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Conditionnalité, sélectivité, les oubliés du plan de relance...

5 Septembre 2020 , Rédigé par Christian Eckert

Conditionnalité et sélectivité des aides aux entreprises… Voilà un débat qui prospère, même s’il a un parfum de déjà-vu que j’ai bien connu.

 

Pour être honnête, il faut éviter les discours simplistes qui ignorent les deux grands principes qui encadrent l’intervention de l’Etat au profit des entreprises.

 

Le premier concerne l’Europe : je dois ici – quitte à me fâcher avec quelques lecteurs – rappeler la règle de la « concurrence libre et non faussée ». Ce principe a été imposé dans l’Union Européenne par les forces libérales. Celles-ci se trouvent aujourd’hui tel « l’arroseur arrosé » en pleine contradiction : lorsqu’elles appellent la puissance publique au secours face à la crise, elles sollicitent les aides qu’elles voulaient limiter pour laisser le marché et la concurrence agir sans contrainte ! Déroger à ces règles communautaires ne sera certainement pas très difficile : en quelques jours la sacro-sainte « règle des 3% » réputée jusque-là intangible a été levée face à la crise sanitaire. Nul doute que les mêmes raisons conduiront les Européens à fermer les yeux sur les plafonds des aides économiques face à la crise économique qui suit la crise sanitaire.

 

Le second est plus difficile à contourner, d’autant que les outils mis en œuvre par le Gouvernement dans le plan de relance ne facilitent pas la sélectivité ou la conditionnalité des aides. Pour des raisons comptables, le Gouvernement utilise principalement le levier fiscal. Suppression, réductions ou crédits d’impôts remplacent les aides directes. Or notre constitution a – fort heureusement- sacralisé « l’égalité devant l’impôt ». De ce fait, les constitutionnalistes estiment que toute forme de diminution de l’impôt doit satisfaire à ce même principe d’égalité. Ainsi, par exemple, accorder une réduction d’impôts à une entreprise industrielle considérée comme « vertueuse » sans faire de même pour la « grande distribution » que l’on estime moins contrainte a toutes les chances d’être annulé par les garants de la constitution. De la même façon, réserver une réduction de l’impôt aux seules entreprises qui s’interdiraient de licencier semble inconstitutionnel.

 

Beaucoup rappellent que le CICE créé fin 2012 pour soutenir l’emploi et l’activité avait ce même défaut. C’est entièrement vrai, et les Gouvernements de François Hollande ont refusé de conditionner l’octroi du CICE pour respecter ce principe d’égalité, tout en trouvant d’autres compensations qu’il serait trop long de détailler ici. Mais si le CICE a alors été choisi pour relancer l’économie, c’est parce qu’il permettait un report d’une année de dépense pour l’Etat sans le même décalage pour les entreprises (voir sur ce lien le détail des explications). Alors que les déficits de 2019 étaient bien inférieurs à ceux de 2012 et dès lors que la règle des 3% a sauté, l’intérêt du levier fiscal disparait et ne reste plus que la difficulté d’imposer conditionnalité et sélectivité.

 

Pour ces raisons, il semble que l’Etat aurait pu formater ses aides d’autre façon. Accorder 20 Milliards de réduction des impôts dits « de production » ne permet en rien d’instituer des incitations à être vertueux en matière sociale ou environnementale. Tout le monde en bénéficiera, même celles et ceux qui n’en ont aucun besoin, même celles et ceux qui n’ont pas souffert de la crise, même celles et ceux qui licencieront, même celles et ceux qui servent plus généreusement leurs actionnaires que leurs salariés…

 

Par contre, l’Etat aurait pu mettre en place des aides directes : des subventions auraient pu n’être accordées qu’en échange d’engagements formels à respecter des règles éthiques. Rien n’empêche l’Etat d’aider une entreprise sous réserve d’inscrire dans une convention l’obligation de verdir ses pratiques, d’améliorer sa politique sociale, d’augmenter ses investissements, de renforcer la formation de ses salariés, de mieux les intéresser aux résultats…

 

De même, des prises de participation auraient pu (pour les grandes entreprises) accorder des pouvoirs à l’Etat actionnaire, garant de politiques respectueuses de sa ligne politique. Outre le retour sur investissement possible et souhaitable, la présence de représentants publics dans la gouvernance des entreprises soutenues par le budget du pays leur imposerait une gestion respectueuse de l’intérêt général souvent oublié au profit de l’intérêt particulier.

 

La relance post crise sanitaire est indispensable. Certains la trouve tardive ou mal calibrée. Ça se discute… Mais cette relance aurait surtout pu prendre d’autres formes, capables de réorienter l’économie vers des pratiques plus vertueuses. Une occasion manquée qui relègue l'Etat au rôle de tiroir-caisse...

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Les deux Milliards qui rachètent le plan de relance

4 Septembre 2020 , Rédigé par Christian Eckert

Parler du plan de relance et le décortiquer était ma première tentation. C’est pour moi un exercice alléchant : ayant pendant 3 ans appartenu au Gouvernement de notre pays, qui plus est depuis le 5° étage de Bercy, je connais assez bien les ficelles des équipes pour formater les annonces, les rendre impressionnantes pour l’opinion et leur assurer un retentissement médiatique.

 

C’est ainsi que les avances, les reports ou les prêts sont bien vite assimilés à des dépenses, que les crédits déjà engagés sont recyclés en programmes nouveaux et qu’on oublie de dire que ce plan de 100 Milliards est un fait étalé sur deux années. 100 Milliards d’un bloc, c’est bien plus vendeur que 50 Milliards pendant deux ans !

