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Les dépenses de santé sont-elles négociables ?

21 Mars 2020 , Rédigé par Christian Eckert

Des chiffres :

 

Le Produit Intérieur de la France (PIB) est la richesse produite dans notre pays en une année : environ 2 300 Milliards d’Euros

 

Les dépenses courantes de santé en France sont de l’ordre de 270 Milliards d’Euros.

 

La France consacre donc tous les ans quasiment 12% de sa richesse à la santé. C’est 5 points de moins que les États Unis, à peine moins que la Suisse, et bien plus que tous les autres pays de l’OCDE.

 

Mon propos est ici de souligner de façon simple et non polémique les évolutions constatées ces dernières années et qui devraient se poursuivre dans les années à venir.

 

De façon très factuelle, trois constats semblent devoir être partagés :

 

  1. La population française augmente de 0,3% tous les ans. C’est essentiellement la conséquence d’un taux de natalité soutenu (1,9%). Le solde migratoire ne représente en fait qu’un quart des 200 000 français supplémentaires d’une année à l’autre.
  2. La durée de vie des français augmente. Au cours des 60 dernières années, les hommes comme les femmes ont gagné 14 ans d’espérance de vie en moyenne. Les dépenses de santé augmentent évidemment avec l’âge.
  3. Les progrès de la médecine génèrent des coûts sans cesse plus élevés. Les exemples pullulent, parmi les médicaments comme pour les technologies mises en œuvre.

 

Pour ces trois raisons que nul ne conteste, toutes choses égales par ailleurs, les dépenses de santé augmentent spontanément de 3,5% par an. Si on rembourse de la même façon, si on garde les structures hospitalières inchangées, si les pratiques continuent comme avant, l’évolution des dépenses de santé sera environ deux fois plus rapide que l’évolution de nos richesses (de notre PIB).

 

Depuis une dizaine d’année, tous les gouvernements ont donc pris des mesures d’économies pour contenir l’augmentation des dépenses de santé et l’aligner sur la croissance du PIB (franchises, génériques, suppressions de personnels, numérus clausus, limitation des prises en charges…). Les difficultés des patients et des personnels soignants trouvent ici en grande partie leur origine. En 10 ans, les dépenses de santé sont passées de 11,1% du PIB à 11,8%, soit une augmentation plutôt contenue. Mais une économie tout de même. Plus d'économie déstabilise le système.

 

Notre pays doit en fait réfléchir sur ces questions de façon responsable, scientifique et humaniste. Faire toujours plus d'économies, augmenter les cotisations, les impôts ou TVA, laisser le champ libre à l'assurance privée, il faudra faire des choix.

 

J'écrivais le post ci-dessus en aout dernier, eu égard aux mouvements sociaux des personnels soignants.

 

Au moment où certains s'interrogent (légitimement) sur le dimensionnement de notre système de soins face à la crise sanitaire due au Covid-19, ce propos reste d'une acuité brulante.

 

J'avoue que le Secrétaire d’État au Budget que j'ai été s'interroge souvent sur sa responsabilité personnelle dans le manque de capacité hospitalière qui semble se dessiner aujourd'hui...

 

La lecture d'un article du Monde qui dresse le portrait de Jérôme Salomon, l'actuel Directeur Général de la Santé est édifiante, même si la réalité ne rassure pas :

"Les chercheurs, les budgétaires de Bercy, lui-même (Jérôme Salomon) savent parfaitement que nombre d’épidémies antérieures n’ont pas été aussi terribles que prévu. Il peut les énoncer sans fin.

Dans les années 1990, les Britanniques avaient ainsi évalué à près de 200 000 le nombre de cas potentiels de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (la « vache folle ») de l’animal à l’homme. Pour finir, il y a eu moins de 200 cas dans le monde. En 2003, l’épidémie de SRAS, venue de Chine, n’a pratiquement pas eu d’effet en Europe.

