Pour financer la transition écologique, certains ont des idées... Le Gouvernement les rejette...
Pour faire suite à mes réflexions de ces derniers jours, le Gouvernement vient de trancher. Jean Pisani-Ferry, qui a proposé un rapport sur le financement de la transition écologique vient de se faire renvoyer dans ses buts sur plusieurs points :
- tout d'abord, son idée d'un impôt sur le capital financier détenu par les 10% des plus riches pour faire suite au constat que ceux-là sont de loin les plus gros émetteurs de CO². La justice et l'équilibre des financements nécessaires plaident naturellement pour cela.
- Ensuite, son étude conduit à dire que les besoins de financement conduiraient à une hausse de l'endettement (d'où la précédente suggestion) a fait réagir le plumitif de Bercy qui exclut d'augmenter la dette, même si c'est pour des investissements vertueux.
- Curieusement, le même Ministre défend l'idée de Crédits d'Impôts pour les entreprises qui décideraient d'accomplir simplement leur devoir : réduire leurs émissions de CO². Comme si les Crédits d'Impôts n'alourdissaient pas la dette !
- Le financement serait assuré par un rabot sur les crédits des Ministères. On oublie les annonces dithyrambiques de ces derniers jours, concernant les Milliards promis à la justice, aux dépenses militaires, à l'hôpital, à la SNCF, au plan vélos....
Tout cela montre une absence de sérieux et de courage. La volonté pour que chacun prenne équitablement sa part dans les mutations à conduire n'est à l'évidence pas au rendez-vous. Il est vrai que ce Gouvernement peine à s'attaquer aux profiteurs de crise.
La France seule ne résoudra pas la crise climatique...
L’actualité du moment force le débat public à se concentrer sur les questions environnementales. C’est utile.
L’économiste Pisani-Ferry, macronien de la première heure, ayant ensuite pris ses distances, vient de produire un rapport sur les moyens à mettre en œuvre pour assure le respect des réductions d’émissions de CO² dans la prochaine décennie. Il pointe la nécessité d’endetter le pays, de veiller à répartir équitablement les efforts et suggère de (re)mettre en place une imposition des 10% les plus riches. Tout cela va dans le bon sens, peut-être amendé, critiqué, complété, mais répond à notre obligation d’intégrer les actions pour le climat dans le temps politique et économique.
Le même jour, Elisabeth Borne précise un peu la vision du Gouvernement sur la planification écologique. Cela reste encore assez général, mais répartit les efforts entre les grands secteurs d’activité et donne des axes quantifiés d’évolutions à conduire. Là encore l’exercice est intéressant et utile. Il fait vivre le débat et préfigure des lois à venir.
Chacun aura ses calendriers, ses priorités… De formation scientifique, j’ai moi aussi quelques idées : l’hydrogène (comment ?), le nucléaire (ou pas), les transports (leurs prix) … Mais là n’est pas mon propos.
L’urgence climatique n’est plus contestée aujourd’hui. Certains comptent en années, d'autres en décennies, mais plus personne en siècles ! Mais qui peut ici croire qu’une France en phase avec ses objectifs assurera seule l’avenir de la planète.
Le défi de la lutte contre le réchauffement climatique est à l’évidence d’une dimension mondiale. Si la France atteint ses objectifs à temps, et même si elle fait mieux et plus vite, et si parallèlement les autres Etats, en particulier les Etats Unis et la Chine ne font rien ou trop peu, nous continuerons à voir la planète et tous ses territoires courir vers de graves difficultés.
Je suis frappé par le manque de coordination internationale sur l’action climatique. Certes il y a des COP qui connaissent des succès « divers », des GIEC qui font des rapports précis… Mais si la situation devient si grave et préoccupante, pourquoi n’y a-t-il pas une instance permanente, à l’ONU ou à ses côtés, pour suivre, conseiller et inciter.
Pour le moins l’Europe doit plus coordonner ses actions. Certains sujets (l’énergie, les transports internationaux, l'eau, les véhicules du futur…) sont naturellement de son ressort. Espérons que le renouvellement prochain de son Assemblée soit l’occasion de traiter sérieusement ces sujets. Il ne suffira pas de se proclamer vert, de verdir son discours dans un parti moins vert ou même de proposer quelques mesurettes vertes dans un programme classique pour répondre à l’enjeu du climat !
