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La finance au secours des migrants... Le Parlement osera-t-il en parler ?

30 Septembre 2019 , Rédigé par Christian Eckert

A l’approche d’un débat au Parlement sur l’immigration et après les déclarations du Président de la République sur ce sujet, il est important que chacun se positionne le plus clairement possible. Je le fais avec humilité parce que le sujet est inflammable, complexe et ne fait pas partie de mes interventions habituelles. Je le fais aussi avec le souci de construire et de proposer, tant il me semble que les postures faciles nuisent au débat.

Cinq axes doivent être travaillés

  • En premier lieu il ne faut pas oublier que si beaucoup de gens partent de chez eux, c’est souvent parce que leurs conditions de vie sont extrêmement difficiles. Certains sont certes victimes de persécutions politiques ou religieuses, mais beaucoup fuient la pauvreté et la famine. L’aide au développement reste donc un moyen de limiter les migrations en amont. Ces aides ont pâti ces dernières années des restrictions budgétaires, en France comme ailleurs, et doivent retrouver la vigueur et l’engagement nécessaires.

 

  • Dans cet esprit, le droit d’accueil et le droit d’asile doivent être différenciés. Si le droit d’asile reste intangible (quitte à formaliser mieux ses contours), le droit d’accueil ne saurait se confondre avec lui. Confondre droit d’asile et droit d’accueil fragiliserait notre tradition de faire du droit d’asile un principe républicain majeur.

 

  • Pour reconnaitre le droit d’asile, les instances administratives et judiciaires existantes mettent beaucoup de temps. Trop sans doute, même s’il faut mesurer la complexité de cette étape, eu égard entre autres aux droits de recours heureusement en vigueur. Se prolongent donc des situations transitoires, conduisant à l’installation durable de familles. Plus le séjour est long, plus le retour est rendu difficile et parfois humainement impossible. Il faut donc impérativement renforcer les services en moyens humains et matériels pour accélérer le rythme de traitement des dossiers.

 

  • Les flux internationaux doivent s’examiner de façon internationale, pour le moins européenne. Les « hot-spots », les « quotas », la gestion des frontières, la lutte contre les réseaux de passeurs… doivent faire l’objet d’accords et de maitrise internationale. Cela pose, comme toujours la question des financements et de la gouvernance sur ces sujets. On trouvera plus loin quelques éléments sur le financement.

 

 

  • En tout état de cause, la qualité de l’accueil, même temporaire, ne saurait être négligée comme c’est malheureusement trop souvent le cas. Les images données comme les « nuisances » ressenties sont amplifiées par l’absence d’une gestion coordonnée entre les villes, les associations et l’État. L’absence fréquente de discours assumés et responsables sur ces sujets entraîne surenchères, démagogie et populisme. En ce sens, un débat national peut, s’il est bien conduit, aider à effacer les antagonismes entre égoïsme et humanisme.

 

L’argent nécessaire à répondre à ces besoins qui se développent pour mille raisons (et les aléas climatiques devraient en fournir beaucoup d’autres) est évidemment présenté comme le premier obstacle à surmonter. Cet argument financier sera sans doute présent au Parlement.

Conçue initialement par ses promoteurs dans cet esprit, la taxe sur les transactions financières (TTF) doit être instaurée partout et donner les moyens de conduire une politique humaniste et crédible. Elle existe en (toute petite) partie dans certains pays. Elle fait l’objet de sempiternelles tergiversations en Europe, depuis si longtemps que plus personne ne croit à une issue prochaine.

En 2011, on évoquait un produit possible de 50 Milliards en Europe, mais son taux pourrait être ajusté en fonction des besoins. Les financements indispensables aux préconisations évoquées plus haut pourraient sans nul doute être couverts, en faisant par ailleurs appel au bon sens des milieux financiers : faute de faire preuve d'un humanisme qui ne leur est pas coutumier, ils pourraient réaliser que leur intérêt est d’éviter la déstabilisation de l’économie par des phénomènes qui pourraient vite devenir incontrôlables !

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"Ils veulent tuer la sécu" Interview dans Vivamagazine

25 Septembre 2019 , Rédigé par Christian Eckert

"Ils veulent tuer la sécu"      Interview dans Vivamagazine

Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 va être présenté par le gouvernement dans les prochains jours, il apparaît que les mesures d’urgence « Gilets jaunes » votées en décembre dernier ne vont pas être compensées par l’Etat à la Sécurité sociale. Une décision du gouvernement qui devrait conduire à un déficit de la Sécurité sociale en 2019 de plus de 5 milliards d’euros alors qu’on tablait sur des excédents de 100 millions d’euros il y a un an et sur un retour durable à l’équilibre après 18 ans de déficit. L’ancien secrétaire d’Etat chargé du Budget et des Comptes publics (2014-2017), Christian Eckert, condamne cette politique de non compensation des exonérations « qui fragilise notre système de protection sociale ». « On a l’impression que le gouvernement veut faire la preuve que le système n’est pas viable » avec comme objectif « d’orienter les Français vers les assurances privées ».

 

– Le gouvernement semble décidé à ce que l’Etat ne compense pas à la Sécurité sociale les mesures d’urgence dites « Gilets jaunes » votées fin décembre, soit 2,7 milliards d’euros. Comment analysez-vous cette politique ?

C’est une rupture inédite des principes et des pratiques qui se sont appliqués jusqu’à présent dans les relations entre l’Etat et la Sécurité sociale. Comme le principe de la compensation est rendu obligatoire par la loi Veil du 25 juillet 1994, je m’interroge sur la légalité de cette nouvelle méthode. Au point où nous en sommes, si les mesures d’urgence « Gilets jaunes » ne sont pas compensées, on risque d’atteindre un déficit de la Sécurité sociale de plus de 5 milliards d’euros.

