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Enrayer l'abstention, un travail de fond...

22 Juin 2021 , Rédigé par Christian Eckert

L'énorme taux d’abstention constaté au premier tour des élections départementales et régionales interpelle. Il doit nous faire réfléchir et plus encore agir. Ceux qui pensent qu’autoriser le vote par correspondance ou instaurer le vote électronique suffira à régler le problème commettent une grave erreur. C’est comme ceux qui cassent le thermomètre en espérant faire ainsi baisser la fièvre !

Ce taux d’abstention est en fait le signe indiscutable d’un malaise bien plus profond : la distance, le fossé pour ne pas dire l’abîme entre les citoyens et les élus, quand ce n’est pas entre le peuple et les élites …

Osons plusieurs explications :

  1. Les élus seraient « tous pourris », corrompus et profiteraient de leurs situations pour eux-mêmes ou leurs proches. Je pourrais remplir un livre pour citer exemples et contrexemples, faire de multiples comparaisons, calculer des ratios… Ce serait vain… Ce qui est sûr, c’est que, à tort ou à raison, ce sentiment existe très majoritairement chez les gens. Il faut donc prendre quelques mesures simples et fortes. J’en avance 3, même si d’autres peuvent y concourir :
  • Rendre inéligibles les personnes n’ayant pas un casier judiciaire vierge.
  • Plafonner le cumul des indemnités de chaque élu au montant de l’indemnité parlementaire.
  • Raccourcir la durée des procédures judiciaires visant des élus à une durée qui évite de faire croire à leur impunité.
  1. Les élus auraient tous échoué, quel que soit leur bord politique, et seraient pour le moins des incapables ou au pire, des traitres à leurs propres engagements. Là aussi, on pourrait argumenter et en discuter des heures avec peu de chance de convaincre ce jugement fortement ancré dans l’opinion. Là encore, risquons trois suggestions souvent faciles à énoncer mais pas toujours aisées à mettre en œuvre :
  • Il faut faire de la pédagogie, développer les contacts entre les élus et les citoyens, par des réunions de quartiers, des comptes-rendus de mandat quitte à les rendre obligatoires et périodiques. Elles pourraient permettre d’expliquer les « changements de pied » ou les impossibilités à faire, souvent découlant de facteurs externes.
  • On doit simplifier le mille-feuilles territorial, par un mouvement de décentralisation audacieux qui rapproche la décision des citoyens-électeurs-usagers-contribuables.
  • Les conventions citoyennes ne doivent pas remplacer les assemblées délibérantes, quitte à ouvrir régulièrement ces dernières à des sessions élargies qui acceptent l’écoute réciproque mais laissent aux élus la décision et la responsabilité.
  1. Le Parlement serait peu représentatif et son pouvoir trop limité. Alors pourquoi choisir des députés dont on ne voit pas le travail et que l’on trouve inutiles. Ayant fréquenté l’Assemblée Nationale tantôt comme député, tantôt comme membre du Gouvernement, je confesse ici partager à regret cette analyse, même si j’ai beaucoup apprécié la richesse intellectuelle de cette assemblée. Par symétrie, trois idées non exhaustives pour améliorer les choses :
  • Il faut fluidifier le travail législatif et, même si je sais l’idée peu partagée, supprimer le Sénat qui n’influe en fait que très peu dans l’élaboration des lois et dont les travaux font perdre un temps fou à la décision et nuisent à sa clarté.
  • Sans rentrer dans le détail des procédures ici, les pouvoirs du Parlement doivent lui permettre de fixer lui-même son ordre du jour, de mettre fin aux injonctions gouvernementales et lui donner un vrai pouvoir d’initiative législatif.
  • Le scrutin proportionnel pourrait sans doute obliger à plus de raison et susciter plus de constructions communes et partagées, dans le sens de l’intérêt général trop souvent oublié.

Bien d’autres sujets pourraient ici être mis en réflexion comme le quinquennat, les compétences multiples de chaque assemblée locales, l'obtention à 16 ans du droit de vote, la limitation du nombre de mandats consécutifs, le vote obligatoire et même l’existence d’un Premier Ministre…

Toujours est-il que le soupçon et la défiance du pays envers ses élus commande de se ressaisir. Comment croire que la démocratie n’est pas le seul moyen de donner au peuple le formidable pouvoir d’organiser lui même sa vie collective ?