Les efforts français sont indispensables, et vont faire l’objet de débats légitimes. Mais n’oublions pas que la France n’est qu’une toute petite part d’une planète où les frontières nationales ne sont rien par rapport au climat du Monde.
Articles 49-3, 40 et maintenant 48 : la Constitution s'utilise contre le Parlement...
La Constitution de notre République correspondait à son époque. Après la guerre, il fallait reconstruire autour d’un pouvoir fort, pour ne pas dire autour d’un homme fort. Ainsi notre régime se dit parlementaire mais se révèle en fait presque Présidentiel. La personnalité de l'actuel locataire "bravache" de l’Élysée renforce encore ce constat.
Bien des dispositions sont à revoir, si tant est que l’on souhaite – c’est mon cas – vivre dans une vraie République parlementaire :
L’article 49-3 est maintenant (tristement) connu de la plupart de nos concitoyens. Observons toutefois que c’est son application sur la réforme des retraites qui a fait fortement réagir l’opinion. Il avait déjà été utilisé plusieurs fois dans l’indifférence générale fin 2022 pour faire adopter le budget 2023 !
L’article 40 est en passe de rejoindre le 49-3 dans le rejet de l’opinion, et il est grand temps. Les parlementaires sérieux le connaissent et leur capacité d’initiative pour élaborer les lois (en particulier financières) en a considérablement été entravée. Il est complexe et souvent mal interprété, y compris dans les nombreux articles de presse du moment. Les plus accros au droit trouveront plus de détails ici.
Les vrais démocrates pointent aussi très souvent l’article 48 de la constitution. Il détermine le mode de fixation de l’ordre du jour des Assemblées. Même amélioré en 2008, il confie quasiment au Gouvernement le soin d’imposer au Parlement le contenu de ses travaux. Ainsi, hormis quelques jours par session de 9h à 24h (appelés « niches parlementaires »), les seuls textes examinés sont ceux que le Gouvernement décide.
Ainsi, 99 % des très nombreuses propositions de loi que les parlementaires déposent ne sont jamais débattues et encore moins votées. Les parlementaires se font plaisir en déposant des textes, montrent à leurs électeurs qu’ils sont actifs, mais ils savent bien que ces textes n’ont, en général, aucune chance d’être adoptés !
Et même un texte voté dans une niche devra attendre son inscription hypothétique dans l’autre chambre pour poursuivre son chemin de croix vers l’adoption… Il en va ainsi par exemple du texte voté récemment (contre l’avis du Gouvernement) à l’Assemblée Nationale sur la nationalisation d’EDF ! De même si, par un heureux concours de circonstance, le texte LIOT était adopté le 8 juin par l’Assemblée, son passage au Sénat n’est pas acquis et son adoption définitive hautement improbable.
Les urgences sociales, économiques, internationales et environnementales ont occulté fort logiquement l’idée d’une réforme constitutionnelle. Pour autant, tirons les enseignements des dysfonctionnements politiques de cette séquence et n’oublions pas, le moment venu, de revoir – et ce sont loin d’être les seuls – les articles 40, 48 et 49-3 de notre constitution.
L'anomalie de l'Article 40 de la constitution et la Proposition de loi du groupe LIOT
Le débat fait rage sur l’application de l’article 40 à la proposition de loi devant être examinée le 8 juin prochain visant à abroger le recul de l’âge de départ en retraite.
Ancien député, membre de la commission des finances, ancien rapporteur du Budget de ladite commission, ancien secrétaire d’État en charge du Budget, j’ose m’exprimer sur le sujet.
L’article 40 de la constitution stipule que : « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».
Cet article normalement connu des parlementaires est pointé dans tous les cours de droit comme un exemple des subtilités à connaitre. L’utilisation du singulier et du pluriel est ici essentielle :
- Ainsi, les parlementaires peuvent agir sur les ressources sans GLOBALEMENT les baisser. Ils peuvent par exemple diminuer un impôt mais doivent alors simultanément augmenter à due concurrence une autre recette !
- Par contre, ils ne peuvent pas augmenter une dépense, même s’ils proposent de compenser cet alourdissement par une économie ailleurs ou par une recette nouvelle. (Une dérogation est maintenant possible dans une même mission, c’est-à-dire entre dépenses très proches).
Cette exigence restreint considérablement les pouvoirs du Parlement et mérite (entre autres choses) d’être supprimée dans une prochaine réforme constitutionnelle, pour assurer une véritable République parlementaire.
