Pour les retraites, les dépenses comptent mais aussi les recettes...
Peu importe grâce à qui, mais le dossier des retraites reprend force et vigueur et c’est tant mieux. Entre la tentative avortée mal conduite par monsieur Delevoye et le passage en force contre les français de Madame Borne, les injustices comme les besoins de financement se multiplient.
Una analyse reprenant des principes simples me parait nécessaire et je m’y risque avec humilité.
D’habitude, lorsque les finances d’un secteur dérivent, on décide de jouer sur les deux volets pour améliorer les comptes : les recettes et les dépenses. Curieusement, à quelques exceptions près, la plupart des propos entendus se focalisent sur les dépenses. Il y aurait pourtant beaucoup à réfléchir sur les recettes !
Trois remarques donc sur les recettes :
- Les exonérations de cotisations sociales sont « légions » et se sont beaucoup développées dans les dernières années : qui se souvient que le CICE (peu importe sa légitimité) n’a pas été supprimé par le Président Macron, mais transformé en allègement de cotisations sociales (20 Milliards par an quand même…). Qui se souvent qu’après la crise des gilets jaunes, Monsieur Darmanin a fait supprimer des cotisations salariales sans les compenser au budget de la Sécurité Sociale (quelques Milliards aussi) !
- Les nombreuses exonérations de cotisations, instaurées au fil du temps par presque tous les gouvernements, devraient être compensées au budget de la Sécurité Sociale par l’État qui les a décidées. Ces reversements existent, mais leur calcul relève à la fois de l’exploit et de l’escroquerie. J’ai connu à Bercy leur évolution et leur difficile indexation, parfois des dizaines d’années après leur création et c'est complexe. Je confesse pudiquement que ces montants (très élevés) constituaient plus « une variable d’ajustement du budget de L’État que de celui de la Sécurité Sociale ». Il est vital que la Cour des Comptes analyse ce point dans sa « mission flash ».
- Enfin sur le niveau des cotisations elle-même, on doit réfléchir à leurs taux, sachant qu’ils varient suivant le niveau et la nature des revenus. Concernant les salaires, le dépassement de certains plafonds entraine des modulations de cotisations dont les effets restent – c’est un euphémisme – obscurs. Concernant les revenus du capital, la confusion entre l’impôt et les cotisations instaurée par le Président actuel permet toutes les optimisations du monde. Il faut savoir que les dirigeants de société gagnent beaucoup en se payant en dividendes plutôt qu’en sa versant un salaire.
Trois remarques aussi sur les dépenses :
- L’allongement de l’âge dit « pivot » est le péché originel de la dernière réforme : une personne qui a fait de longues études et a commencé à travailler tard n’a pas été impacté par le report de l’âge légal. Le nombre d’annuité de cotisation nécessaire été déjà un frein à son départ plus tôt. Bien que les « carrières longues » (acquis de la gauche) ont été quasiment préservées, la réforme a donc pénalisé principalement les salariés moins formés, par nature souvent plus modestes. Au lieu de l’âge, le critère des annuités ou des trimestres cotisés doit être le principal point d’appui du droit au départ.
- Évidemment le cas des femmes doit faire l’objet d’une attention particulière. Celui des carrières hachées aussi. C’est une solidarité nécessaire car la maternité, l’interruption d’activité professionnelle pour s’occuper des enfants comme le travail à temps partiel sont souvent des caractéristiques des carrières féminines. S’appuiyer sur les trimestres cotisés nécessitera d’accorder à des mères de familles des bonus tant sur le droit au départ que sur le calcul des montants de la retraite.
- Tenir compte de la pénibilité, souvent évoquée mais peu pratiquée, est une évidence lorsqu’on regarde les durées de vie des membres des différentes catégorie professionnelles. Les critères votés en 2014 se sont heurtés à l’opposition frontale du MEDEF et le Président Macron les a enterrés ensuite. Aujourd’hui, il semble que la nature de l’activité et ses contrainte redeviennent d’actualité et l’occasion est à saisir par exemple pour le travail posté ou les conditions de travail difficiles.