Le dégagisme ambiant trouve des explications, mais j’ai beaucoup aimé la métaphore suivante que je livre à notre réflexion :

« Les fourmis, par haine pour le cafard, votèrent pour l'insecticide : ils moururent tous! Même le grillon qui s'était abstenu… »

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Le temps (judiciaire) dure longtemps...

12 Juin 2021 , Rédigé par Christian Eckert

La complexité des sujets politiques et sociétaux n’est guère compatible avec les modes de communications actuels : le format court, qu’il soit écrit, audio ou vidéo, en est devenu le standard. Sauf à utiliser la langue de bois (qui n’a de langue que le nom), une expression brève devient vite réductrice, provocante et caricaturale. Il me revient qu’un de mes échanges, enregistré avec Elise Lucet pendant plus de deux heures, a donné lieu à la seule diffusion d’une dizaine de secondes dont la forme et le fond étaient à l’opposé de mes positions…

 

Tout ça pour dire que mon propos de jour ne doit évidemment pas être lu comme achevé et soldant le sujet abordé, celui de la justice. D’autant plus que je n’y revendique aucune compétence ou expérience fortes.

 

L’envie de m’exprimer est sans doute liée aux actualités, que ce soient la fameuse manifestation où la police a instruit le procès de la justice, ou plus récemment la gifle au Président dont l’auteur a été condamné en un temps record.

 

La question des effectifs, des locaux et des crédits est évidemment centrale. L’ancien Secrétaire d’Etat au Budget pourrait la développer et aurait peine à se justifier, même si l’Ecole, l’Armée, la Culture, la Police, l’Ecologie, le Logement, la Recherche, l’Hôpital, les Transports, les Douanes… pourraient aussi donner lieu aux mêmes controverses sur les moyens.

 

Mais au-delà, la gestion du temps judiciaire est pour moi un sujet en soi : comment expliquer les délais stratosphériques pour traiter des affaires dont l’issue subordonne à la fois l’avenir des personnes mises en causes et le regard du peuple sur les pratiques incriminées.

 

Une altercation datant de décembre 2017 entre Boris Faure et un député ayant donné lieu à des graves blessures n’a toujours pas été jugée. La gifle au Président, qu’il a lui-même relativisée, aura mis 3 000 fois moins de temps à être sanctionnée. Dois-je raconter les affaires Tapie ou Balkany ? Comment comprendre que les affaires d’emplois détournés du MODEM ou du FN restent « la patte en l’air » pendant que nombre des personnes en cause plastronnent, qui Haut-Commissaire, qui Sous-Gouverneur à la Banque de France, qui en belle position sur les listes aux Régionales. Comment parler sereinement à nos concitoyens de vie politique assainie lorsqu’un candidat, son parti et une kyrielle de leurs amis dépensent à l’insu de leur plein gré le double du plafond légal d’une campagne électorale (de 2012) dont le (probable premier) procès se déroule 9 ans plus tard...

 

Je n’ignore pas la nécessité impérieuse d’instructions soignées. Je connais et approuve le droit à l’appel. Je sais qu’une justice expéditive est extrêmement dangereuse. Mais reconnaissons que les moyens de retarder sans causes réelles l’avancée des procédures sont utilisés exagérément. Les protections indispensables à tout justiciable pour des questions de liberté individuelle sont trop souvent devenues des motifs pour fragiliser l’intérêt public.

 

Je sais qu’on est là sur une ligne de crête, entre deux risques graves qui peuvent entrer en conflit. Mais si le Garde des Sceaux et le Parlement pouvaient améliorer, fluidifier et raccourcir les procédures pour éviter ces pratiques choquantes, ce serait déjà un pas vers la réconciliation du pays avec l’institution judiciaire aujourd’hui en difficulté.

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Diaboliser le RN n'est pas le combattre...