Il semble que les élus de la minorité macronienne souhaitent que le texte du groupe LIOT soit rejeté au nom de ce principe.
L’article 40 est clair : l’article 40 porte sur les propositions de loi comme sur les amendements. La proposition de loi doit donc respecter l’article 40.
Le règlement de l’Assemblée (détaillé ici) stipule que la recevabilité doit être examinée préalablement au dépôt du texte par le bureau de l’Assemblée. Celui-ci, sur ce dossier, n’a pas soulevé de problème concernant l’article 40.
Le règlement prévoit aussi que : « Les dispositions de l’article 40 de la Constitution peuvent être opposées « à tout moment » au cours de la procédure législative, par le Gouvernement ou par tout député, aux propositions, y compris celles qui auraient été préalablement déclarées recevables par le Bureau de l’Assemblée ».
C’est semble-t-il l’intention des macroniens.
Mais qui statue alors ?
L’alinéa 4 de l’article 89 du règlement de l’Assemblée Nationale est un peu flou :
« Les dispositions de l’article 40 de la Constitution peuvent être opposées à tout moment aux propositions de loi et aux amendements, ainsi qu’aux modifications apportées par les commissions aux textes dont elles sont saisies, par le Gouvernement ou par tout député. L’irrecevabilité est appréciée par le président ou le rapporteur général de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ou un membre de son bureau désigné à cet effet. »
Le Président de commission est LFI, le rapporteur général est Renaissance. Gloups…
Ramener l’âge de départ à 62 ans augmente incontestablement une dépense publique par rapport à la nouvelle loi votée par 49.3.
Il est pour autant inconcevable sur ce sujet, d’empêcher un vote sur une question qui frappe des millions de français, choqués en plus par la méthode d’adoption jalonnée d’arguties juridiques.
Les macroniens oseraient ici en faire une autre, pour empêcher encore une fois le Parlement de s’exprimer ? Le reste de confiance entre le peuple et ses représentants n’y survivra pas. Les Milliards en jeu sur ce dossier ne justifient en rien cet entêtement présidentiel, qui révèle plus un regrettable trait de caractère que la qualité d’un homme d’État.
Un déluge de Milliards, le Parlement ignoré, une drôle de façon de gouverner...
Depuis quelques jours, les annonces du Président ou de ses affidés ressemblent à une pluie de Milliards qui semble s'inscrire dans la durée.
Ce déluge de promesses financières est organisé par les "Grands Communicants" d'une façon originale que je connais bien et que je confesse avoir parfois pratiquée : annoncer des sommes "énormes" en les étalant sur un nombre d'années importants. Par exemple, un plan de 100 Milliards pour la SNCF, ça impressionne ! Sauf que c'est d'ici 2040, soit sur 17 ans ce qui ramène à d'autant plus de modestie, sachant que beaucoup d'acteurs publics seront sortis du paysage d'ici là... De même qu'en 17 ans, il peut arriver de nombreux aléas que les années récentes ont parfois illustré : pandémie, guerre, inflation, séisme bancaire, crise climatique... Autant de nécessités potentielles d'adapter les politiques publiques face à des urgences...
Cette question de forme ne doit pas occulter le fond : le financement de ces engagements est-il assuré, comment et par qui ? :
- La Macronie s'assoit sur notre constitution et oublie que notre République est censée (il y aurait beaucoup à dire...) être parlementaire. Ainsi, l'article 34 de la constitution est clair : "La loi fixe les règles concernant : l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de L’État ...". La kyrielle de mesures annoncées pour éteindre l'incendie provoqué par le passage en force sur les retraites n'a donc, à ce stade, pas été validée par un Parlement où le Président mesure tous les jours un peu plus la fragilité de sa majorité. Les débats budgétaires s'annoncent complexes.
- Bien que les agences de notation ne soient pas l'alpha et l'oméga de la gestion publique (souvenons nous de leur cécité sur la Grèce ou d'autres crises financière...), la dégradation de la cotation de la France rappelle que nous avons explosé toutes les règles prudentielles. Le Covid et d'autres événements internationaux ont servi de paravent à l'abandon de nombreuses ressources, dont les bénéficiaires principaux ne sont certainement pas les foyers modestes (ISF, fiscalité des dividendes, abandon des cotisations sociales, des impôts de productions des entreprises...).