 

J’aurais pu pointer une à une les entourloupes destinées à habiller les choses. J’aurais eu quelques facilités à le faire car je dois confesser ici qu’il m’est arrivé de m’y adonner : lorsque j’étais en responsabilité, la rareté des crédits disponibles me donnait trop souvent un (mauvais) prétexte pour transformer quelque peu certains programmes indigents en projets d’apparence solide et prometteuse…

 

Le plan de 100 Milliards détaillé ces jours-ci n’échappe pas à ces critiques. Mais pour une fois, j’y trouve une décision vertueuse et fondamentale. Deux Milliards de ce plan sont pour moi essentiels et me font pardonner toutes les manipulations comptables mises au service de la com…

 

L’environnement, l’écologie, la transition énergétique sont aujourd’hui au cœur de bien des réflexions… et tant mieux. Si ces débats doivent nourrir tous les programmes politiques, les décisions des exécutifs et les comportements de chacun, ils ne doivent pas occulter les questions sociales, économiques ou sociétales. Mais reconnaissons que l’interdiction des pailles en plastiques ou les tergiversations sur la chasse à la glu ne sont pas à hauteur des enjeux climatiques engageant l’avenir de la planète.

 

Dans ce contexte, la question des énergies fossiles, de leur lien avec les mobilités et plus largement le sujet des véhicules sont fondamentaux. Pour avoir suivi des études scientifiques et un peu réfléchi à ces questions, je sais que l’utilisation de l’hydrogène constitue une grande partie de la réponse à nos interrogations. L’hydrogène permet de stocker et de transporter l’électricité, qu’elle soit verte ou grise… L’équilibre économique de son usage n’est pas encore atteint et les recherches sur les moyens de production restent à développer. Chercher, expérimenter, industrialiser, produire, rentabiliser sont des défis majeurs qui s’offrent à tous à propos de l’hydrogène. En France, en Europe et dans le Monde. La voiture électrique classique est « plombée » par ses batteries. La plupart des véhicules (y compris les trains et les bateaux) devraient pouvoir fonctionner à l’hydrogène. Celle-ci pourra à terme être produite à partir d’énergies vertes.

 

Celles et ceux qui me connaissent et me suivent m’ont depuis longtemps entendu plaider pour un « airbus européen de l’hydrogène ». J’ai soutenu un beau projet expérimental de mon territoire sur le triptyque éolien/hydrogène/véhicule.

 

Je suis donc très satisfait de voir que le plan de relance consacre 2 Milliards au développement de la filière hydrogène. En d’autre temps, on ne parlait de ce secteur qu’en Millions… J’espère AUSSI que la France saura mutualiser ses efforts avec l’Allemagne qui s’engage aussi. Cette orientation concrète ouvre la voie à une vision positive des sujets environnementaux. Il reste évidemment beaucoup de chemin à parcourir. Mais quand le Gouvernement actuel fait autre chose que des fautes ou de la communication, il faut le dire et l’encourager…

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Macron, Le Maire, Roux de Bézieux oseront-ils venir à Hambach ?

17 Juillet 2020 , Rédigé par Christian Eckert

La crise sanitaire a plongé notre pays (comme le reste du monde) dans une crise économique profonde. Les scientifique et les historiens se déchireront pour dire s’il fallait ou non confiner, s’il fallait le faire partout, s’il fallait le faire plus tôt ou plus longtemps…. Je n’ai pas la prétention de participer à ce débat.

 

Ce qui est incontestable, c’est que la crise sanitaire a entrainé une crise économique et donc une crise sociale majeure. Tout le monde comprend qu’il faut la combattre, en particulier pour éviter que les plus fragiles n’en subissent les effets. Et c’est donc tout de suite qu’il faut agir. Car cet été est très dur pour l’économie, et il n’est pas sûr que l’automne soit plus clément. Si le virus était éradiqué, l’année 2021 devrait retrouver des niveaux d’activités bien meilleurs.

 

Ce long préambule pour affirmer que les soutiens à l’économie doivent être immédiats et massifs. Peu enclin à approuver la présidence Macron, j’ose pour une fois (je promets de ne pas abuser) constater que de bons leviers ont été utilisés : chômage partiel, garanties d’emprunts, reports de cotisations ou d’impôts… On pourrait pinailler sur tel ou tel point. Mais l’urgence a commandé des mesures massives à effet rapide. Leur durée et leur ampleur devront coller à l’évolution mesurée sur le terrain.

 

Le coût (énorme) de ces dispositions de crise sera opportunément cantonné dans une « CADES » élargie pour en permettre l’étalement et ne pas fausser l’analyse de nos comptes publics. Soit. Il sera temps de reparler de son financement.

 

Mais dans la diarrhée de Milliards qui vient combler les trous béants causés par le tout petit virus, il faut distinguer les mesures d’urgence dont j’ai salué la pertinence et les mesures pérennes qui ne sauraient être présentée comme une réponse à la crise. Les premières seront amorties dans le temps… Les secondes devront tous les ans être remplacées ou généreront encore plus de désengagement de services publics.

 

Le dernier « coup » des impôts de production dont le MEDEF fait un totem depuis des années est à ce stade révélateur. Le Ministre Le Maire annonce une baisse de 10 Milliards PAR AN des impôts de type CVAE. Outre que l’effet ne se mesurera au mieux que dans un an, ce type de décision ne devrait pas se prendre dans un amalgame malsain. Pour ne pas dire en catimini. 10 Milliards par an, c’est plus que les conséquences du Ségur de la santé présenté comme une révolution !

 

Je suis à ce propos interpellé par l’exemple de l’usine Daimler à Hambach (en Lorraine), site de production de la petite voiture SMART :

 

Les salariés y ont consenti d’importants efforts pour garantir la compétitivité de leur usine. En octobre 2016, après des mois de négociation, ils avaient accepté -sous la contrainte - de travailler sur un rythme de 39 heures payées 37 heures.

 

Fin 2018, les élus locaux ont consenti, pour favoriser l’extension de l’usine, de baisser de 30% le taux de la taxe foncière. L’entreprise économisait plus d’un million d’Euros PAR AN.

 

Il y a quelques jours, Daimler annonçait froidement et brutalement renoncer à produire sa nouvelle SMART électrique à Hambach et mettre en vente l’usine.