Le dossier est à l’évidence complexe au vu de la diversité des situations. Il est également essentiel par les volumes financiers mis en jeu. Il ne faut rien s’interdire, mais opposer les situations (régimes spéciaux, privé-public…) ne servira pas la cause et bloquera les volontés de progrès qui se dessinent. Gommer au mieux les injustices peut redonner crédibilité et confiance aux acteurs publics, qui en ont tellement perdu.
Impressions d'un début de Congrès du PS.
Bien qu’ayant adhéré au Parti Socialise au début des années 80, je ne suis pas un habitué de ses congrès. Cela dit, comme il avait lieu à Nancy, pas très loin de chez moi, je m’y suis rendu et y ait passé un peu de temps.
Ma première motivation était d’y retrouver des amis, parfois venus de loin, souvent perdus de vue depuis que je n’exerce plus de mandat électif. Cet objectif a été largement atteint, dans une ambiance de chaleureuses retrouvailles.
Mais un congrès ne saurait se réduire à un rassemblement « d’anciens combattants », de personnes ayant un temps prétendu ou partagé ensemble la gestion d’une collectivité publique qu’elle soit communale, départementale, régionale ou nationale.
Je m’attendais donc, sachant le désarroi de nos concitoyens devant la situation de notre pays et leurs inquiétudes face aux événements du monde, à voir les socialistes se pencher sur les problèmes des gens et les entendre proposer des solutions pour améliorer la vie quotidienne du plus grand nombre.
Ainsi, j’espérais apprendre comment on allait, quitte à s’engueuler, proposer des solutions :
- Pour garantir l’accès à la santé pour tous et dans tous les territoires.
- Pour faire en sorte qu’il y ait une école publique ayant capacité à mettre un enseignant dans chaque classe.
- Pour assurer le respect de la laïcité partout et pour tous.
- Pour équilibrer la gestion des flux migratoires, sans tabou, de façon à assurer le droit d’asile et l’intégration exigeante des nouveaux arrivants.
- Pour combattre nos dérives environnementales et définir nos intentions sur les glyphosates, les ZFE, les passoires thermiques, les moteurs à explosion, les porte-conteneurs, les véhicules électriques, les centrales nucléaires, les déchets…
- Pour aller vers plus d’autonomie dans notre production industrielle.
- Pour trouver le rythme, l’ampleur et les moyens de résorber le déficit public considérable créé et caché pendant les années macronistes.
- Pour donner aux collectivités locales les compétences et les moyens de gérer les services de proximité.
- Pour mieux rémunérer le travail sans renoncer à la protection sociale.
- Pour aller vers un impôt plus progressif et plus juste surtout pour les plus gros patrimoines.
- Pour appréhender l’arrivée de l’Intelligence Artificielle qui chamboulera les métiers existants.
- Pour assurer la sécurité partout y compris dans les zones de non-droits qui gangrènent certaines villes.
- Pour progresser vers une République parlementaire en fixant notre position sur un scrutin législatif proportionnel.
- Pour organiser notre défense en lien avec les pays européens et assurer à nos pays une capacité de se prémunir des agressions possibles.
Je savais bien sûr qu’un congrès ne pouvait répondre à tant de questions (et il y en aurait bien d’autres) …. Cependant, même si pour des raisons personnelles j’ai dû partir avant la fin, j’ai suivi les 24 premières heures de débat et suis resté sur ma faim :
J’ai entendu à l’envi des propos convenus, centrés sur la stratégie, nombrilistes à souhait, et aussi joliment tournés qu’incantatoires :
les uns scandaient Union, Union, Union…
Les autres aussi !... Tout va bien…
D’aucuns répétaient en boucle : radicalisation ! radicalisation ! radicalisation… Tout un programme en un mot, il fallait oser….
La non-alliance avec LFI parfois évoquée a été chaleureusement applaudie… Sera-telle formalisée et effective ? cela reste à voir…
Mais les sujets évoqués plus haut n'ont été que très rarement abordés.