11 Juin 2021 , Rédigé par Christian Eckert

Maire 27 ans, Conseiller Régional 12 ans, Député 7 ans, Secrétaire d’Etat 4 ans et ayant exercé quelques autres responsabilités dans différentes structures intercommunales, je n’ai aujourd’hui plus aucune fonction élective. Les élections législatives de 2017 ont brutalement mis fin à ce parcours linéaire qui m’a tellement appris.

 

Je pense toujours que la vie politique est importante, que l’Homme est avant tout un être social et que la société où il évolue doit être structurée par des choix collectifs et démocratiques. De formation scientifique, je crois aux vertus du progrès, sait qu’il peut aussi générer des dangers et continue à transmettre avec humilité les connaissances et les expériences que j’ai eu la chance acquérir.

 

A passé 65 ans, je m’efforce de ne pas tomber dans le travers fréquent des « ex… » : celui qui consiste à systématiquement regretter le « bon vieux temps », à considérer que tout était mieux avant, qu’après eux tout va et ira de mal en pis, que les jeunes d’aujourd’hui sont nuls et réduisent à néant tout ce qu’eux-mêmes ont eu tant de mal à merveilleusement bâtir !

 

Pour cela, je dois me focaliser sur les éléments positifs et il y en a : le Monde, malgré quelques polémiques finalement secondaires, semble en passe de juguler une pandémie d’une gravité inédite depuis longtemps. Avec encore trop d’exceptions locales, nous pourrions connaître un siècle sans conflit mondial. Les terriens, sans doute tardivement et encore trop modestement, prennent en compte les risques environnementaux qui menacent leur planète aux ressources limitées. Autant de progrès essentiels – on pourrait même dire vitaux - dont nous devons nous réjouir, tous pays confondus et toutes générations mélangées, avec l’ambition de les poursuivre et les amplifier.

 

Et pourtant…

 

Il faut aussi dénoncer l’appauvrissement de notre vie publique, politique voire intellectuelle. Je me garderai bien d’en désigner les plus responsables : on cite fréquemment les élus, les hauts fonctionnaires, les réseaux sociaux, les journalistes et les médias. Mais après tout, notre « performance » collective n’est que la somme de nos actes individuels, chacun en ses grades et qualités.

 

Les signes d’une dérive sont malheureusement nombreux : les phrases débridées, violentes et provocatrices des gouvernants à tous les niveaux, les hauts lieux de la République transformés en studio d’enregistrement de concours d’anecdotes, les difficultés d’une justice que certains voudraient résoudre en supprimant son indépendance et plus récemment la gifle reçue par un Président qui annonce bizarrement une nouvelle fois vouloir prendre le pouls des français…

 

La progression du Rassemblement National en est bien sûr le symbole. Ayant à peu près réussi à se « dédiaboliser », celui-ci est aussi parvenu à incarner le refus des pouvoirs en place. Plus grave, les digues se fissurent et nombre d’élus de droite sautent ou s’apprêtent à sauter le pas. Beaucoup d’acteurs publics – y compris à Gauche – utilisent de plus en plus la même outrance verbale que les frontistes.

 

Il est crétin d’affirmer qu’un succès du RN serait « une marque satanique ». Dans l’histoire, on qualifiait souvent de satanique ce que l’on n’arrivait pas à expliquer et qu’il fallait éliminer sans réfléchir. Le propre de l’homme est pourtant sa capacité à réfléchir. Retrouver la dignité des propos, rassembler les communautés humaines sur des projets communs plutôt que de les opposer, oser débattre des idées plutôt que de les promouvoir par la communication, respecter les choix démocratiques et remettre l’éthique au cœur de la vie publique.

 

Notre pays et le Monde ont d’innombrables choix à faire : le partage des richesses produites, l’avenir de la protection sociale en particulier de la santé, le vieillissement de la population et la prise en compte de la dépendance, le renouvellement des sources d’énergie, les difficultés de peuples à se nourrir et à vivre chez eux, la fréquence des échanges mondiaux et le nomadisme industriel, la violence et l’intolérance des pratiques religieuses…

 

Parlons de cela, disputons-nous, confrontons nos idées… Et oublions d’invoquer SATAN. C’est quand même très léger pour combattre un parti porteur des valeurs les plus sombres de notre histoire.

