des Sports. A droite comme à gauche, les avis sont divers.

 

Les arguments des opposants ne manquent pas de bon sens. Pourquoi les seules manifestations sportives, et pas les manifestations scientifiques ou culturelles ? Ce type d’exceptions ne s’apparentent elles pas aux rullings (l’impôt négocié sur mesure par un État avec telle ou telle entreprise) que nous dénonçons lorsqu’ils se pratiquent au Luxembourg ou ailleurs ? La concurrence fiscale entre les pays n’entraine-t-elle pas au dumping toujours globalement perdants pour les États ? C’est évidemment là le cœur du sujet.

 

Nous hurlons chaque fois que le Luxembourg ou l’Irlande fait un pont d’or fiscal à une entreprise pour l’attirer chez eux. Et là, s’agissant par ailleurs d’un milieu où l’argent coule à flots à ce niveau, nous ferions à peu près la même chose… Je ne mêle pas trop du débat dont je devine l’issue favorable en regardant les députés présents…

 

Les sportifs l’emportent finalement assez facilement. J’ai scrupuleusement tenu la position du Gouvernement, avec une ardeur mesurée. Patrick Kaner aura été plus enthousiaste, et remerciera longuement le Parlement (et en privé le Secrétaire d’État au Budget dont il connaissait les réserves).

 

Plus tard, des rapports plus ou moins objectifs souligneront combien l’événement aura été bénéfique pour les finances du pays. Je n’y crois qu’à moitié. Par contre, j’ai une certitude : cela aura été bénéfique pour l’U.E.F.A.. Qui a par ailleurs d’autres turpitudes liées à l’argent. Élu de la circonscription où Michel Platini a vécu son enfance et a fait ses premiers matchs, j’ai observé de près les opérations financières de l’UEFA !

 

Au moment de l’Euro 2016, Le Ministère des sports, pour gérer l’afflux des demandes d’invitations aux compétitions, a écrit à tous les Ministres pour leur demander de signaler les matches auxquels ils souhaitaient - en fonction des disponibilités - être invités. Je n’ai pas répondu et n’ai assisté à aucune rencontre.

 

Depuis, avec les Qataris et les Millions de Neymar, le football a encore pris une nouvelle dimension. Au moment où le gouvernement rognait 5 Euros sur toutes les APL perçues pour économiser une centaine de Millions d’Euros en 2017, le club « français » du Paris Saint Germain payait 220 Millions pour faire venir un seul joueur payé ensuite 30 Millions d’Euros par an. La classe politique n’a que très peu réagi, sauf pour parfois s’en féliciter. Mon successeur, sans doute mal renseigné sur le statut des impatriés, a même applaudi en comptant (de travers) les impôts et les cotisations sociales soit disant engrangés par l’Etat, et payés par… les spectateurs.

Lire la suite

SOS

10 Juin 2019 , Rédigé par Christian Eckert

On parle beaucoup du groupe SOS suite à la démission du directeur de l’hôpital de Mont Saint Martin.

Je recommande la lecture attentive de l’article ci dessous, de décembre 2018 paru dans Le Monde.

Plus que troublant....

C’est un portrait de Jean Marc Borello :



Ce proche d’Emmanuel Macron préside aux destinées du groupe SOS d’économie solidaire dont le chiffre d’affaires frôle le milliard.....



Et un hôpital de plus ! Le neuvième à tomber dans l’escarcelle de SOS. Le groupe français d’économie sociale a annoncé, début novembre, la reprise du centre médical La Source, à Saint-Léger-les-Mélèzes (Hautes-Alpes). Au même moment, à Marseille, il a été choisi par la ville pour restaurer et exploiter durant quarante ans le fort d’Entrecasteaux, un site militaire du XVIIe siècle fermé depuis des années. Dans un ou deux ans, il devrait être transformé en lieu d’innovation culturelle. A la clé, 300 emplois, notamment pour des jeunes en difficulté.



C’est encore le Groupe SOS qui a été désigné, en septembre, par le gouvernement pour prendre en charge des personnes radicalisées, notamment celles de retour de Syrie. Objectif : les sortir de leur parcours extrémiste et les réinsérer. Un centre a ouvert à Paris fin septembre, un deuxième est prévu à Marseille.



Lire aussi : Jean-Marc Borello : « La société civile, essentielle à la prévention de la radicalisation »

Plus discrètement, SOS a été retenu par le groupe parlementaire La République en marche (LRM) pour apprendre à une partie de ses députés à s’exprimer dans les médias. Et dans quelques jours, il devrait reprendre Les Brigades vertes, une grosse association de Dardilly (Rhône) chargée d’aider des personnes au revenu de solidarité active (RSA) à trouver un avenir, elle-même en grand péril.