Si ces impressions personnelles tenues « à chaud » peuvent sembler dures et pessimistes, elles doivent interpeler sur le sens de l’action des partis politiques. Ceux-ci doivent être des lieux de travail, de débat, d’élaboration d’un projet politique, d’un programme d’action publique. Les partis (et le PS n’est pas le seul exemple) sont devenus des organisations centrées sur elles-mêmes et leurs cadres.
Je ne suis pas naïf et ne saurait affirmer que la stratégie n’est pas utile pour exister voire nécessaire pour gagner. Pour autant quand elle occupe toute la place et occulte l’élaboration du projet, l’intérêt des électeurs disparait…en même temps que celui des militants.
40 Milliards d'économies en 2026 sans hausse d'impôts, c'est trop et bien mal ficelé !
Le Gouvernement de François Bayrou engage une opération de communication préparant l’opinion à des décisions dont ils savent l’impopularité, surtout à la veille d’échéances électorales qui se rapprochent.
Ancien Secrétaire d’Etat en charge des comptes publics, je voudrais faire un rappel, trois remarques sur les propos tenus et une suggestion :
Le rappel : toutes proportions gardées, la situation me rappelle celle de 2012, où l’état des finances publiques trouvé par les socialistes, se révélait très dégradé, bien au-delà de 5% de déficit, loin des prévisions « optimistes à l’excès » de nos prédécesseurs. 5 ans plus tard, en 2017, au prix de décisions difficiles, le déficit était ramené à 3% et les comptes sociaux étaient quasiment à l’équilibre. Après 8 années de macronisme, avec il est vrai quelques crises (que tous les gouvernements ont plus ou moins connues), atteindre quasiment 6% de déficit oblige le Président et ses équipes à reconnaitre une gestion financière calamiteuse. Outre les cadeaux fiscaux non compensés (ISF, flat tax, exonérations massives de cotisations sociales patronales, disparition d’impôts locaux pour les entreprises et les particuliers…), la dépense publique n’a pas été maîtrisée.
Trois observations plus que sémantiques : Les propos entendus évoquent un objectif de 40 Milliards d’économies pour 2026 et indiquent que cela se fera sans hausse d’impôts.
- Pourtant, une petite musique revient sans cesse en évoquant par exemple la suppression de l’abattement fiscal de 10%, qualifiée d’économie. C’est un mensonge : supprimer cet abattement, c’est ni plus ni moins qu’augmenter les impôts. Il en est de même sur la suppression (ou la réduction) de niches fiscales ou crédits d’impôts. Sans porter de jugement sur le fond, il est mensonger de présenter ce type de mesures comme des « économies ».
- De même, on entend des déclarations évoquant, pour atteindre les 40 Milliards de soi-disant « économies », d’y intégrer les recettes supplémentaires liées à la croissance (comme le produit de la TVA). Outre que là encore ce type de « bonne nouvelle » n’est en rien la conséquence de mesures d’économies, le contexte international (conflit en Ukraine, guerre commerciale du Président Trump…) conduit jour après jour à réviser les prévisions de croissance à la baisse. Certains économistes évoquent même une récession ou, au mieux, une stagnation.
- Éric Lombard indique que la moitié de la TVA financerait la Sécurité Sociale. Je ne comprends pas cette affirmation… Cela justifierait selon lui de réfléchir à la création d’une TVA sociale… Encore et toujours une hausse d’impôts (certes indirects) qui contredit leur leitmotiv répétant qu’aucun impôt ne sera augmenté. La TVA est par essence même l’impôt qui touche TOUS les consommateurs, y compris les plus modestes sans exception.