 

Faute de quoi, la gifle que minimise le Président pourrait se transformer en une grosse claque électorale.

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Le G7 marque un essai qui doit être transformé...

6 Juin 2021 , Rédigé par Christian Eckert

 L’accord signé à l’issue du dernier G7 est incontestablement un pas essentiel pour mettre fin à l’évitement fiscal pratiqué par de nombreuses entreprises, particulièrement les multinationales et les sociétés de la filière numérique.
Sur le plan politique, j’ai souvent regretté notre incapacité à mettre fin à ces aberrations souvent constatées mais rarement corrigées. Secrétaire d’Etat durant 3 ans, je n’ai guère fait avancer les choses. Agir sur les sujets d’optimisation et de fraude fiscales ne peut se faire qu’avec les pays concernés. Pour le moins, il aurait fallu une décision entre les pays de l’Union Européenne. Régulièrement, les membres de la Commission (dont un français aujourd’hui revenu officier à la Cour des Comptes...) nous disaient travailler le sujet et annonçaient des directives « imminentes » qui allaient faire avancer les choses. Rien n’est venu. L’unanimité indispensable aux décisions fiscales en Europe en est sans doute la cause principale. Mais l’énergie mise en oeuvre ne m’a pas toujours semblé à la hauteur de l’énorme enjeu de ce sujet : énorme eu égard aux montants concernés, énorme aussi pour la crédibilité de l’Union vis à vis de ses citoyens-contribuables. Lors des dernières élections européennes, j’avais d’ailleurs fait des propositions sur ce même blog (on peut les relire ici). J’avais proposé en vain que le principe d’un impôt minimal sur les sociétés en Europe soit mis comme première proposition de la liste européenne de mes amis de Gauche. Beaucoup revendiquent aujourd’hui la paternité de l’accord du G7, mais il me parait évident que le déblocage est surtout dû au nouveau président américain Joe Biden. L’essentiel reste qu’un grand pas a été franchi et qu’il faut le saluer.


Pour autant, aussi importante que soit cette étape, cette résolution dont la presse la presse dit avec raison que « chaque mot a été pesé au trébuchet » perdra beaucoup d’efficacité si d’autres décisions n’interviennent pas dans la foulée :

  • L’impulsion donnée au G7 doit impérativement être validée par d’autres instances: D’abord dans un périmètre mondial plus large en commençant par le G20 où la position de la Chine sera déterminante. Mais aussi dans le périmètre plus restreint de l’Union Européenne. Certes les représentants européens au G7 ont été en phase. Mais le passé a montré la capacité de quelques pays de l’Union à freiner voire à bloquer les avancées vers l’équité et la justice fiscale dont les entorses président à leur croissance.
  • Le niveau de 15% retenu comme plancher est évidemment insuffisant. Joe Biden avait lui-même parlé de niveaux plus élevés. Son recul est attribué à sa nécessité d’obtenir l’adhésion de son Congrès. La France dit attendre un plancher plus élevé. L’avenir réservera sans doute des tergiversations sur ce point et il faut espérer que l’audace soit au rendez-vous.
  • Le dispositif préconisé est largement préférable au statut-quo mais il n’est pas le meilleur : Calculer le bénéfice global d’une multinationale en le consolidant et le répartir ensuite proportionnellement au chiffre d’affaire réalisé par chaque pays aurait donné des assiettes bien plus cohérentes. Les flux sans causes réelles entre filiales et les facturations fantaisistes destinées à localiser les bénéfices à souhait seront toujours possibles. Cela risque de déplacer des bases taxables et fausser la bonne répartition des impôts.
  • Enfin la pratique de rulings couplés à des mouvements soigneusement calibrés permettra encore de déplacer, certes moins qu’avant, des Milliards d’impôts sans raison. Ces détestables méthodes utilisées y compris par des pays de l’Union Européenne doivent cesser pour toutes les entreprises. L’accord du G7 ne visent que les grosses entreprises. Mais il existe aussi, particulièrement près des frontières, des pratiques qui heurtent la conscience de celles et ceux qui respectent leurs obligations.
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