 

Pendant ce temps, à la télévision, le Président déclarait le 14 juillet préférer des baisses de salaire à des licenciements. Son Ministre annonçait une diminution de 10 Milliards PAR AN des impôts de production (la taxe foncière en fait partie). Et à l’issue d’une rencontre avec les dirigeants de Daimler, le même Ministre déclarait hier « il sera difficile de faire changer d’avis à Daimler ».

 

Ce tout petit virus a bon dos. Et certains en profitent… Toujours les mêmes….

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LE MELON DE DARMANIN, extrait d' "Un Ministre ne devrait pas dire ça..."

12 Juillet 2020 , Rédigé par Christian Eckert

Je n'ai rien à dire sur les affaires en cours concernant le nouveau Ministre de l'Intérieur. J'ai suffisamment de griefs contre les décisions des Gouvernements de Monsieur Macron pour commenter le dernier casting de l'équipe remodelée. Les actes ont parlé et parleront d'eux même et je ne pratique pas le procès d'intention. Je me contenterai donc de reproduire ici un chapitre de mon livre paru en mai 2018 ("Un Ministre ne devrait pas dire ça..." aux éditions Robert Laffont), un peu retouché et complété.

 

 

 

Le melon de Darmanin

 

 

Le 7 mai 2017, Emmanuel Macron est élu président, et Édouard Philippe désigné Premier ministre le 15 mai. Il est temps pour moi de faire place nette.

En fin de mandat, un ministre fait ses cartons. Au sens propre comme au sens figuré. Depuis quelques jours, j’emballe, je jette, je débarrasse… Les pots de remerciement s’égrènent, avec les huissiers, les douaniers, les secrétaires, les chauffeurs, les officiers de sécurité, le personnel de l’appartement, des cuisines… Je sais l’instant particulier, mais il était attendu. Attendu d’abord dans le sens "prévu". Attendu aussi dans le sens "espéré". Trois ans de Budget, ça vous rince un homme, même un costaud de Lorraine.

 

Un ministre reste en fonction jusqu’à la nomination de son successeur. C’est une période particulière. J’expédie les affaires courantes. De temps en temps un parapheur arrive, nécessitant quelques signatures de routine. Le cabinet fait relâche. Les conseillers baguenaudent, jouent aux cartes au milieu des cartons.

Nos quelques biens personnels ont quitté l’appartement de Bercy pour rejoindre la Lorraine. Il n’y reste que quelques affaires de toilette et du linge de rechange. Laurence est encore là ce lundi, soucieuse d’être à mes côtés lors de la passation de pouvoir traditionnelle. La nomination du nouveau gouvernement est attendue pour le lendemain, un mardi. Nous devrions donc pouvoir rentrer chez nous le mardi soir, une fois le nouveau ministre installé.

 

 

De l’opportunisme en politique

 

En ce début d’après-midi ensoleillé du lundi, nous allons tous les deux marcher un peu dans le quartier. Ce n’est pas folichon, mais mieux que de ruminer en tournant en rond dans les bureaux vides et aseptisés de l’Hôtel des ministres. Mon Smartphone annonce que la nomination du gouvernement est reportée d’une journée. Officiellement, c’est pour passer « au scanner » la situation judiciaire et fiscale des entrants. Les affaires autour de Richard Ferrand, François Bayrou et quelques autres montreront que ces prétendues investigations n’auront servi à rien.

Et connaissant les choses de l’intérieur, je sais que l’administration peut faire très vite. La vraie raison – et c’est toujours comme ça – est davantage liée aux négociations et à l’ajustement des équilibres politiques qui prennent plus de temps que prévu….

 

Je propose alors à Laurence de nous éviter une dernière nuit à Bercy. Le TGV Est permet de rejoindre Metz en 1h30. Nous dînerons et dormirons enfin à la maison et je reviendrai seul tranquillement le lendemain matin pour attendre mon successeur et lui donner les clefs. Laurence est tout sourire, et nous filons à la gare, soulagés de quitter cette ambiance pesante.

Je me retrouve donc le lendemain dans le bureau du 5° étage pour une dernière journée.

En milieu de matinée, Gilles Carrez m’appelle gentiment. Ses appels ne sont pas fréquents et toujours justifiés. Député de droite, rapporteur général – avant moi – à la Commission des finances de l’Assemblée, Gilles en assure la présidence depuis 2012. Nous nous connaissons bien et nous nous estimons au-delà de nos opinions politiques. Nous avons eu les mêmes difficultés, savons le travail colossal que nécessitent nos fonctions et mesurons l’ingratitude envers celles et ceux qui souvent font le « sale boulot ».

 

L’appel de Gilles Carrez n’est cette fois pas motivé par nos relations de travail. Il me dit simplement son respect pour mon engagement sans relâche à mon poste. Il me dit penser à moi et à la difficulté de ces derniers moments. Je le sais sincère et désintéressé, ce qui est assez rare en ce moment.

À la fin de cet échange amical, je lui demande s’il a des informations sur la personne qui pourrait être nommée au Budget. Il me dit alors avoir le matin même appris de bonne source

– à droite, donc – que Gérald Darmanin prendrait ma place. Un SMS d’Émilie, mon attachée de presse, évoque aussi cette hypothèse circulant parmi les journalistes.

 

Les bras m’en tombent. Gérald Darmanin n’a jamais été à la Commission des finances. Je ne me souviens pas l’avoir entendu dans un débat budgétaire. Il fait partie, dans mon souvenir, des jeunes francs-tireurs de l’UMP, puis des Républicains, parmi les plus à droite. Ancien directeur de campagne de Christian Vanneste – condamné pour homophobie –, il est catalogué par certains dans la zone grise entre la droite et l’extrême droite. C’est lui qui, un jour, a osé le pire en qualifiant Christiane Taubira de « tract ambulant pour le Front national ».

À 15 heures, mon cabinet est au complet dans mon bureau pour écouter l’annonce de la composition du gouvernement. Bruno Le Maire remplace Michel Sapin et Gérald Darmanin sera bien ministre du Budget. Deux ministres issus du principal parti de droite seront à Bercy. Ainsi en a décidé le nouveau président.