Une suggestion sur les montants :
Entre 2012 et 2017, le déficit public a été réduit d’environ 75 Milliards. Soit de 15 Milliards par an. Cela s’est fait par des impôts nouveaux (retour de l’ISF, imposition au barème de l’IR des revenus du capital, plafonnement des niches fiscales…) et des économies (blocage du point d’indice dans la fonction publique, réduction des dotations de l’Etat aux collectivités locales…). Ces mesures impopulaires, souvent mal comprises, expliquent autant la déroute des socialistes en 2017 que la loi El Khomri ou le projet de déchéance de nationalité des personnes condamnées. C’est pourquoi je pense qu’une réduction du déficit de 40 Milliards en 2026 (après un affichage comparable en 2025), quels que soient les moyens utilisés, produira une rupture sociale majeure dans l’opinion dont les extrêmes tireront profit. Etaler sur 5 ou 6 ans une réduction du déficit public, sans tabou mais avec précision, au rythme de 15 Milliards par an, cela sera déjà un effort considérable demandé au Pays, surtout avec l’augmentation des dépenses militaires que beaucoup soutiennent toutes opinions confondues.
Le Premier Ministre avait décoré son pupitre lors de sa conférence de presse d’un slogan intéressant : « La vérité permet d’agir ». Bien des progrès restent à faire…
La communication erronée sur le prix de l'électricité
EDF est une entreprise dont l’Etat reste actionnaire unique. La communication du Gouvernement et de l’entreprise depuis quelques mois se résume à une phrase : « les abonnés au tarif réglementé connaîtront une baisse de 15% ».
Personnellement, je suis toujours resté client d’EDF et, devant l’envolée du tarif EJP que j’avais depuis toujours, j'ai basculé depuis bientôt 2 ans sur le tarif « tempo ». Entre 600 000 et 1 000 000 d'abonnés ont souscrit ce tarif.
Cette option « tempo » est toujours présentée dans les fiches tarif bleu listant les tarifs réglementés. A la question « l’option tempo est-elle un tarif réglementé ? » Google répond :
à quoi correspond l'option Tempo d'EDF ? L'option Tempo est une option du tarif réglementé de vente d'électricité. Cette option tarifaire consiste à payer moins cher lorsque la consommation globale d'électricité est peu élevée et plus cher lorsque celle-ci est forte.
Quelle surprise en recevant le mail annonçant les nouveau tarifs à partir du 1° février : Le tarif « tempo » baisse en moyenne de... 2% !!!! Loin des 15% claironnés partout.
Mieux (ou plutôt pire !) : l’abonnement augmente de plus de 7%.
Déjà, une agrégation de Mathématiques ne suffit pas à comparer les différents tarifs des différents fournisseurs durant les différentes heures des jours de différentes couleurs !
Mais cette communication mensongère relève de la Direction de la Répression des Fraudes… Mais cette direction peut-elle sanctionner sa tutelle ?
Histoires d'eau.... trouble !
Le sujet de l’eau est sûrement le dossier le plus passionnant que j’ai eu à gérer dans le cadre de mes mandats d’élu.
J’ai d’ailleurs présidé durant une dizaine d’années aux destinées d’une grosse collectivité locale en Lorraine qui assurait l’alimentation en eau potable et l’épuration des eaux usées sur un large territoire de Moselle et de Meurthe et Moselle.
Nous avons eu à traverser la fin de la production d’eau des mines de fer en trouvant d’autres ressources. Nous avons dû investir des sommes considérables et atteint notre objectif : rester en gestion publique, sans dépendre des quelques grandes compagnies privées qui se partagent les marchés… et les profits.
Dans ce domaine de l’eau, on aborde une multitude de sujets : les financements, la concurrence privé-public, les questions physico-chimiques, les approches environnementales, la soutenabilité sociale, la géopolitique, la gestion des personnels, le poids des lobbies, voire les propositions de corruption !
L’affaire « Nestlé » - si elle n’est pas enterrée – pourrait se révéler tentaculaire et démontrer la toute puissance des géants de l’eau minérale et la « bienveillance » - c'est un euphémisme - du pouvoir actuel.
Comment comprendre que les normes à respecter pour que le produit vendu soit conforme à l’étiquette qu’il porte, deviennent facultatives lorsque l’entreprise le demande ?