- Le document "programme de stabilité" envoyé par la France à Bruxelles intègre-t-il tous les engagements qui inondent la presse de ces derniers jours ? Ce que l'on en sait et qui programme une réduction du déficit public me parait incompatible avec les annonces du moment. Mais seuls quelques spécialistes peuvent en juger, dans l'indifférence générale. La gauche au pouvoir était harcelée par la droite et la presse économique donneurs de leçon d'économies budgétaires... Aujourd'hui, les mêmes sont devenus mutiques...
- Plus encore, le Gouvernement - tant qu'il y est - teste dans la presse l'idée de doubler la demie-part fiscale attribuée pour le premier enfant. Seuls les français payant des impôts sur le revenu en bénéficieraient ! Cette mesure laisserait donc de côté environ 60 % des foyers, les plus modestes bien entendu. Les autres auront donc un abattement d'impôt d'autant plus élevé qu'ils ont des revenus importants. En matière d'équité fiscale, on a connu mieux.
Sans en abuser, en gardant la vision sociale qui doit être prépondérante, les éléments budgétaires et fiscaux ne doivent pas être avancés que pour demander des régressions sociales comme le Président le fait pour les retraites. Une vision discutée, démocratiquement établie, portant une vision globale et la plus équitable possible peut émerger si les acteurs publics (élus, syndicats, administrations...) s'y attellent. Les annonces verticales et péremptoires, par ailleurs individuellement difficiles à contester, seront confrontées tôt au tard aux réalités des déséquilibres à corriger. Mieux vaut le savoir avant de décider....
Le Parlement a-t-il voté cela ?
Depuis quelques jours, les annonces du Président ou de ses affidés ressemblent à une pluie de Milliards qui semble s'inscrire dans la durée.
Ce déluge de promesses financières est organisé par les "Grands Communicants" d'une façon originale que je connais bien et que je confesse avoir parfois pratiquée : annoncer des sommes "énormes" en les étalant sur un nombre d'années importants. Par exemple, un plan de 100 Milliards pour la SNCF, ça impressionne ! Sauf que c'est d'ici 2040, soit sur 17 ans ce qui ramène à d'autant plus de modestie, sachant que beaucoup d'acteurs publics seront sortis du paysage d'ici là... De même qu'en 17 ans, il peut arriver de nombreux aléas que les années récentes ont parfois illustré : pandémie, guerre, inflation, séisme bancaire, crise climatique... Autant de nécessités potentielles d'adapter les politiques publiques face à des urgences...
Cette question de forme ne doit pas occulter le fond : le financement de ces engagements est-il assuré, comment et par qui ? :
- La Macronie s'assoit sur notre constitution et oublie que notre République est censée (il y aurait beaucoup à dire...) être parlementaire. Ainsi, l'article 34 de la constitution est clair : La loi fixe les règles concernant : l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
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Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Indexer les salaires, plus urgent que reculer l'âge de la retraite !
Ma position sur la question des retraites a été souvent exposée en détail : je considère que sa nécessité n’est pas avérée, qu’elle n’a aucun caractère d’urgence et que la voie choisie est à l’évidence la plus injuste.
Les comptes publics de 2022 récemment publiés (avec une discrétion inhabituelle) révèlent que les comptes de la Sécurité Sociale (incluant les retraites) sont excédentaires de 9 Milliards d’Euros et que l’État est lui en déficit de 146,9 Milliards. Cela aide sans doute à mieux comprendre le but caché de la réforme…
Les organisations syndicales ont donc raison de poursuivre leurs actions pour réclamer son retrait. De même que le Conseil Constitutionnel pourrait légitimement valider l’organisation d’un référendum sur la mesure d’âge, qui permettra sans doute de mobiliser dans la durée les très nombreux opposants à ce texte.
Mais ce Président qui méconnait le peuple devrait entendre les manifestants. Certes ils combattent un projet injuste, mais leurs inquiétudes vont aussi au-delà de la question des retraites : outre les angoisses liées à la situation internationale ou à la crise climatique qui s’affirme, c’est dans le quotidien de leur vie que se matérialisent les difficultés : coût de l’énergie, inflation des prix des produits alimentaires (et de bien d’autres biens…) rendent les budgets familiaux difficiles, surtout dans les foyers modestes où les dépenses ne peuvent être reportées.
