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Investitures aux législatives : L'argent et les principes !

8 Mai 2017 , Rédigé par Christian Eckert

La question des investitures pour les législatives fait déjà l’objet de toutes les attentions alors même que l’élection présidentielle est à peine terminée.

Essayons sans langue de bois, d’y voir clair :

Pour tout comprendre, il faut d’abord savoir comment sont aujourd’hui financés les partis politiques. Depuis plus de 20 ans, ils sont essentiellement financés par une dotation annuelle de l’Etat. Les dons et les cotisations comptent aussi, mais moins.

Sans rentrer dans les détails précis que l’on peut facilement trouver sur internet, l’Etat finance pendant 5 ans suivant deux critères :

  • Le nombre de voix recueillies au premier tour des dernières élections législatives (première part).

  • Le nombre de députés et sénateurs élus (seconde part).

Pour pouvoir répartir la première part, on exige de chaque candidat lors du dépôt en Préfecture de son dossier de candidature, qu’il précise expressément à quel parti il demande que l’on attribue les voix qu’il va recueillir. Peu importe qu’il en soit adhérent ou qu’il en soit le candidat investi. Ainsi, un candidat peut être investi par plusieurs partis, mais il devra choisir lors du dépôt de sa candidature, le parti qui pourra comptabiliser pour lui les suffrages qu’il obtiendra. Un seul parti pourra donc profiter de la dévolution de ses voix.

Pour répartir la seconde part, on demande à chaque parlementaire une fois élu, d’indiquer périodiquement de la même façon à quel parti il se rattache. En général, les membres d’un groupe parlementaire se rattachent à un même parti, mais les parlementaires sont libres de leur choix et peuvent en changer en cours de mandat.

Ceci permet de comprendre que tous les partis politiques veulent avoir le maximum de candidats qui déposent des candidatures pour eux. Cela explique sans doute aussi qu’un accord paraissant naturel entre des partis proches ne soit pas toujours spontané ! Toute ressemblance avec des discussions en cours entre des formations politiques est bien entendu purement fortuit.

Ceci permet aussi de mieux comprendre certaines déclarations ou revirements de ces derniers jours : Pour investir quelqu’un qui voulait le rejoindre, un parti nouvellement venu sur la scène politique exigeait que l’impétrant démissionne de son parti d’origine. Il semblerait depuis peu, qu’il suffise au candidat au ralliement de déposer sa candidature en Préfecture sous la bonne étiquette… Les logos sur les affiches n’ont aucune importance pour comptabiliser les voix. Là encore, toute ressemblance avec un parti récemment créé est purement fortuite.

Les arguments qui prétendent relever de questions idéologiques ne sont sûrement pas dénués d’arrières pensées existentielles peu philanthropiques…

En ce qui me concerne, je suis candidat investi par le Parti Socialiste. Je déposerai ma candidature en mentionnant ce parti.

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Petite histoire de députés : Corinne, Henri et moi...

6 Mai 2017 , Rédigé par Christian Eckert

Quoiqu’on dise des députés, la très grande majorité d’entre eux fournissent un énorme travail. Une petite fraction de profiteurs voire de tricheurs - qu’il faut sanctionner bien sûr - ternissent l’image des députés auprès des français. Mais pour l'avoir été de 2007 à 2014 et avoir beaucoup fréquenté mes anciens collègues comme membre du Gouvernement ensuite, contre vents et marées, je redis ici que l’Assemblée Nationale est essentiellement composée de femmes et d’hommes qui se partagent entre leur circonscription et Paris, dorment bien trop peu, subissent un stress important, négligent leur famille et leur santé, et certains en paient le prix fort.

Corinne Erhel, députée des Côtes d'Armor est morte brutalement hier à 50 ans pendant un meeting politique dans sa Bretagne qu’elle aimait.