Un hôpital à redresser, un monument historique à restaurer, des islamistes radicalisés à remettre dans le droit chemin, des élus à former, des réfugiés à héberger… De mois en mois, SOS n’en finit pas de remporter les appels d’offres les plus divers, et de grandir, grandir.



Au total, le groupe associatif affirme employer à présent près de 18 000 salariés dans 500 établissements, et table, pour 2018, sur un chiffre d’affaires de 948 millions d’euros. Le cap du milliard est en vue. « Cela fera une croissance de 10 % à 15 %, comme les années précédentes », évalue Jean-Marc Borello, installé dans son bureau du 11e arrondissement de Paris. En France, jamais une entreprise de l’économie sociale et solidaire n’avait atteint pareille taille.



Association milliardaire



Soudain, le patron de 60 ans se lève et ouvre la fenêtre, histoire de fumer une cigarette en mesurant le chemin accompli depuis la création des premières associations fondatrices de SOS, en 1984. « La valeur liquidative du groupe est désormais voisine de 1 milliard d’euros, notamment parce que notre “truc associatif” est propriétaire de ses murs, glisse-t-il avec satisfaction. Cela veut dire que, si demain on arrêtait tout, on se retrouverait avec 1 milliard. Mais qu’est-ce qu’on en ferait ? »



Une association milliardaire ! Joli succès pour cet ancien éducateur spécialisé, devenu gestionnaire de boîtes de nuit aux côtés de Régine, puis figure de proue de l’économie sociale, et désormais l’un des patrons les plus proches d’Emmanuel Macron. Après l’avoir eu comme élève à Sciences Po, le dirigeant de SOS s’est mis à son service durant la campagne présidentielle. Dans la foulée, deux anciens du groupe, Pacôme Rupin et Aurélien Taché, ont été élus à l’Assemblée.



Quatre mois après l’élection, le président-fondateur lui-même s’est vu confier par le gouvernement une mission sur « l’innovation sociale au service de la lutte contre l’exclusion ». Membre du bureau exécutif de LRM, l’homme fort de SOS préside aujourd’hui la commission chargée de choisir les candidats pour les élections européennes, un poste de confiance. Dans certaines réunions, « il arrive que M. Borello surplombe les ministres, leur coupe la parole », constate Louis Gallois, ancien patron de la SNCF et actuel président de la Fédération des acteurs de la solidarité.



Lire aussi : Jean-Marc Borello, l’atout social d’Emmanuel Macron

Mais ce succès ne va pas sans susciter des critiques. M. Borello s’est vu qualifier de « Bernard Tapie », d’« industriel du social ». Certains l’accusent de reproduire dans le monde associatif les logiques prédatrices du capitalisme classique. Et d’avoir constitué, avec SOS, un petit empire géré de façon clanique.



Pouvoir concentré



De fait, l’association est verrouillée. Pas de bénévoles, pas d’adhérents hormis une centaine de membres triés sur le volet : magistrats, hauts fonctionnaires, professeurs de médecine qui doivent être parrainés par les trente membres du conseil d’administration… qu’ils ont élus. Le circuit est ainsi bouclé, ce qu’admet le patron. « Bien sûr, il ne suffit pas de payer sa cotisation pour entrer : il faut avoir rendu des services éminents ou être ancien responsable des associations passées dans le groupe. » Le conseil, réuni trois ou quatre fois l’an, a d’ailleurs un rôle mineur, affirme un administrateur des premiers jours.



« Cette absence de contrôle démocratique, de contre-pouvoir, pose problème dans un domaine comme l’action sociale », juge Patrick Doutreligne, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux. M. Borello se défend : « C’est une association de gestion, elle reste fermée et à l’abri d’une OPA associative. »



En pratique, le pouvoir paraît concentré entre les mains du président et de quelques dirigeants, liés pour certains d’entre eux par des relations affectives ou familiales. « Oui, il y a autour de Jean-Marc une forme de cour, dont j’ai fait partie, et qui bénéficie parfois de privilèges, notamment d’appartements rachetés au groupe », reconnaît, un peu gêné, un ancien responsable.



Un château avec piscine et kangourous dans le parc



Le patron se déplace en voiture avec chauffeur. Il passe des week-ends dans une propriété du groupe, Les Tournelles, à Hautefeuille (Seine-et-Marne), un château avec piscine, jacuzzi, salle de projection, et même des kangourous dans le parc.



