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L'ISF pour les nuls (et pour d'autres) !

23 Juin 2016 , Rédigé par Christian Eckert

Emmanuel Macron, Ministre de l’Economie du Gouvernement auquel j’appartiens, s’exprime sur l’ISF régulièrement. En avril, il évoquait sa disparition en souhaitant lui substituer un impôt sur les successions. Hier à nouveau, il affirmait que l’ISF poserait un problème à ceux qui souhaitent investir.

J’ai, depuis un peu plus de deux ans, veillé à respecter ma conception de la solidarité gouvernementale. Secrétaire d’Etat en charge du Budget et surnommé parfois « Ministre des Impôts », je me sens moi aussi aujourd’hui autorisé à donner mon point de vue sur l’Impôt de Solidarité sur la Fortune.

Parler de cet impôt nécessite d’en connaitre les caractéristiques :

Combien de foyers paient l’ISF ? : Un peu moins de 350 000 foyers fiscaux, c’est-à-dire un peu moins de 1% des foyers fiscaux français.

Combien rapporte-t-il ? : Environ 5,2 Milliards d’Euros. C’est à peu près la somme des budgets de l’Agriculture, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.

Quand le paie-t-on ? : Lorsque son patrimoine net taxable (voir plus loin) dépasse 1,3 Millions d’Euros.

Comment est calculé le patrimoine net taxable ? : On additionne : la valeur de ses immeubles, de ses avoirs financiers, de ses actions… Et on soustrait : le capital restant dû des emprunts ayant servi à ces acquisitions, tous les impôts et taxes payés (sur le revenu, tous les impôts locaux, les contributions sociales payées, la CSG, la CRDS, l’ISF payé, et même.... la contribution à l’audiovisuel public…).

La valeur de la résidence principale est diminuée de 30%. Les œuvres d’art sont exclues. La valeur des parts des entreprises dirigées par un membre du foyer fiscal sont elles-aussi exclues (au titre de l’outil de travail).

Quel est le taux de l’ISF ? : Les 800 000 premiers Euros sont taxés à... 0%. Au-delà, le taux est progressif et varie de 0,5% jusqu’à 1,5% pour la partie excédent (tout de même)....10 Millions d’Euros. En 2015, La moyenne de l’ISF payé par les foyers fiscaux assujettis était de 15 000 Euros environ.

Y a-t-il des réductions possibles de l’ISF ? : Une flopée… Des investissements outre-mer, des dons, des investissements dans de multiples fonds, des investissements dans des PME....

L’ISF est-il plafonné ? : Bien sûr ! Un savant calcul (en fait une division !) est fait pour que les impôts payés par un contribuable n’excèdent pas 75% de ses revenus… Curieusement, le Conseil Constitutionnel a imposé par deux fois, malgré le vote du Parlement, de ne pas prendre en compte dans les revenus certains revenus différés et de prendre pourtant en compte dans les impôts les charges payées sur ces mêmes revenus….

Peut-on éviter l’ISF ? : Outre les nombreuses niches existantes, plusieurs montages permettent des situations étonnantes : en « pilotant ses revenus » (certains le peuvent), en s’endettant (quand l’argent et peu cher et qu’on prête aisément aux riches…), ou en utilisant des holdings mélangeant les biens professionnels (exonérés) et des liquidités, on peut éluder tout ou partie de l'ISF.…. Le Canard enchainé a récemment publié une liste qu’il dit avoir soustrait à Bercy et qui prétend pointer des situations où des gens fortunés diminueraient et même annuleraient leur ISF.

Ce long préambule est nécessaire si l’on veut réagir à l’affirmation d’Emmanuel Macron considérant que l’ISF découragerait l’investissement.

La réponse négative s’impose pour qui a fait l’effort de lire attentivement (je sais que c’est technique…) ce qui précède : un dirigeant d’entreprise n’est pas imposé sur la valeur de son entreprise et peut donc y investir sans contrainte. Les multiples fonds existants permettent aussi d’investir dans des entreprises en franchise d’ISF.

Le produit de l’ISF est loin d’être négligeable. Son taux est particulièrement faible, son assiette très favorable aux contribuables.

Le seul défaut de l’ISF est d’être trop facile à contourner. C’est Conseil Constitutionnel qui a imposé ces règles de plafonnement « étranges », ce n’est pas la volonté de ce gouvernement.

La fiscalité peut être plus équitable, y compris en travaillant sur l’ISF. Le rendre moins "effaçable" est sans nul doute nécessaire. Sûrement pas en le supprimant.

Dire cela, c'est affirmer une certaine conception de la solidarité fiscale, mais aussi de l'indispensable solidarité gouvernementale.

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