Lorsqu’il est élu pour la première fois, les premières séances du député dans l’hémicycle sont des moments où l’émotion le submerge : il entre dans ce lieu symbolique où s’est faite l’histoire passée de notre pays, avec le sentiment de porter une fraction de la responsabilité de son histoire future. Il vient de son morceau de territoire éloigné des projecteurs et des caméras qui désormais pointeront sur lui à la moindre occasion. A l’exception de quelques rares fanfarons, le député « bizuth » n’en mène pas large…

Lors des premières séances, qui organisent la « maison », on élit le Président et le bureau, désigne les questeurs, se répartit entre les commissions, entend les premières escarmouches échangées entre les anciens… La constitution formelle des différents groupes politiques n’étant pas faite, les députés sont installés par ordre alphabétique.

Ainsi, le chevronné, ténébreux et sourcilleux Emmanuelli était entre les deux « bizuths » angoissés fraichement arrivés de leur province, Eckert et Erhel.

Corinne et moi étions entrés en avance. Henri est arrivé à la dernière minute, sans un regard, bougonnant de sa voix rocailleuse… Il faut rappeler que notre élection en 2007 suivait l’élection de Sarkozy et que la grande majorité des « petits nouveaux » étaient des députés UMP. Ne nous connaissant ni l’une ni l’autre, Henri était persuadé que nous étions de l’autre camp et nous ignorait d’une façon frisant l’impolitesse. Corinne et moi, qui avions échangé avant la séance, savions être tous les deux socialistes débutants. Mais la solennité des lieux, notre timidité de « bizuths », notre effroi à l’idée de déranger cet icône du Parlement manifestement à cran, nous ont fait garder le silence deux jours durant. Nous en parlions tous les deux à la sortie…

Ce n’est que le troisième jour, lorsque Corinne et moi avons applaudi au discours de Jean Marc Ayrault, que le visage d’Henri s’est illuminé et qu’il nous a amicalement engueulé comme il le faisait si souvent, nous lâchant au milieu d’un éclat de rire avec son célèbre accent : « Vous ne pouviez pas me dire que vous étiez des nôtres ! Je ne vous connaissais pas, je croyais que vous étiez des UMP, toi le grand, et elle la petite ! Je n’ai cessé exprès de vous faire la gueule ! ».

Corinne et moi avons tiré de ces émotions partagées une amitié sincère. Nous avons, elle et moi, suivi notre route parlementaire. Elle se consacrait aux questions du numérique, avait un engagement parlementaire sans faille et avait gardé cette sorte de timidité qui la faisait rougir lorsqu‘elle parlait, comme pour s’excuser d’être une petite (elle l’était) femme (elle l’était aussi) coupable d’avoir de l’intérêt pour des sujets plutôt masculins. Une vraie députée bosseuse et pleinement active.

On la disait possible Ministre prochainement.

Je suis triste, comme ses amis, sa famille. La mort ne connait pas les âges, mais 50 ans c’est bien tôt.

Henri, sur lequel j’aurais mille choses à dire, nous a quitté définitivement aussi il y a quelques semaines. Corinne et lui étaient à la fois si différents et si proches.

D’autres viendront.

Puissent-ils être à leur image et être des députés qui honorent la démocratie.

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Macron et le Prélèvement à la Source : la fin avant le commencement !

5 Mai 2017 , Rédigé par Christian Eckert

Emmanuel Macron vient d’annoncer son intention de ne pas mettre en œuvre le Prélèvement à la Source à la date du 1° janvier 2018 s’il devenait Président de la République.

Sur la forme, il méprise le vote du Parlement intervenu fin décembre 2016, qui a validé le dispositif dans son principe, ses détails et son calendrier. Le Conseil Constitutionnel ayant rejeté immédiatement les recours de l’opposition, le Gouvernement met en œuvre la loi. C’est son rôle. S’il faisait autre chose il commettrait une faute grave. Seul le Parlement pourra défaire ce qu’il a lui-même voté. Les annonces du candidat (presque) Président n’engagent que lui et nul ne connait le choix de la future majorité parlementaire pas encore élue !

Sur le fond, les arguments mis en avant ne tiennent pas.