Il faut savoir que plusieurs eaux minérales ne peuvent être distribuées dans le réseau public car elles dépassent les normes requises :
En France, la norme à respecter pour l’eau distribué dans les foyers est de 250 mg de sulfate par litre. Pour s'y conformer, après l’ennoyage des mines de fer, les collectivités concernées ont investi des dizaines de Millions d’Euros, provenant en partie des contribuables et en partie du prix de vente.
L’eau vendue par Nestlé sous la marque Vittel contient…. 400 mg de sulfate par litre !!!! Elle coute pourtant environ 200 fois plus cher que l’eau du robinet !!!! Il serait donc interdit de la mettre dans nos châteaux d'eau.
D’après des médias réputés sérieux, Nestlé, géant de la distribution de l’eau minérale, a obtenu des dérogations aux règles de la part des plus hautes autorités politiques de l’État. En plus, ceci s’est fait apparemment contre l’avis des autorités administratives. Une lecture attentive des publications sur ce dossier montre la qualité du travail des journalistes.
Toute la lumière doit être faite sur cela. Il s’agit de faits très graves. Et toutes les conséquences devront être tirées… La commission d’enquête du Sénat y contribuera, il faut l’espérer… Et la Cour de Justice de la République devra être saisie.
Publié depuis Overblog
Le sujet de l’eau surement le dossier le plus passionnant que j’ai eu à gérer dans le cadre de mes mandats d’élu.
J’ai d’ailleurs présidé durant une dizaine d’années aux destinées d’une grosse collectivité locale en Lorraine qui assurait l’alimentation en eau potable et l’épuration des eaux usées sur un large territoire de Moselle et de Meurthe et Moselle.
Nous avons eu à traverser la fin de la production d’eau des mines de fer en trouvant d’autres ressources. Nous avons dû investir des sommes considérables et atteint notre objectif : rester en gestion publique, sans dépendre des compagnies privées qui se partagent les marchés… et les profits.
Dans ce domaine de l’eau, on aborde une multitude de sujets : les financements, la concurrence privé-public, les questions physico-chimiques, les approches environnementales, la soutenabilité sociale, la géopolitique, la gestion des personnels, le poids des lobbies, voire les propositions de corruption !
L’affaire « Nestlé » - si elle n’est pas enterrée – pourrait se révéler tentaculaire et démontrer la toute puissance des géants de l’eau minérale et la « bienveillance » - c'est un euphémisme - du pouvoir actuel.
Comment comprendre que les normes à respecter pour que le produit vendu soit conforme à l’étiquette qu’il porte, deviennent facultatives lorsque l’entreprise le demande ?
Il faut savoir que plusieurs eaux minérales ne peuvent être distribuées dans le réseau public car elles dépassent les normes requises :
En France, la norme à respecter pour l’eau distribué dans les foyers est de 250 mg de sulfate par litre. Pour s'y conformer, après l’ennoyage des mines de fer, les collectivités concernées ont investi des dizaines de Millions d’Euros, provenant en partie des contribuables et en partie du prix de vente.
L’eau vendue par Nestlé sous la marque Vittel contient…. 400 mg de sulfate par litre !!!! Elle coute pourtant environ 200 fois plus cher que l’eau du robinet !!!! Il serait donc interdit de la mettre dans nos châteaux d'eau.
D’après des médias réputés sérieux, Nestlé, de la distribution de l’eau minérale, a obtenu des dérogations aux règles de la part des plus hautes autorités politiques de l’Etat. En plus, ceci s’est fait apparemment contre l’avis des autorités administratives. Une lecture attentive des publications sur ce dossier montre la qualité du travail des journalistes.
Toute la lumière doit être faite sur cela. Il s’agit de faits graves. Et toutes les conséquences devront être tirées… La commission d’enquête du Sénat y contribuera, il faut l’espérer…
Donner sa place au Parlement
Les propos tenus ici ou là sur le Budget – dont j’affirme ici qu’il est le « juge de paix » de la vie politique des prochains mois – m’étonnent.