Des signes qui passent mal dans le milieu de l’action sociale et qui contrastent avec le sort des salariés de base. « En fin d’année 2017, j’ai voulu remercier mon équipe qui s’est démenée pour remettre sur pied notre accueil, témoigne une directrice. La hiérarchie a royalement proposé une prime humiliante de 50 euros... »



Et puis, il y a la façon dont Jean-Marc Borello se comporte avec certains hommes. La scène s’est répétée à de nombreuses reprises. « C’est une sorte de tradition », racontent des habitués. Lors des grandes fêtes qui ponctuent la vie du groupe, M. Borello ouvre le bal sur Gigi L’Amoroso, de Dalida. Lorsque résonnent les premières notes de piano et de mandoline, le patron de SOS choisit dans l’assemblée un des membres du personnel, un beau jeune homme en général, l’entraîne sur la piste et danse avec lui. Quand la chanson s’arrête, il embrasse son partenaire. Parfois sur la bouche.



« Moi, il m’a même roulé une pelle en public, par surprise, alors que je n’avais rien demandé », témoigne un de ceux passés entre ses bras, encore sidéré. « Il a essayé, mais j’ai tourné la tête à temps pour éviter son baiser », confie un autre. « Comme ses habitudes sont connues dans le groupe, les garçons qui ne veulent pas être pris pour cible sortent de la salle à ce moment-là, ajoutent trois anciens cadres. Mais tous ne sont pas avertis. »



« Je ne force personne »



Des baisers ? Jean-Marc Borello assume. « Cela peut choquer, mais nous savons d’où nous venons, c’est-à-dire d’Arcat, du Kiosque, des premières associations de lutte contre le sida. » Du baiser sur la bouche conçu comme un acte militant, et de la fête antidote à la mort. En revanche, il dément tout harcèlement. « Je ne force personne, se défend-il. Cette maison a été fondée sur la protection des plus faibles, et nous avons des procédures très rigoureuses contre ce genre de choses. » Aucune plainte n’a d’ailleurs été déposée.



« Tous les garçons ne sont pas consentants, corrige un de ceux qui ont assisté à ce type de scène. Mais comment voulez-vous qu’ils se rebellent ? Ils ont face à eux le patron du groupe, un homme imposant, charismatique, qui pourrait être leur père. Le pape de l’économie sociale et solidaire ! S’ils veulent faire carrière dans le secteur, ils n’ont aucun intérêt à ruer dans les brancards. »



« Je me suis senti agressé, mais je ne voulais pas être à l’origine d’une crise dans notre petit milieu », confirme un des hommes concernés, qui souhaite rester anonyme, comme les neuf témoins qui nous ont décrit ces situations. Et puis, autour d’eux, personne ne semble choqué. « Tu connais Jean-Marc, il est comme ça, avec ses excès… »



Quant à la stratégie tous azimuts du groupe, elle peut dérouter, elle aussi. Le patron assume. « Certains groupes veulent se concentrer sur leur “core business”. Nous, on en a soixante, de corps, et quand on en a marre, on en change ! », s’exclame-t-il en riant.



« Dans le domaine social au sens large »



Aux centres de soin pour les drogués ou les personnes handicapées, aux maisons pour les enfants de la Ddass, se sont ajoutés au fil des ans des hôpitaux, des crèches, des maisons de retraite, des chantiers d’insertion, des boutiques de produits équitables, deux journaux (Respect Mag, Up le mag), une radio (Raje), une agence de média training, un restaurant à Saint-Denis, ou encore le Pavillon Elysée, un lieu de réception ultrachic qui vient de rouvrir après un an de travaux, en bas des Champs-Elysées.



Derrière cet empilement, il y a une logique, plaide M. Borello : « inventer la société de demain » en multipliant les initiatives « dans le domaine social au sens large ».



De même, l’ex-patron du Palace revendique l’efficacité économique. « Dans de nombreux secteurs, nous sommes en concurrence directe avec le privé, par exemple dans les maisons de retraite, et on ne peut pas se louper », souligne-t-il. A ses yeux, gagner de l’argent est la clé pour continuer à assurer ses missions au profit d’un public toujours plus large.



Pour y parvenir, le groupe emploie une méthode bien rodée. D’abord, il dépense moins que d’autres pour payer son personnel, même si les écarts de salaires, initialement limités de 1 à 4, vont désormais de 1 à 15, en comptant certains chirurgiens. « Comme on donne du sens à leur job, on attire les meilleurs élèves des meilleures écoles, sourit le président du directoire. Ils viennent ici travailler plus et gagner moins ! »



Ensuite, parmi toutes les structures mal en point qui frappent à la porte, il ne reprend que celles qui bénéficient de subventions sûres ou, surtout, disposent d’un patrimoine immobilier. « C’est le critère numéro un », assurent des anciens. Une fois dans le giron du groupe, les structures font l’objet d’une reprise en main vigoureuse. Les dirigeants sont remplacés par de jeunes diplômés des meilleures écoles.