Il y a de multiples questions sur l’organisation du travail, mais l’une d’entre-elle est centrale et ne peut être ignorée : la rémunération n’est plus à la hauteur. On a inventé des usines à gaz, avec des plans d’intéressement, de la participation, des primes exceptionnelles, des exonérations d’impôts et de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, des chèques déjeuner, des chèques vacances… Ce n’est pas inutile, est apprécié des salariés, mais présente des travers importants :
- Cela ne concerne pas tout le monde : les fonctionnaires par exemple ne sont pas éligibles à de nombreux dispositifs.
- C’est souvent au bon vouloir de l’entreprise, qui préfère des mesures ponctuelles à une revalorisation salariale globale et durable…
- Au passage, rappelons que dispenser des revenus d’impôts et de cotisations sociales est une des causes de nos déficits publics importants.
L’inflation est très forte et des mesurettes ne suffiront pas à la majorité des français pour la traverser.
Bien sûr on nous rétorquera que le SMIC a été revu et qu’il aurait été revalorisé au niveau de l’inflation :
- D’abord, c’est faux : Depuis le 1° septembre 2021 le SMIC a augmenté de 9,95% passant de 1554,58 à 1709,28 euros brut en 2023. Qui ose affirmer que l’inflation pour les dépenses courantes est inférieure à 10% en 18 mois ?
- Ensuite, il faut cesser de ne revaloriser que le SMIC : sa hausse ne touche pas toujours les salariés payés plus. Le nombre de smicards ne fait qu’augmenter avec ce système qui crée une « trappe à bas salaires ».
Alors qu’une ébauche de dialogue social pourrait se dessiner, je me risque à faire une proposition qui permettrait de tester les déclarations du Gouvernement qui prétend s’attaquer à la question travail : jusqu’en 1983, il existait en France une indexation de tous les salaires pour suivre l’inflation. Une règle identique existe dans d’autres pays. Par exemple, pour les 125 000 lorrains travaillant au Luxembourg (pays qui ne semble pas proche de la faillite), un INDEX existe et oblige périodiquement (et même plusieurs fois par an quand les prix augmentent comme en ce moment) à un ajustement des salaires pour tenir compte de l’inflation.
La CGT évoque à raison dans ses revendications une règle de cette nature. Les difficultés sociales actuelles la justifient pleinement, quitte à la revoir périodiquement pour tenir compte de la conjoncture. La règle doit être travaillée pour éviter qu’une hausse générale en pourcentage ne favorise trop les salaires importants. Peut-être que les revalorisations devraient se décliner en Euros plutôt qu’en pourcentages. Au passage, observons que la revalorisation des salaires facilitent l'équilibre des retraites…
La négociation et le dialogue fourniront la solution, si toutefois le Gouvernement met ses actes en conformité avec ses discours…
CHAPITRE 4 DE MON LIVRE : L'HISTOIRE DE LA LOI ECKERT...
4
Face au visage trouble de la finance
Mon épouse Laurence a longtemps travaillé pour la Commission bancaire, devenue depuis l’Autorité de contrôle prudentielle et de résolution (ACPR), en charge de vérifier le respect des textes et des règles prudentielles par les banques et les assurances. Il y a longtemps, bien avant que je ne devienne député, elle me rapporte avoir demandé à disposer de la liste des comptes détenus par des clients centenaires. Elle s’étonne de recevoir une liste de plusieurs milliers de comptes, presque tous inactifs, ponctionnés régulièrement – avec, bizarrement, de frais de tenue de compte ! –, avant d’être passés en pertes et profits, les pertes des clients devenant les profits de la Banque…
Elle s’en émeut naturellement et propose à son « chef de mission » d’en faire grief à la banque, dans le rapport préparé par l’équipe sur place. Légitimement, le chef de mission oppose un refus. Aucun texte, ni législatif ni réglementaire, ne définit la notion de compte inactif ou les obligations de la banque en matière d’avoirs en déshérence. Si la question des contrats d’assurance-vie est connue et – très mal – traitée, le sujet des comptes bancaires inactifs est face à un vide juridique aussi sidéral que sidérant.
Certaines lois ou mesures fiscales portent le nom de parlementaires : contrats Madelin, dispositif Scellier, loi Carrez, allègements Fillon, crédit d’impôt Girardin ou Pinel. Une loi promulguée en juin 2014 est aujourd’hui connue sous le patronyme « Loi Eckert ». Ce texte est le fruit d’une belle histoire...