D’une part les représentants de LFI annoncent que ne pas voter la censure à l’occasion du budget sera immanquablement le signe du ralliement à la macronie et de la trahison des électeurs de gauche.
D’autre part, les membres du Gouvernement répètent à l’envi que voter contre le budget serait mettre la France dans une situation insupportable. Ils décrivent d’ailleurs des mesures encore floues, incertaines, peu chiffrées et en tout cas non écrites dans un vrai Projet de Loi de Finances.
Les uns comme les autres ne contribuent pas à développer le récent début d’évolution d’une partie de la classe politique. Les premières semaines de François Bayrou (et peut-être d’Éric Lombard) ont vu une partie des forces d’opposition négocier (et parfois obtenir) des éléments de nature à ne pas censurer automatiquement le Gouvernement. N’est-ce pas là le signe d’une gestion apaisée et constructive de l’absence de majorité au Parlement provoquée par le geste ?
Pour autant, la faute collective serait d’aller trop vite dans les postures, sans travailler le fond : Notre constitution réserve au seul Parlement le monopole de l’adoption du Budget. Il faut donc laisser à ce dernier le temps de le recevoir, de l’analyser, de le modifier et, le cas échéant, d’en décider ou pas l’adoption.
Le Gouvernement ne doit pas se considérer comme habilité à annoncer et décider de tout. Et l’opposition, pour être crédible, ne doit pas rejeter par principe une loi de finances dont elle ne connait pas encore le contenu précis.
Une République Parlementaire, avec la séparation des pouvoirs, c’est un exercice encore trop peu pratiqué dans notre pays, trop « accro » aux majorités parlementaires « suppo » du Président. Il faut donc veiller à donner place au Parlement, qui doit sortir des postures pour trouver les équilibres évitant les blocages.
Insincère en 2024, le projet de budget pour 2025 est-il réaliste ?
Les débats vont bon train sur les questions budgétaires. Je ne mes suis pas exprimé sur le sujet depuis longtemps, mais : de 2012 à 2017, deux ans Rapporteur Général du Budget à la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale (le poste occupé aujourd’hui par Charles de Courson) puis trois ans Secrétaire d’État en charge du Budget et des Comptes Publics au sein du Gouvernement, j’ose ici quelques réflexions personnelles sur la situation financière de notre pays.
La première réflexion consiste à affirmer qu’en ce domaine, contrairement aux idées reçues, il faut faire preuve d’humilité. L’exercice (en temps normal) commande de préparer de mars à juillet la version finalisée, à l’automne, du budget de l’année suivante (!), voté fin décembre par le Parlement. C’est dire qu’on travaille sur un exercice qui débutera 6 mois après les premiers travaux et durera ensuite encore 12 longs mois. Sans compter que les recettes et les dépenses futures dépendent des hypothèses faites sur de nombreux paramètres comme la croissance, l’inflation, la masse salariale, le cours du pétrole, celui de l’Euro, le taux de chômage, les naissances et les décès… On sait aussi qu’en cours de l’année à venir peuvent survenir des évènements majeurs allant des crises sanitaires aux évènements climatiques en passant par les conflits armés voire les chamboulements géopolitique en France comme dans le monde.