 

 

 

 

 

« Le roquet a appelé ! »

 

J’exprime ma surprise devant mes collaborateurs, puis je souhaite la réussite du pays afin d’éviter l’avènement de Marine Le Pen.

Je monte immédiatement d’un étage pour envisager, avec Michel Sapin, le déroulement des passations de pouvoir. Michel me lance derechef : « Le roquet a déjà appelé ! » J’hésite et ne comprends pas bien. « Qui ? Darmanin ?... »

Michel me confirme avoir reçu, deux minutes plus tôt, un appel de Darmanin pour convenir de l’heure et des conditions de la passation des pouvoirs. Michel lui a répondu de voir cela avec moi… Logique : Le Maire remplace Sapin, et Darmanin remplace Eckert.

 

Michel Sapin a toujours été pour moi un ministre attentionné. Bien d’autres secrétaires d’État m’ont confié avoir été méprisés par leur ministre de tutelle – y compris à Bercy ! Michel, lui, m’a toujours laissé beaucoup de latitude, m’a fait profiter de son expérience ministérielle et de sa proximité avec François Hollande et a pris soin d’avoir avec moi des échanges directs, francs et amicaux.

 

Là, Michel est embarrassé… «  Darmanin ne veut pas de passation avec toi… Il est ministre et tu n’étais que secrétaire d’État… Il en fait un fromage ! »… Un « melon » plutôt ! Les vexations commencent tôt en macronie… Mais Michel m’indique avoir refusé les exigences de mon successeur. Sapin accueillera Le Maire et Eckert Darmanin.

Je réponds à Michel de faire pour le mieux, que tout cela m’indiffère – je n’ai qu’une idée en tête : quitter Paris et retourner chez nous – et lui demande seulement de faire vite pour que j’attrape le dernier train…

 

 

À 15h30 environ, Gérald Darmanin m’appelle. Quand même... Après mes félicitations républicaines, il me fait part de son problème protocolaire et me sonde sur mes intentions… « Tu comprends, je suis ministre de plein exercice, tu ne l’étais pas… » Je lui rétorque que cela m’est égal – en langage plus épicé… –, qu’il se mette d’accord avec Michel Sapin et Bruno Le Maire et que je m’adapterai sans susceptibilité, quitte à partir sans tambours ni trompettes.

Une heure plus tard, Michel Sapin me fait état des négociations en cours : Darmanin exige que Michel Sapin soit là et prononce deux mots d’accueil avant de me passer la parole pour le traditionnel discours de passation. Michel n’a rien « dealé » sans connaître mon avis. Je lui confirme que je n’en ai rien à f…... et que seule compte pour moi la possibilité de me rendre à temps à la gare de l’Est.

 

Nous procédons ainsi. L’honneur est sauf, et le nouveau ministre est accueilli par un homme de son rang tout en écoutant un discours de celui qui l’a précédé. L’entretien traditionnel entre les ministres se déroule à trois. Nous y échangeons quelques banalités convenues sur les réformes en cours, la situation budgétaire et l’ambiance sociale dans le ministère. Gérald Darmanin nous dit des choses gentilles, tout le contraire de ce qu’il fera après… Bienvenue en macronie.

 

Ce type de comportement m’insupporte. J’ai cherché durant mon parcours politique, aux différents postes que j’ai occupés, à garder la tête froide. Devant les honneurs qui m’étaient rendus, j’ai plus éprouvé de gêne que de plaisir. J’ai souvent éconduit mon officier de sécurité, soucieux de porter moi-même le cartable d’écolier qui ne quitte jamais. Quand Manuel Valls me voyait débouler dans son bureau, il me disait en plaisantant : « Attention, tu vas encore l’oublier en partant ! » C’est arrivé, en effet, plusieurs fois !

Voir ce jeune et tout frais ministre, indépendamment de sa curieuse évolution politique, faire d’entrée de jeu des histoires pour si peu m’a choqué au plus haut point. Comme un signe avant-coureur de la suite de son comportement.

 

L'une des suites est connue... Quoique...

Macron Ministre n'avait pas très envie de mettre en place le Prélèvement A la Source (PAS). Il fallait bien suivre le MEDEF ! Macron Président a retardé sa mise en œuvre.

Avec mes équipes de Bercy, nous avions fait un travail énorme pour préparer et faire voter le PAS dans la loi fin 2016. Cela avait mobilisé 100 personnes pendant un an. Je m'étais investi à fond dans cette opération.

Quand Darmanin est arrivé à Bercy, le travail était fait. Il suffisait "d'appuyer sur le bouton". Il l'a fait avec un an de retard, changeant à peine une virgule à notre travail.

 

Quand Darminin évoque son passage à Bercy, il revendique seul la paternité du Prélèvement à la Source, qu'il présente comme son fait d'armes majeur.... A peine gonflé....

 

Avoir le "melon" incite sans doute à avoir les chevilles qui enflent....

...

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La dette perpétuelle ? Cela existe en fait déjà....

24 Juin 2020 , Rédigé par Christian Eckert

En janvier 2017, j’écrivais un article sur ce blog intitulé « La dette publique… pour les nuls ». Notre pays traverse des circonstances exceptionnelles qui conduisent à l’explosion de la dette française. Certains évoquent alors l’idée de créer une dette perpétuelle… Une dette qu’on ne rembourse jamais, et pour laquelle on sert à vie des intérêts aux créanciers. Une lecture attentive de mon post (un peu réactualisé) ci-dessous permettra de mieux comprendre que le concept existe déjà… L’essentiel des prêts de l’Etat est constitué de prêts remboursables in fine. A leur échéance, nous les remboursons en fait en réempruntant le même montant. Par itération, on a en fait une dette quasi-perpétuelle !