Victoire face au lobby de la finance
En 2012, je deviens rapporteur général du Budget et Laurence me suggère de me mettre au travail sur la question de ces avoirs « oubliés ». Gilles Carrez préside la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Classé à droite, Gilles Carrez est un parlementaire travailleur, intelligent et courageux. Il accepte que nous commandions ensemble un rapport sur le sujet à la Cour des comptes. Le rapport sera rendu public en juillet 2013 : alors que le pays compte environ 20 000 centenaires, ils sont censés détenir environ 675 000 comptes bancaires, soit trente-trois comptes chacun ! La Cour estime à environ un milliard les avoirs concernés !
À l’évidence, mon idée de légiférer sur le sujet dérange quelques lobbies. Les banques et les sociétés d’assurances, bien introduites à Bercy, freinent des quatre fers, d’autant qu’avec ma collègue Sandrine Mazetier, députée parisienne très active sur le sujet, nous poussons aussi l’idée d’un fichier des contrats d’assurance-vie, qui pourrait faciliter les contrôles et éviter les contrats « oubliés ».
Je dépose donc un amendement créant ce fichier à l’occasion d’une loi de finances. Les services de Pierre Moscovici, alors ministre des Finances, n’en veulent pas, prétextant des difficultés techniques, informatiques ou juridiques. Moscovici est conscient du risque d’être battu en séance et m’appelle personnellement – c’est rare – pour m’en demander le retrait.
Je lui suggère de s’engager au micro à accepter d’examiner une proposition de loi parlementaire sur les comptes inactifs et les avoirs en déshérence et m’engage, en échange, à retirer l’amendement qui le dérange, au profit d’un travail parlementaire à venir.
Le marché est conclu et chacun tiendra sa promesse. Le fichier des contrats d’assurance-vie (FICOVIE) sera créé plus tard, mais j’ai le feu vert du ministre pour préparer une loi sur les comptes bancaires inactifs.
Une phase préliminaire débute alors, conduite grâce à une petite équipe d’administrateurs de l’Assemblée mise à ma disposition sous la direction de leur chef, Philippe Dautry, un fonctionnaire aussi méticuleux qu’enthousiaste.
Je concerte tous azimuts : banques, sociétés d’assurance, notaires, généalogistes, Banque de France, Caisse des dépôts et consignations (CDC)… Un texte ambitieux est préparé sur ce sujet complexe. Le droit de propriété et les délais de prescriptions en vigueur font l’objet de discussions avec le ministère de la Justice. Ma femme Laurence y va également de ses conseils avisés, tirés de son expérience.
Le secteur de la finance comprend rapidement qu’il a perdu la bataille. Les représentants du secteur font contre mauvaise fortune bon cœur… Ils se disent désormais favorables au texte, trouvant là une façon de redorer leur blason !
Philippe Dautry, conscient de la technicité du texte, me suggère d’utiliser la faculté – rarement mise en œuvre par le Parlement – de solliciter l’avis du Conseil d’État. Le président de l’Assemblée Claude Bartolone l’accepte. Lors d’une séance solennelle de la plus haute juridiction administrative, les hauts magistrats statueront favorablement sur la conformité du texte en préparation, moyennant quelques modifications mineures.
Pour résumer, le texte prévoit que les banques doivent chercher et avertir les bénéficiaires des comptes inactifs. En cas d’inactivité constatée et prolongée, la Caisse des dépôts et consignations reçoit les fonds et les conserve pendant trente ans. À tout moment, les ayants-droits peuvent évidemment les récupérer.
Bercy m’arrache en dernière minute une année de délai supplémentaire pour la mise en œuvre technique du texte, mais le gouvernement, maître de l’ordre du jour du Parlement, accepte sa programmation !
Une loi qui porte mon nom, pas mon prénom !
Au groupe socialiste, la règle est connue. Toute proposition de loi déposée par un de ses membres a comme premier signataire le président de groupe, donc Bruno Le Roux. Je demande à le voir. Je lui explique que le texte est une idée de mon épouse et qu’elle a largement contribué à sa rédaction. Il connait les contraintes que la vie parlementaire impose à nos conjointes. Il finit par m’accorder ce qu’il a refusé jusque-là à d’autres au sein du groupe socialiste.
Pour que la loi porte notre nom, je bénéficierai d’une exception et serai le premier député signataire de la proposition de loi. Si aujourd’hui il existe une loi « Eckert », c’est en l’honneur de mon épouse, plus à l’origine du texte que moi.