L’épidémie de grippe A (H1N1), en 2009 ? La France en a surtout retenu l’achat par la ministre de la santé de l’époque, Roselyne Bachelot, de 94 millions de doses de vaccins pour 712 millions d’euros. Une politique de prévention trop précautionneuse (moins de 8 % des Français se sont fait vacciner), qui a valu à Mme Bachelot d’être non seulement moquée, mais aussi assignée en justice, épinglée par la Cour des Comptes et auditionnée par des commissions d’enquête parlementaires.

Le virus Ebola, qu’on imaginait déjà en 2013 déferler en France depuis les foyers d’immigrés africains, est resté confiné à l’Afrique anglophone. Et si le Covid-19 allait lui aussi rester cantonné à l’Asie et épargner l’Europe ?"

En matière d'économies budgétaires, rien n'est plus difficile que de "passer au tamis" les dépenses de santé. J'ai de multiples exemples en tête (appareils contre l'apnée du sommeil largement inutilisés, transports sanitaires souvent facilement remboursés,  médicaments anti-cancéreux hors de prix d'une efficacité très limitée....). Mais aucun argument financier ne sera audible par un proche du patient concerné !

La Cour des comptes, certains journalistes et quelques parlementaires influents sont souvent prompts à pointer l'inaction des Ministres et l'inflation des dépenses.... Mais la réduction d'un stock de masques dont l'utilisation était hautement improbable sera sans doute aujourd'hui dénoncée comme une imprévoyance majeure passible de poursuites pénales....

A l'heure où la croissance semble plombée lourdement (elle était déjà bien modeste avant la crise sanitaire), la place des dépenses de santé devra être l'objet d'un débat national profond. Au delà des poncifs faciles trop souvent répandus une fois que l'improbable se réalise.

 

 

 

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Peut-on débattre de tout ? Oui, mais pas n'importe comment....

20 Mars 2020 , Rédigé par Christian Eckert

Faut-il débattre en période de crise sanitaire ?

 

Le discours général consiste à prôner l’union nationale qui serait gage de force et de réussite plutôt que de relever des différences d’opinion qui ne seraient que source de fragilités et de faiblesses.

 

Avec quelques restrictions, ma préférence va vers le dialogue, voire la confrontation et l’échange :

 

  • Il ne faut pas pour autant disperser notre énergie : parler du passé et des causes profondes viendra en son temps. Passer des heures à ressasser l’impréparation, le désarmement des hôpitaux, le maintien des municipales, ou la communication hiératique des premières semaines est à ce stade inutile. Encore une fois le temps des analyses rétrospectives sera indispensable. Mais il est prématuré car il occulte les urgences et ne se passe pas avec le recul et la sérénité nécessaires.

 

  • Il ne faut pas non plus aborder tous les thèmes de front : La seule priorité doit être la préservation des vies humaines. Lui opposer la nécessité de sauver quelque peu la croissance économique ou de préserver quelque vertu budgétaire est une faute grave. La tentation de poursuivre plusieurs objectifs « en même temps » a été me semble-t-il, source des errements des premières semaines de cette crise.

 

  • Il ne faut pas enfin tenter de faire de cette situation un motif de remise en cause immédiate et radicale de nos représentants ou de nos institutions. Outre la modestie et l’humilité à manifester face à des situations complexes et inédites, chaque observateur doit accorder aux décideurs un minimum de confiance. Dans notre pays, les « autorités » en place sont légitimes, certes dans des circonstances variables, mais personne ne s’est imposé par la force. Et c’est un opposant farouche de la première heure au pouvoir actuel qui l’affirme.

 

Avec ces précautions, je crois à la vertu du dialogue sur la situation et les options qui s’offrent à nous :

 

  • Le débat est facilité par la rapidité et la richesse des nouvelles qui circulent. Bien sûr, il faut veiller à avoir la prudence qui convient – et c’est loin d’être une nouveauté – pour piocher et vérifier les informations disponibles. Mais la fluidité des échanges est avérée aussi dans le sens inverse : les remarques et informations de chacun peuvent résonner sur les réseaux et influer aussi sur les décisions du moment. Par exemple, le report de l’élection des maires décidé hier est sûrement beaucoup venu d’une mobilisation venue « d’en bas ».