 

De quoi est constituée la dette publique ? :

De plusieurs composantes : la dette de l'Etat, la dette de la sécurité sociale, le dette des collectivités locales, la dette d'autres organismes (Unédic, retraites complémentaires, organismes publics ou parapublics....). C’est déjà une première source de débat : chacune des catégories se renvoie la balle :

  • - Ainsi, par exemple, lorsque l’Etat décidait d’exonérer les entreprises de cotisations sociales, les règles budgétaires (et les votes du Parlement) contraignaient l’Etat à compenser ces pertes de recettes de la Sécurité Sociale. L’équilibre et la dette de la Sécurité sociale n’étaient donc pas affectés. Les nombreux allègements de cotisations sociales étaient dans le passé entièrement supportés par le budget de l’Etat. Cette règle a cessé d’être appliquée depuis 2 ans par le Gouvernement d’Emmanuel Macron.

 

  • - De même, les collectivités locales affirment à juste titre que l’emprunt leur est interdit pour équilibrer leur section de fonctionnement et que leur endettement doit être systématiquement considéré comme vertueux puisque lié à leurs seuls investissements. C’est là aussi un peu discutable, sachant que l’Etat par ses dotations alimente leurs recettes de fonctionnement et que faute d’économies de dépenses, c’est l’Etat qui s’endette pour elles.

 

  • - L’endettement public englobe aussi des emprunts que l’Etat garantit, certains emprunts souscrits par des organismes contrôlés par l’Etat, dans des considérations si complexes que seuls les énarques (et pas les nuls) font semblant de comprendre. Par exemple il y a régulièrement débat pour savoir si la dette de la SNCF doit être ou non considérée comme de la dette publique, en totalité ou en partie… Les mêmes questions se posent sur les dettes des hôpitaux publics…

Il n’empêche que la dette publique se regarde de façon agglomérée, et que renflouer un des secteurs par un autre ne change rien au total : ainsi, transférer de la dette d’un bloc à un autre (le cas Etat/Sécu étant régulièrement évoqué) ne change pas grand chose à la fin…. Sauf la présentation et les discours, ce qui n'a souvent rien d'anodin...

 

A combien s’élève la dette publique ? :

Il y a en fait plusieurs façons de l’évaluer, qui donnent lieu à des interprétations différentes.

Naturellement, le premier réflexe est de regarder le volume brut de la dette : fin 2015, l’ensemble de la dette publique s’élevait à 2 100 Milliards d’Euros. L’essentiel (79% soit 1 660 Milliards) était constitué de la dette de l’Etat. Les diverses administrations de Sécurité Sociale en représentaient 10,5% (soit 220 Milliards). Les collectivités locales en portaient 9% soit 200 Milliards.

 Remarquons au passage que la dette sociale est 8 fois moins élevée que la dette de l’Etat.

Il est aussi d’usage de rapporter la dette à la richesse nationale, c'est-à-dire au Produit Intérieur Brut (le fameux PIB), censé représenter la richesse produite en un an dans un pays. C’est légitime : un grand pays ayant évidemment en masse une dette plus importante qu’un petit pays, de même que la « richesse » d’un pays autorise une dette plus importante en volume. En France, fin 2015, la dette (2 100 Milliards) représentait 96,2% du PIB (2180 Milliards).

D’autre indicateurs enfin sont possibles et pertinents : certains expriment la dette par habitant (en 2015, en France, cela représente 32 500 Euros par habitant). D’autres l’expriment en comparaison du salaire moyen…. On peut multiplier les critères, sachant que la parité des taux de change complexifie encore un peu plus les comparaisons entre nations.

Fin 2019, la dette publique française s’élevait à 2415 Milliards, c’est dire que les années Macron n’ont en rien freiné son augmentation.

 

Comment se rembourse la dette publique ? :

C’est là le point clef qu’il faut bien avoir en tête. Les emprunts traditionnels utilisés généralement par les particuliers et les entreprises se remboursent au fil du temps. Périodiquement, l’emprunteur rembourse les intérêts et une partie du capital. Année après année, le capital restant dû baisse et la dette s’éteint après la durée convenue.

C’est complètement différent pour les emprunts de l’Etat. Pour l’essentiel de la dette publique (notamment la part de l’Etat), les emprunts sont remboursables in-fine : Par exemple, si l’Etat emprunte 100 Millions sur dix ans à un taux de 1%, il paiera 1 Million par an (les intérêts), et devra rembourser le capital de 100 Millions en une seule fois dix ans plus tard.

Dans les faits, au bout des dix ans, l’Etat (étant toujours déficitaire), réemprunte 100 Millions pour tenir son échéance ! Dans les faits, la dette de l’Etat ne se rembourse pas. Elle se prolonge et augmente en volume d’autant que tous les ans le déficit nécessite de nouveaux emprunts. Le seul chiffre qui peut baisser c’est la part de la dette dans le PIB, à la condition que le PIB augmente plus vite que la dette !

Ceci n’est pas particulier à la France, et beaucoup de pays du monde fonctionnent ainsi. Il est vrai que si le budget redevient excédentaire, on peut voir la dette baisser en volume en profitant du solde pour rembourser du capital.

 

Combien coute la dette publique ? :

Beaucoup des emprunteurs publics ne paient tous les ans que les intérêts et remboursent le capital avec un nouvel emprunt lorsqu’il vient à échéance.

Ainsi, en France, le stock de dette publique, autrement dit l’ensemble des capitaux empruntés par le pays, est passé entre fin 2007 et fin 2019, de 1 252,9 milliards d’euros à 2 415,1 milliards d’euros. Quasiment le double.... Mais, parallèlement, la « charge de la dette », ce que coûte la dette française au budget chaque année est resté relativement stable passant de 43 à 42 milliards d’euros par an sur la même période. Grâce au taux bas, on a donc pu s’endetter sans que son coût n’augmente.

Pour comparer, le budget de la Défense est de l’ordre de 37.5 Milliards et celui de l’Education dépasse les 50 Milliards

 

Qui sont nos créanciers ? :

Ils sont difficiles à connaître précisément, car les titres de créances s’achètent et se vendent à tout moment et se mélangent dans des fonds mixant divers produits financiers !

On estime néanmoins qu’entre 50 et 60 % de nos créanciers sont étrangers et que le solde est détenu dans de l’assurance-vie et dans des OPCVM français.