La loi Eckert est entrée en vigueur. J’ai reçu depuis de très nombreux témoignages de particuliers ayant reçu des sommes parfois significatives provenant de comptes oubliés. La Caisse des dépôts a reçu dans un premier temps près de quatre milliards d’avoirs qui attendent d’être réclamés par les personnes qui les possèdent sans le savoir. Une somme énorme, qui démontre que Laurence avait là levé un lièvre qui méritait d’être rattrapé.
Avec de la volonté et de la persévérance, on peut modifier des choses concrètes de la vie des gens. C’est l’honneur de la politique. Pour des millions de particuliers, quelques dizaines d’Euros ici, quelques centaines là, un livret A en sommeil, de l’épargne salariale oublié, cela représente beaucoup d’argent…
Les curieux avatars des impôts des travailleurs frontaliers du Luxembourg.
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L’impôt sur le revenu des français qui perçoivent en même temps des revenus venant de France et du Luxembourg est une histoire à dormir debout depuis quelques années.
Le 20 mars 2018 à Paris, une convention fiscale a été signée entre les deux pays. Les députés (alors LREM) de nos territoires applaudissaient, saluaient un progrès « formidable » et le Parlement adoptait sous leurs applaudissements la loi du 25 février 2019 ratifiant (procédure obligatoire) la nouvelle convention.
Curieusement, le 10 octobre 2019, en toute discrétion, un avenant à cette convention remodifiait les règles fraichement ratifiées. Certains fiscalistes, moi-même et quelques journalistes avaient en effet alerté sur un changement radical du calcul de l’imposition des revenus français des foyers fiscaux des frontaliers. Ces impôts augmentaient mécaniquement avec la méthode de l’imputation choisie en 2018. Les députés n’avaient rien vu !
Le nouvel avenant a donc été lui aussi soumis à ratification et les mêmes députés se félicitaient de ce qu’ils prenaient pour un retour à la case départ. La loi du 27 janvier était adoptée à leur grande satisfaction, l’un de ces pieds nickelés déclarant même que « rien ne changeait » par rapport aux règles d’avant 2019.
Hélas pour lui, la première année où cet avenant entrait en vigueur, des dizaines de milliers de frontaliers voyaient avec effroi des augmentations d’impôts parfois très importantes…
Les députés n’avaient encore une fois pas bien lu : l’impôt sur le revenu payé au Luxembourg n’était plus déduit du revenu global (c’était écrit en toute lettre) et les conséquences étaient souvent importantes…
Ils trouvaient alors en « Bercy » un bouc émissaire pratique pour masquer leur incompétence : les services administratifs étaient accusés d’avoir mal interprété le texte auquel ils n’avaient rien compris… Ces derniers avaient en fait parfaitement appliqué ce que ces législateurs « amateurs » avaient voté !
Fièrement, ils obtenaient du Gouvernement le 1° octobre 2021 un communiqué qui annonçait que la loi régulièrement votée ne serait pas appliquée afin de prendre le temps d’en peser les conséquences. Inédit dans notre Etat démocratique !
Le communiqué était précis :
« Afin d’en apprécier précisément l’ampleur pour les contribuables, le Gouvernement procèdera à une évaluation complémentaire de l’impact, pour les frontaliers, du changement de méthode d'élimination de la double imposition prévue par la convention fiscale.
Dans l'attente des résultats de cette évaluation, qui sera présentée au Parlement, les foyers concernés pourront exceptionnellement demander, pour ce qui concerne l’élimination de la double imposition, l’application des stipulations de l’ancienne convention pour les revenus visés perçus en 2020 et 2021. »
Les services fiscaux étaient chargés d’accepter en vitesse des milliers de réclamations.
Mais l’évaluation annoncée a-t-elle été faite depuis cette annonce vieille de 15 mois ? Nul ne sait…
Le communiqué parlait des revenus de 2020 et 2021. Rien n’est dit sur les revenus de 2022. L’année 2022 est finie. Les frontaliers concernés ne savent pas comment leurs revenus de l’année écoulée seront imposés !
Il faut avouer que la méthode a de quoi interpeler les juristes habitués à plus de rigueur et de précision. Dans les écoles de fiscalité, on aura là un exemple d’incompétence législative, de non application de la loi par le pouvoir exécutif, de grave manque d’information aux contribuables et finalement de manque de respect aux bonnes pratiques fiscales et légales.
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