 

  • Le débat est aussi une façon de fédérer. Lorsqu’une décision est « plaquée » sans possibilité d’en parler, d’en apprécier les points forts comme les fragilités, elle peine à s’imposer et à s’appliquer. Si la population ne peut du jour au lendemain se transformer en congrès d’épidémiologistes, elle peut pour autant trouver l’intelligence nécessaire à mieux comprendre les options possibles et accepter celle retenue. Avec pédagogie, humilité et en soulignant les difficultés à trancher, on peut faire partager des choix et même parfois justifier des « changements de pied ». Les exemples foisonnent : utilisation de la chloroquine, fermeture des frontières, durée et conditions du cloisonnement…

 

La maturité de notre peuple doit être aujourd’hui regardée à l’aune de sa capacité à vivre ensemble le dialogue qui peut parfois donner l’image du désordre et l’organisation rationnelle indispensable pour gérer la diversité de la situation.

 

Alors parlons, respectons et agissons avec à l’esprit ces quelques principes de bon sens.

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Elections municipales : ils n'ont pas tous gagné !

16 Mars 2020 , Rédigé par Christian Eckert

Beaucoup doivent se souvenir de l’émission de Jacques Martin, l’Ecole des fans, où régulièrement on proclamait vainqueurs tous les candidats sans exception !

 

Les lendemains d’élection ressemblent souvent à cela. Chacun souligne sa victoire…

 

J’aime beaucoup ces soirées là et les lundis matin qui suivent : j’y examine tous les résultats et la curiosité est grande pour moi car, avec le temps, je connais bien des territoires et souvent les protagonistes des joutes électorales.

 

J’ose ici porter un regard que j’essaie de garder impartial sur les résultats que j’ai scrutés depuis hier soir.

 

Dans ma ville, à Trieux, les résultats sont clairs. La liste que je soutenais a perdu, nettement. Prenons du temps pour en examiner les causes.

 

En Lorraine, mes amis socialistes résistent très bien. Localement, les sortants sont réélus (René Thiry, Daniel Matergia, Francis Herbays, Christian Lombard…). A Villerupt, la liste d’union que le PS a soutenue gagne (de justesse). A Longwy, Jean Marc Fournel fait un très bon premier tour. A Briey, la liste de Gauche est bien placée, mieux qu’attendu. A Thionville, Bertrand Mertz fait mieux que prévu et surtout, Nancy ouvre ses bras à Mathieu Klein, même si le second tour reste à faire. Quelques surprises renversent des bastions d’extrême gauche (Piennes et Longlaville).

 

Cette bonne tenue des sortants socialistes est vérifiée dans le pays : Paris, Nantes, Rennes, Dijon, Le Mans, Brest … Ceux qui nous disaient morts devront revoir leur diagnostic.

 

L’OPA de LREM échoue presque partout : Bordeaux, Marseille, Lyon, METZ, Montpellier… Edouard Philippe est empêtré au Havre et Liogier à Metz est laminé.

 

Souvent les verts sont en bonne position. A l’évidence le lien Verts-Gauche pourrait faire de belles victoires… Comme à Nancy et Metz par exemple.

 

La droite classique garde ses positions en général, et le RN les confirme sans en gagner d’autres.

 

En résumé : même si les clivages et les étiquettes se sont effacées avec Macron, on sent poindre un retour encore timide de différentiation éminemment politique. L’échec patent de LREM y contribue. Je m'en réjouis...

 

Je ne m’exprime pas sur l’hypothèse d’annulation du second tour. Les choses sont graves. Je ne veux pas polémiquer. Je dirais ce que j’en pense après l’épidémie… Si j’en réchappe !

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