 

Comment a évolué la dette publique ces dernières années ? :

Entre 207 et 2012 (Présidence Sarkozy), la dette publique a augmenté de 25 points de PIB, soit 616 Milliards.

Entre 2012 et 2017 (Présidence Hollande), elle devait augmenter de 6 points de PIB, c'est-à-dire 4 fois moins vite ! C’est essentiellement parce que les déficits de l’Etat et de la Sécurité Sociale se sont réduits.

La dette de la Sécurité Sociale a commencé à diminuer et devait (avant la crise du Covid 19), s’éteindre en 2024.

 

Les évènements actuels laissent présager une augmentation brutale de plus de 200 Milliards en 2020 en France ! L’Europe serait bien inspirée de se décider enfin à mutualiser le portage des emprunts nécessaires à réparer les dégâts que tous ont subi pour cause de pandémie. L'Europe a là une opportunité de donner (enfin) un sens au mot solidarité. Le Président Macron, que je n'ai pas l'habitude d'encenser, a raison de demander un financement solidaire du plan de relance massif en cours d'élaboration.

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La CADES vivra plus longtemps... C'est nécessaire mais sa disparition aurait fait des heureux !

20 Mai 2020 , Rédigé par Christian Eckert

Le Gouvernement annonce avec force vouloir transférer à la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale dont j’ai souvent parlé sur ce blog…) une masse importante de dettes : plus de 130 Milliards d’Euros !

 

Ce paquet est assez hétéroclite : il y aurait des dettes passées, présentes et futures. Curieux amalgame. Pour le passé, les 10 Milliards de dettes des hôpitaux repris par l’Etat et les besoins de financement des caisses de l’ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale). Pour le présent, la dette colossale de la Sécu prévue pour 2020 (plus de 40 Milliards). Mais curieusement, on reporte même les futures dettes de la Sécu dont l’ampleur est pour le moins inconnue à ce stade ! Sont ainsi comptés à la louche les dettes de 2021 et de 2022….

 

Cette manipulation comptable n’a rien de condamnable pour autant. Il faut la prendre pour ce qu’elle est… Ni plus, ni moins : sanctuariser des dettes et par là même sanctuariser les dépenses servant à les rembourser. Isoler ces opérations dans un organisme doté de recettes (CRDS, un bout de CSG…) calibrées pour que tout soit soldé en… 2033 ! En matière budgétaire, il n’y a pas de miracle. Les déficits sont générateurs de dettes et quel que soit l’endroit où on les range, les dettes doivent se rembourser…

 

Sans cette nouvelle opération, les dettes du passé auraient été remboursées en 2024 et les recettes de la CADES (autour de 20 Milliards en 2024) seraient devenues entièrement disponibles… Le virus est passé par là et le Gouvernement se donne de l’air, au moins en apparence. En remodelant le planning ET le volume, il arrange la durée pour que les annuités libèrent 2 Milliards de CSG pour les consacrer à la dépendance chaque année. Il n’y a pas là non plus de miracle, pas d’argent « frais », mais de l’argent rendu facile par un endettement augmenté considérablement et rallongé.

 

J’approuve bien entendu le fléchage de 2 Milliards par an pour la dépendance. J’avais d’ailleurs pour ma part préconisé un petit allongement de la durée de vie de la CADES pour financer immédiatement les besoins recensés dans le rapport Libault.

 

Mais attention à ne pas se tromper d’analyse : mélanger passé, présent et avenir rend confus la manœuvre. Cette confusion est amplifiée par l’amalgame entre deux sujets distincts : les déficits engendrés par la crise sanitaire et les besoins liés au vieillissement et à la dépendance.

 

Sans doute une façon de décliner le « en même temps »…

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ISF et flat-tax... Le débat réouvert ?

12 Mai 2020 , Rédigé par Christian Eckert

La crise sanitaire et les chamboulements budgétaires qu’elle impose rouvrent des débats que même les gilets jaunes n’avaient qu’à peine écorché…

Les deux grandes premières décisions fiscales du quinquennat Macron ont été la suppression de l’ISF et la mise en en place de la flat-tax sur les revenus du capital.

 

Plus précisément :

 

  • L’ISF a été de façon stupide, remplacé par l’IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière). Par conséquent, l’argent qui dort (assurance-vie, obligations, liquidités…) n’est plus imposé. Ce qui incite à le laisser dormir, contrairement à l'objectif affiché par le Président !
  • La mise en place de la flat-tax a fait sauter la plus juste des dispositions fiscales du quinquennat de François Hollande : depuis 2012, les revenus du patrimoine (dividendes, intérêts, plus-values…), étaient assujettis aux mêmes cotisations et impôts que les revenus du travail (salaires…). En supprimant ça, LREM a allégé considérablement l'impôt des fruits du capital.

 

Ces deux décisions ont fait le bonheur d’une toute petite minorité de français. Au total, ceux-ci ont ainsi évité de payer plus de 5 Milliards d’Euros à l’Etat et à la Sécurité Sociale ! L’utilité économique est loin d’être évidente. L’impact budgétaire est manifeste.

 

Les éléments de langage diffusés par LREM feraient rire si le sujet n’était pas aussi grave : « les montants en cause seraient faibles et pas à la hauteur des enjeux… ». Quand on supprime l’ISF, l’effet sur l’économie (le PIB est de plus de 2 300 Milliards…) est qualifié de décisif. « En même temps », l’impact sur le budget de l’Etat (300 Milliards…) de la suppression de la même somme serait dérisoire… 

 

Un « monde d’Après » est à construire. Mais reprendre dans celui « d’Avant » les quelques éléments d’équité et de justice existants n’aurait rien de honteux.

 

Après tout, le virus a sans doute eu la peau de la réforme des retraites et peut-être de celle de l'Assurance chômage. Alors... Président, encore un pas en arrière !

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"Quoiqu'il en coûte", oui ! Mais pas pour préserver les intérêts particuliers...