Le premier consiste à dire : « Je veux être sûr de la charge que cela représente pour les chefs d’entreprises ». Il aurait pu interroger ses anciens collègues du Gouvernement (Michel Sapin ou moi-même), il aurait pu consulter l’étude faite par le Conseil Général de l’Industrie sur ce thème à ma demande, consulter les services de Bercy qu’il a dû fréquenter un peu, les éditeurs de logiciels de paye, les services mettant en place la Déclaration Sociale Nominative (DSN) qui sert de support au dispositif… Les propos de quelques organisations patronales ont suffit à le convaincre. Les autres avis ont été méprisés.

Le second argument « est qu’il faut aussi comprendre l’impact que ça aura pour nos concitoyens psychologiquement : parce que vous allez recevoir votre feuille de paie, où votre salaire, optiquement il aura baissé ». Voilà un bien grand mépris de l’intelligence de nos concitoyens (dont plus de la moitié ne seront pas du tout concernés car non-imposables). Les français, à la différence des contribuables du monde entier, seraient stupides. Stupides au point de considérer qu’être prélevés en fin de mois d’un douzième de ses impôts sur son salaire, serait pire que d’être prélevés quinze jours PLUS TOT d’une somme PLUS IMPORTANTE (un dixième) directement sur son compte bancaire. La campagne d’information a justement pour but d’expliquer cet avantage qui est loin d’être le seul.

Le dernier argument est une nouvelle forme de mépris. Il s’agirait de « pratiquer une année d’expérimentation ». Comme si les services de Bercy, les cabinets et les Ministres ne s’étaient pas préoccupés des modalités techniques, des systèmes informatiques, des cas particuliers, des expérimentations à conduire ! Comme si ce Ministère n’était pas connu (et parfois redouté) pour son professionnalisme.

Mais l’annonce du Président (encore) candidat a quelques autres inconvénients si le Parlement suivait cette ligne : elle entérinerait un gaspillage d’argent de plusieurs dizaines de Millions d’Euros. Ce n’est jamais anodin. Plus grave encore : des contribuables informés depuis 6 mois de l’annulation de l’impôt sur les revenus de 2017 ont pu décider d’adapter leur comportement (départ en retraite, investissements, travaux, reprise d’activité…) aux dernières dispositions législatives votées… Ce principe « d’espérance légitime » des contribuables pourrait entrainer le rejet de tout report par le Conseil Constitutionnel. Reconnaissons que la rétroactivité fiscale a été trop longtemps l’un des travers de la dernière législature.

De plus, l’ex Ministre Macron n’a jamais mis en cause le Prélèvement à la Source annoncé fin 2015 par le Président de la République lorsqu’il était Ministre à Bercy. Il a été l’un des premiers Ministres que j’ai consultés début 2016 pour construire la loi de finances. C’est d’ailleurs la seule et unique fois que j’ai été reçu dans son bureau deux étages en dessous du mien. Il m’avait alors fait part de son complet accord, conscient que la mise en place de la DSN résoudrait les questions techniques. Il devait déjà avoir la tête ailleurs.

Monsieur Macron veut en fait que les baisses de cotisations salariales qu’il annonce sur la feuille de paie de certains se voient fin janvier. Ce n’est pas facile car elles seront en partie rognées par la hausse de CSG qu’il prévoit pour (presque) tout le monde. La mise en place simultanée du Prélèvement à la Source aurait enlevé de la lisibilité à cette opération. Les fonctionnaires et la majorité des retraités y verront donc plus clair…

Je pense à nos collaborateurs qui ont travaillé d’arrache-pied à élaborer le dispositif législatif. Je pense à celles et ceux qui ne profiteront pas des avantages du Prélèvement à la Source que j’ai énumérés de nombreuses fois dans tout le pays. Je pense aux députés et aux sénateurs qui ont voté le texte et m’ont fait confiance. Moi, j’aurais au moins espéré qu’on me demande mon avis. Mais en fait, je viens de le donner.

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