Gestion par courriel



Pour Maxime de Rostolan, fondateur de Fermes d’avenir, association qui prône une agriculture biologique, cela s’est bien passé, même s’il a dû lâcher la direction : « Nous avons longuement réfléchi avant d’adhérer à SOS, nous avons eu toutes les réponses à nos questions et, surtout, des moyens financiers pour un tour de France qui a permis de développer le concept », raconte-t-il.



Une autre association de producteurs, Bio Normandie, a, elle, renoncé au mariage malgré une mauvaise passe financière : « Nous avons tout de suite senti que la seule chose qui intéressait les émissaires de SOS était notre réseau de producteurs et transformateurs, bâti en vingt ans d’activité, mais pas notre fonctionnement ni nos valeurs, et que nous y perdrions notre identité », confie Grégory Tierce, responsable du pôle production.



Pour l’association bordelaise Mana, spécialisée dans les soins aux réfugiés les plus traumatisés, l’intégration, depuis juillet 2017, se révèle douloureuse. Les traducteurs du bulgare, du roumain, de l’albanais, de l’afghan, qui viennent à l’appui des médecins lors de consultations, ont été priés, pour certains, de devenir auto-entrepreneurs, d’accepter des missions facturées à la minute, sans prise en charge de leurs déplacements, sans rétribution si le rendez-vous est annulé, sans protection s’ils doivent se rendre dans des squats où peuvent sévir tuberculose, gale et rougeole… La gestion se passe désormais par courriel et plate-forme informatique, sans contacts humains, ce qui heurte ces travailleurs sociaux très impliqués dans leur tâche.



Economies d’échelle



Face aux tensions, Guy Sebbah, le directeur de SOS Solidarités est venu de Paris fin octobre en réunion de crise pour « écouter les salariés », constitués en collectif. Quatre jours plus tard, celle qui avait pris la parole au nom des autres, la psychologue Zineb Mantrach, était remerciée et son contrat non renouvelé à quatre jours de son échéance : « J’ai dû interrompre toutes mes séances et ateliers qui s’adressent à des réfugiés en grande souffrance, traumatisés par des viols, des tortures. »



Durant notre entretien, elle reçoit un texto : « J’ai besoin de vous. Quand revenez-vous ? », demande une ancienne patiente, enceinte à la suite d’un viol. « Je reçois plein de messages de ce type », explique en pleurant la psychologue.



Autre levier, le groupe joue la carte des économies d’échelle, en particulier au niveau des achats. A Douai (Nord), où SOS a repris en 2015 un établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), « on a pu économiser 70 000 euros par an grâce aux tarifs négociés par le groupe », relate ainsi M. Borello. La même mécanique devrait permettre d’améliorer les comptes des quatre Ehpad que la SNCF doit transférer à SOS au 1er janvier.

Lire la suite

Prix de l'électricité : une proposition sur la table... Chiche ?

31 Mai 2019 , Rédigé par Christian Eckert

Dès les premiers mois du quinquennat Macron, des allègements d’impôt ont été mis en place pour les plus riches avec la suppression de l’ISF et l’instauration de la flat-tax pour près de 5 Milliards. Le Gouvernement a promis aussi de baisser l'impôt sur le revenu de la petite moitié des foyers fiscaux (forcément les moins en difficulté) qui le paye.

 

« En même temps », le prix de l’électricité augmente en juin de près de 6% pour tout le monde, y compris pour les plus défavorisés qui n’ont rien vu des mesures précédentes !

 

Le PDG d’EDF pointe le poids des taxes dans les factures d’électricité. Il n’a pas complétement tort !

 

Le Ministre de l’écologie, que l’on a connu plus attentif aux questions sociales, dénonce les avantages du personnel : vieille recette de droite, aligner tout le monde vers le bas… S’assoir sur les acquis sociaux… Opposer les pauvres aux « un peu moins pauvres » … Écœurant, et pas à la hauteur !

 

Une solution existe pour donner de l’oxygène à tout le monde : diminuer la TVA aujourd’hui de 20% sur la consommation. C’est possible tout de suite car autorisé par la directive européenne en vigueur. Si le budget de l’État ne l'absorbe pas malgré les bonnes nouvelles recensées ici et là, on peut rétablir l’ISF. C’est une des conclusions du Grand Débat…

 

 Chiche ?

Lire la suite