25 Avril 2020 , Rédigé par Christian Eckert

Chaque fois que les circonstances bousculent les entreprises, les yeux se tournent vers l’État Providence…. Même les économistes les plus libéraux, même les organisations patronales les plus anti-étatiques et même Les Echos et BFM business implorent la puissance publique de venir sauver les entreprises du naufrage annoncé.

 

Quitte à surprendre ceux qui me connaissent, je ne considère pas cela anormal : c’est le rôle de l’État de venir au secours des fragiles. S’agissant des personnes et des familles, certains parlent vite d’assistanat… S’agissant des entreprises, on met en avant la préservation de l’emploi et le pari sur l’avenir. Comme si les familles fragiles pouvaient souffrir et mourir dans l’indifférence générale alors que perdre une entreprise obérait l’avenir à jamais…. Mais ce n’est pas le débat du jour.

 

Je considère donc qu’effectivement l’État se doit de protéger les entreprises et de faire en sorte qu’elles traversent cette passe terriblement difficile pour repartir une fois la pandémie jugulée. La question n’est pas de savoir à quel prix. Peu habitué à soutenir l’actuel Président, je concède qu’il a eu raison d’utiliser la formule « quoiqu’il en coûte ». La question est surtout de savoir comment.

 

Je conditionnerais le soutien aux entreprises à deux règles principales :

 

  • La première est qu’elle prenne la forme d’une entrée au capital. Il est anormal de prêter sans garantie de retour à bonne fortune. J’ose espérer que les entreprises que l’État va contribuer à pérenniser redeviendront profitables pour la plupart d’entre elles. La prise de participation de L’État pourra alors générer des rentrées d’argent ou permettre des plus-values de cessions des titres acquis au plus fort de la tempête.

 

  • La seconde est d’exiger des contreparties en matière de politique industrielle. (Cela peut d’ailleurs mieux se faire en respectant la première des conditions énoncées ici). Beaucoup souhaitent à l’occasion du cataclysme lié au virus, utiliser la rupture provoquée pour redonner à notre économie des vertus un temps oubliées : prise en compte des priorités environnementales, fin du nomadisme industriel guidé par la seule rentabilité, respect de l’éthique fiscale appuyée sur la complaisance de certains paradis fiscaux pas forcément exotiques, meilleure répartition des résultats financiers en limitant les dividendes.

 

Si dans le discours on entend quelques éléments encourageants, les faits ne confirment pas ces engagements verbaux : le MEDEF demande la fin des normes environnementale et réclame plus de liberté, le Gouvernement n’inscrit pas dans la loi l’obligation de comportements vertueux… Et surtout, les premiers exemples (Air France, Renault…) montrent que L’État va essentiellement prêter ou garantir des prêts plutôt que de prendre des participations à hauteur de ses engagements financiers.

 

« Quoiqu’il en coûte », oui ! Mais au profit de tous, de l’intérêt général, et pas pour préserver les intérêts particuliers. Faute de prendre en compte ces remarques, les gilets jaunes pourraient bien reprendre force et vigueur une fois la pandémie jugulée.

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Les dépenses de santé sont-elles négociables ?

21 Mars 2020 , Rédigé par Christian Eckert

Des chiffres :

 

Le Produit Intérieur de la France (PIB) est la richesse produite dans notre pays en une année : environ 2 300 Milliards d’Euros

 

Les dépenses courantes de santé en France sont de l’ordre de 270 Milliards d’Euros.

 

La France consacre donc tous les ans quasiment 12% de sa richesse à la santé. C’est 5 points de moins que les États Unis, à peine moins que la Suisse, et bien plus que tous les autres pays de l’OCDE.

 

Mon propos est ici de souligner de façon simple et non polémique les évolutions constatées ces dernières années et qui devraient se poursuivre dans les années à venir.

 

De façon très factuelle, trois constats semblent devoir être partagés :

 

  1. La population française augmente de 0,3% tous les ans. C’est essentiellement la conséquence d’un taux de natalité soutenu (1,9%). Le solde migratoire ne représente en fait qu’un quart des 200 000 français supplémentaires d’une année à l’autre.
  2. La durée de vie des français augmente. Au cours des 60 dernières années, les hommes comme les femmes ont gagné 14 ans d’espérance de vie en moyenne. Les dépenses de santé augmentent évidemment avec l’âge.
  3. Les progrès de la médecine génèrent des coûts sans cesse plus élevés. Les exemples pullulent, parmi les médicaments comme pour les technologies mises en œuvre.

 

Pour ces trois raisons que nul ne conteste, toutes choses égales par ailleurs, les dépenses de santé augmentent spontanément de 3,5% par an. Si on rembourse de la même façon, si on garde les structures hospitalières inchangées, si les pratiques continuent comme avant, l’évolution des dépenses de santé sera environ deux fois plus rapide que l’évolution de nos richesses (de notre PIB).

 

Depuis une dizaine d’année, tous les gouvernements ont donc pris des mesures d’économies pour contenir l’augmentation des dépenses de santé et l’aligner sur la croissance du PIB (franchises, génériques, suppressions de personnels, numérus clausus, limitation des prises en charges…). Les difficultés des patients et des personnels soignants trouvent ici en grande partie leur origine. En 10 ans, les dépenses de santé sont passées de 11,1% du PIB à 11,8%, soit une augmentation plutôt contenue. Mais une économie tout de même. Plus d'économie déstabilise le système.

 

Notre pays doit en fait réfléchir sur ces questions de façon responsable, scientifique et humaniste. Faire toujours plus d'économies, augmenter les cotisations, les impôts ou TVA, laisser le champ libre à l'assurance privée, il faudra faire des choix.

 

J'écrivais le post ci-dessus en aout dernier, eu égard aux mouvements sociaux des personnels soignants.

 

Au moment où certains s'interrogent (légitimement) sur le dimensionnement de notre système de soins face à la crise sanitaire due au Covid-19, ce propos reste d'une acuité brulante.

 

J'avoue que le Secrétaire d’État au Budget que j'ai été s'interroge souvent sur sa responsabilité personnelle dans le manque de capacité hospitalière qui semble se dessiner aujourd'hui...