Ainsi, fin 2023, le Gouvernement de Monsieur Macron a fait adopter au Parlement (par l’utilisation du fameux article 49.3) une loi de finances pour 2024 prévoyant un déficit de 4.4% du PIB. Dès les premiers mois de 2024, les services de Bercy ont noté que l’exercice 2023 avait été plus mauvais que prévu et que la tendance pour 2024 s’écartait des chiffres votés en décembre. Aucune communication extérieure, aucun ajustement (pourtant possible par une loi de finances rectificative) … Mais on apprenait ces derniers jours que le déficit de 2024 atteindrait sans doute 6.1% du PIB, soit une dérive (le mot est faible) de plus de 50 Milliards d’Euros ! Pour expliquer cela, les "sortants" accusent les collectivités locales d’avoir plus dépensé, et chargent l’administration de Bercy. Qui peut croire cela ? Pas moi…
Fin 2016, j’avais présenté et le Parlement avait voté une loi de finances prévoyant 2.7% de déficit. Saisie en juin par le nouveau Gouvernement du Président Macron, la Cour des comptes avait prononcé le mot d’insincérité car elle prévoyait un déficit de 3.2%, soit environ 12 Milliards d’Euros de dépassement. Il sera en fait constaté à 2.6% après l’exercice, grâce aussi, pour être honnête, à quelques corrections -habituelles en milieu d’année - du nouveau pouvoir issu de l’alternance. Cette fois, en 2024, l’écart est énorme et justifie entièrement le récent rapport "au vitriol" du Sénat. La Cour des comptes (dont l’ancien Premier Président Migaud est aujourd’hui Ministre de la justice) est muette, alors que de tels écarts sont inédits et inexpliqués.
Mais maintenant que l’on en est là, quel regard porter sur la loi de finances pour 2025, préparée certes dans une urgence rare, portée par le nouveau Premier Ministre par ailleurs à l’évidence contrarié d’avoir trouvé de nombreux cadavres dans les placards de Bercy et Matignon ?
L’objectif de 60 Milliards de réduction du déficit en un seul exercice budgétaire est – c’est mon avis – inatteignable. Nous avions en 2014, construit un plan de 50 Milliards d’économie sur 3 ans. Nous en avons réalisé environ 35… Cela a par ailleurs abouti à une raclée électorale que l’on a expliqué par d’autres sujets, mais dont je pense qu’elle est surtout la conséquence des économies faites sur les services publics et les fonctionnaires, la santé et l’hôpital public… On se souvient de certaines mesures fiscales impopulaires, mais qui se souvient qu’en matière d’impôts, nous avions intégré les revenus du capital (dividendes, plus-values, intérêts perçus…) dans l’assiette de l’impôt sur les revenus du travail ?
Michel Barnier prétend faire 60 Milliards de réduction du déficit avec 40 Milliards d’économies et 20 Milliards de recettes nouvelles. J’observe que certaines mesures présentées comme des économies sont en fait des recettes nouvelles, et surtout que, comme on dit à Bercy, les économies évoquées sont « peu documentées ». Certes, on peut - et il faut - fusionner voire supprimer quelques organismes ou agences. Mais qui peut croire que cela produira 1 Milliard d’économies…
Mon expérience, teintée de l’humilité évoquée au début, me fait dire que si la réduction du déficit atteint 25 Milliards d’Euros en 2025, Monsieur Barnier aura bien travaillé. Dans l’intérêt des finances françaises, je souhaite me tromper et vous donne rendez-vous début 2026 pour en juger.
Chômage et travailleurs frontaliers... Retrouver le bon sens !
La condition des travailleurs frontaliers soulève souvent des débats techniques qu’il convient de regarder avec précision avant d’émettre un jugement. Dans le territoire nord lorrain où je vis, un grand nombre de nos concitoyens habitent en France et travaillent au Grand-Duché du Luxembourg.
Rappelons d’abord que, conformément à la règle la plus utilisée dans le monde (même si ce n’est pas partout), ces travailleurs frontaliers paient l’impôt sur leurs revenus au Luxembourg, comme leurs cotisations sociales.
Les frontaliers versant leurs cotisations sociales au Grand-Duché bénéficient légitimement des dispositifs sociaux de ce pays (d’ailleurs bien plus favorables qu’en France)
Comme ils versent aussi leurs cotisations à l’assurance chômage au Luxembourg, on peut s’attendre à ce qu’en cas de licenciement, ce soit le Luxembourg qui prenne en charge l’indemnisation. En fait, c’est l’UNEDIC en France qui paie. C’est absolument anormal.