 

La lecture d'un article du Monde qui dresse le portrait de Jérôme Salomon, l'actuel Directeur Général de la Santé est édifiante, même si la réalité ne rassure pas :

"Les chercheurs, les budgétaires de Bercy, lui-même (Jérôme Salomon) savent parfaitement que nombre d’épidémies antérieures n’ont pas été aussi terribles que prévu. Il peut les énoncer sans fin.

Dans les années 1990, les Britanniques avaient ainsi évalué à près de 200 000 le nombre de cas potentiels de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (la « vache folle ») de l’animal à l’homme. Pour finir, il y a eu moins de 200 cas dans le monde. En 2003, l’épidémie de SRAS, venue de Chine, n’a pratiquement pas eu d’effet en Europe.

L’épidémie de grippe A (H1N1), en 2009 ? La France en a surtout retenu l’achat par la ministre de la santé de l’époque, Roselyne Bachelot, de 94 millions de doses de vaccins pour 712 millions d’euros. Une politique de prévention trop précautionneuse (moins de 8 % des Français se sont fait vacciner), qui a valu à Mme Bachelot d’être non seulement moquée, mais aussi assignée en justice, épinglée par la Cour des Comptes et auditionnée par des commissions d’enquête parlementaires.

Le virus Ebola, qu’on imaginait déjà en 2013 déferler en France depuis les foyers d’immigrés africains, est resté confiné à l’Afrique anglophone. Et si le Covid-19 allait lui aussi rester cantonné à l’Asie et épargner l’Europe ?"

En matière d'économies budgétaires, rien n'est plus difficile que de "passer au tamis" les dépenses de santé. J'ai de multiples exemples en tête (appareils contre l'apnée du sommeil largement inutilisés, transports sanitaires souvent facilement remboursés,  médicaments anti-cancéreux hors de prix d'une efficacité très limitée....). Mais aucun argument financier ne sera audible par un proche du patient concerné !

La Cour des comptes, certains journalistes et quelques parlementaires influents sont souvent prompts à pointer l'inaction des Ministres et l'inflation des dépenses.... Mais la réduction d'un stock de masques dont l'utilisation était hautement improbable sera sans doute aujourd'hui dénoncée comme une imprévoyance majeure passible de poursuites pénales....

A l'heure où la croissance semble plombée lourdement (elle était déjà bien modeste avant la crise sanitaire), la place des dépenses de santé devra être l'objet d'un débat national profond. Au delà des poncifs faciles trop souvent répandus une fois que l'improbable se réalise.

 

 

 

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Peut-on débattre de tout ? Oui, mais pas n'importe comment....

20 Mars 2020 , Rédigé par Christian Eckert

Faut-il débattre en période de crise sanitaire ?

 

Le discours général consiste à prôner l’union nationale qui serait gage de force et de réussite plutôt que de relever des différences d’opinion qui ne seraient que source de fragilités et de faiblesses.

 

Avec quelques restrictions, ma préférence va vers le dialogue, voire la confrontation et l’échange :

 

  • Il ne faut pas pour autant disperser notre énergie : parler du passé et des causes profondes viendra en son temps. Passer des heures à ressasser l’impréparation, le désarmement des hôpitaux, le maintien des municipales, ou la communication hiératique des premières semaines est à ce stade inutile. Encore une fois le temps des analyses rétrospectives sera indispensable. Mais il est prématuré car il occulte les urgences et ne se passe pas avec le recul et la sérénité nécessaires.

 

  • Il ne faut pas non plus aborder tous les thèmes de front : La seule priorité doit être la préservation des vies humaines. Lui opposer la nécessité de sauver quelque peu la croissance économique ou de préserver quelque vertu budgétaire est une faute grave. La tentation de poursuivre plusieurs objectifs « en même temps » a été me semble-t-il, source des errements des premières semaines de cette crise.

 

  • Il ne faut pas enfin tenter de faire de cette situation un motif de remise en cause immédiate et radicale de nos représentants ou de nos institutions. Outre la modestie et l’humilité à manifester face à des situations complexes et inédites, chaque observateur doit accorder aux décideurs un minimum de confiance. Dans notre pays, les « autorités » en place sont légitimes, certes dans des circonstances variables, mais personne ne s’est imposé par la force. Et c’est un opposant farouche de la première heure au pouvoir actuel qui l’affirme.

 

Avec ces précautions, je crois à la vertu du dialogue sur la situation et les options qui s’offrent à nous :

 

  • Le débat est facilité par la rapidité et la richesse des nouvelles qui circulent. Bien sûr, il faut veiller à avoir la prudence qui convient – et c’est loin d’être une nouveauté – pour piocher et vérifier les informations disponibles. Mais la fluidité des échanges est avérée aussi dans le sens inverse : les remarques et informations de chacun peuvent résonner sur les réseaux et influer aussi sur les décisions du moment. Par exemple, le report de l’élection des maires décidé hier est sûrement beaucoup venu d’une mobilisation venue « d’en bas ».

 

  • Le débat est aussi une façon de fédérer. Lorsqu’une décision est « plaquée » sans possibilité d’en parler, d’en apprécier les points forts comme les fragilités, elle peine à s’imposer et à s’appliquer. Si la population ne peut du jour au lendemain se transformer en congrès d’épidémiologistes, elle peut pour autant trouver l’intelligence nécessaire à mieux comprendre les options possibles et accepter celle retenue. Avec pédagogie, humilité et en soulignant les difficultés à trancher, on peut faire partager des choix et même parfois justifier des « changements de pied ». Les exemples foisonnent : utilisation de la chloroquine, fermeture des frontières, durée et conditions du cloisonnement…

 

La maturité de notre peuple doit être aujourd’hui regardée à l’aune de sa capacité à vivre ensemble le dialogue qui peut parfois donner l’image du désordre et l’organisation rationnelle indispensable pour gérer la diversité de la situation.

 

Alors parlons, respectons et agissons avec à l’esprit ces quelques principes de bon sens.

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