Cette règle « bancale » est en cours de renégociation entre les pays de l’Union depuis 2016 (ça fait quand même 8 ans !). Selon mes informations un accord avait été trouvé pour en revenir au simple « bon sens ». Mais ce dernier s’est perdu dans les arcanes politico-administratifs de l’Union, sous la pression de quelques-uns, parmi lesquels … le Luxembourg (qui avait par ailleurs obtenu un délai pour éventuellement appliquer la nouvelle règle).
L’UNEDIC (en France) plaide pour n’avoir à indemniser que celles et ceux qui lui versent des cotisations. C’est logique. Le coût total de ces situations est de l’ordre de 800 Millions, dont 20% viennent du Luxembourg. On ignore souvent que l’UNEDIC est un organisme public aujourd’hui excédentaire.
Il faut revenir à la cohérence : « on est indemnisé par celui auquel on a versé ses cotisations ».
Pour autant, il semble qu’une curieuse solution soit retenue. On s’apprête à baisser (d’environ 50% pour les franco-luxembourgeois) l’indemnisation des salariés licenciés. Au lieu de revoir une règle stupide en vigueur depuis 2004, on va baisser les ressources de personnes qui n’ont pas choisi où cotiser !
Certains avancent aussi un curieux argument : les travailleurs frontaliers sont mieux payés…
Apporter une mauvaise réponse à une bonne question, sans en avoir au préalable discuté avec les intéressés… Encore une faute qui séparera un peu plus les électeurs de leurs élus.
La Constitution musèle le Parlement par l'article 40 (entre autres).
La constitution musèle le Parlement :
l’exemple de l’article 40 !
La plupart des français ignorent les dispositions constitutionnelles en vigueur dans notre pays, tant elles sont parfois subtiles.
Ils connaissent maintenant un peu mieux l’article 49-3 : son utilisation sur la réforme des retraites les a marqués. Le Gouvernement Borne l’avait pourtant utilisé à de nombreuses reprises dans l’indifférence générale pour faire « passer » ses budgets…
Mais un autre article de notre constitution mérite d’être décortiqué, tant il est subtil et réduit considérablement les droits du Parlement, à qui pourtant la même constitution donne en théorie l’exclusivité pour fixer les recettes et les dépenses de l’Etat.
Cet article (l’article 40 reproduit intégralement ci-dessous) est à lire attentivement :
« Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. »
La subtilité, largement ignorée, réside dans le pluriel (utilisé pour les recettes) et le singulier (utilisé pour les dépenses.
Ainsi, un parlementaire peut décider de diminuer une recette, à la seule condition de compenser cette « perte » par une recette équivalente. Par exemple, un amendement diminuant l’impôt sur le revenu d’1 Milliard sera « recevable » si, dans le même amendement, on augmente une autre recette (taxe sur le tabac, CSG, …) d’un même montant.
Par contre, sur les dépenses, cette compensation ne fonctionne pas : ainsi, par exemple, proposer d’embaucher 1 000 enseignants supplémentaires, sera TOUJOURS irrecevable. Même en proposant dans le même texte une recette couvrant cette dépense, même en proposant une économie à due concurrence dans d’autres charges de l’Etat… En aggravant le seul poste de dépenses des enseignants, la proposition n’arrivera même pas en discussion…
Cette règle a par exemple été utilisée par la Présidente de l’Assemblée Nationale pour empêcher l’examen d’une proposition de loi du groupe L.I.O.T visant à abroger la dernière réforme des retraites. Pourtant, des recettes supplémentaires et des économies couvraient la dépense nouvelle. Le texte n’a pu être discuté, et encore moins soumis au vote.
Les discussions actuelles sur les budgets de l’Etat montrent – et montreront - les limites des pouvoirs du Parlement dans notre Pays. Le Gouvernement (non contraint par l’Article 40) peut facilement imposer ses orientations, et le 49/3 clôturera en plus les débats faute d’une majorité prête à censurer le Gouvernement !
Cela montre bien que notre République, contrairement aux discours convenus, n’est pas vraiment une République parlementaire !