Les mesures « Gilets jaunes » représentent 2,7 milliards d’euros : 1,2 milliards d’euros lié à l’avancement de septembre à janvier 2019 de l’exonération sociale des heures supplémentaires ; 1,5 milliard d’euros, correspondant à la baisse de 1,7% de la CSG des retraités gagnant moins de 2000 euros par mois. A ces 2,7 milliards d’euros, il faut ajouter la baisse du forfait social prévu par la loi Pacte de 800 millions d’euros.

Il faut rappeler que dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, pour la première fois, le gouvernement avait déjà décidé, en le théorisant, de ne pas compenser des allègements de charge à hauteur de 2,4 milliards d’euros. Ces non compensations qui creusent le déficit vont fragiliser un peu plus notre système de protection sociale. C’est pourquoi je me demande s’ils ne veulent pas tuer la Sécu.

– Quelle peut être, selon vous, l’explication d’une telle politique qui fragilise les comptes de la Sécurité sociale ?

On a l’impression que le gouvernement veut faire la preuve que le système n’est pas viable. Si le gouvernement supprime des recettes de la Sécurité sociale dès qu’elle revient à l’équilibre et la met ainsi dans le rouge, ce n’est pas la peine d’avoir fait polytechnique pour comprendre qu’ils veulent changer de système. Je suis persuadé que l’idée sous-jacente est d’orienter les Français vers les assurances privées pour compléter leur protection sociale solidaire. Car, si la Sécurité sociale voit son déficit se creuser à plus de 5 milliards d’euros en 2020, cela implique de nouvelles mesures d’économies en perspective qui vont venir réduire les prestations publiques de la protection sociale. Il devient alors naturel et nécessaire de se couvrir davantage par des assurances privées. Le gouvernement semble être dans cette idée simple de faire marcher le « business », ce qui est choquant en matière de protection sociale, en contradiction avec notre modèle solidaire.

Par ailleurs, il est évident qu’un contexte de déficit est évidemment beaucoup plus favorable pour faire passer la réforme des retraites voulue par le président de la République. C’est aussi plus facile de s’en prendre à l’Aide médicale d’Etat (AME) qui couvre la santé des sans-papiers, ce qui est proprement scandaleux car dans ce domaine il vaut mieux pêcher pas excès que par insuffisance, sachant que l’AME représente 0,5% des dépenses de santé.

– Croyez-vous possible un changement de système, tel que vous le décrivez, sans qu’il y ait un débat public ?

Il est vrai que cette politique est menée sans que personne ne soit vraiment au courant. C’est assez inquiétant. Le gouvernement ne joue pas cartes sur table et pourtant semble vouloir modifier le modèle social en profondeur.

Je le répète, ce changement de système ne se justifie aucunement. D’autant qu’à partir de 2024, la dette sociale sera apurée. Ce qui veut dire que le gouvernement se retrouvera à ce moment-là avec un apport de 24 milliards d’euros qui sera disponible tous les ans. Son financement est assuré par la CRDS de 0,5%, de la CSG et une ponction sur le Fonds de réserve des retraites. Une manne tout à fait exceptionnelle qui permettrait de financer la dépendance (5 milliards d’euros par an), mais aussi de donner des moyens à l’hôpital et aux Ehpad, et de faire une réforme des retraites qui ne diminue pas les pensions, donc qui ne nécessite pas de développer l’épargne retraite par capitalisation comme le veut le gouvernement.

Emmanuelle Heidsieck

Magasine VIVA

 

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Retraites : on ne nous dit pas tout !

8 Septembre 2019 , Rédigé par Christian Eckert

Le Gouvernement semble dans l’expectative sur le dossier des retraites. Quoi de plus normal : c’est un sujet d’une extrême complexité … Un jour un Ministre affirme vouloir faire vite avant qu’un autre n’annonce le report du projet de loi. Un jour le haut-commissaire parle d’âge pivot avant que le Président n’évoque la durée de cotisations. Un grand débat est annoncé, mais sa forme et sa durée semblent diviser nos dirigeants… La clause du Grand-Père est jetée par la porte un jour et revient par la fenêtre le lendemain...

Encore une fois, et sans mauvaise ironie, c’est assez logique compte tenu de la lourdeur de la question…

 

Ce qui me sépare du Gouvernement se situe en fait bien en amont du contenu de la réforme. A rebours des discours récurrents relayés par une presse économique le plus souvent porte-voix des réseaux libéraux, j’ose ici douter de la nécessité d’une réforme globale, certainement brutale et dont le caractère définitif et simplificateur sera bien improbable.

 

Ayons donc l’audace de prendre le contre-pied des sempiternels propos qui annoncent depuis un demi-siècle pour le lendemain l’effondrement de notre régime de retraites par répartition, assis sur la solidarité des générations, la mutualisation des risques et la volonté d’assurer à tous un socle minimal de revenus.

 

Aux oiseaux de mauvais augure qui ne savent que mettre en avant l’allongement de la durée de la vie et la baisse du rapport actif/retraité, il convient de souligner d’autres éléments dont personne ne parle et qui compensent pour le moins la non viabilité d’un dispositif que le monde entier regarde avec jalousie….

 

L’argument premier pourrait être politique, historique et presque philosophique : Notre système de retraites par répartition est issu du Conseil National de la Résistance. Il a été conçu alors même que le pays était en ruines, ce qui, malgré quelques difficultés, n’est tout de même pas le cas aujourd’hui ! Il a la vertu de mutualiser les ressources et de répartir avec un esprit solidaire les revenus. Il assure, malgré quelques insuffisances, la possibilité à chacun de remplacer plutôt plus généreusement qu’ailleurs dans le monde, ses revenus d’activité par des retraites assez bien calibrées. Mais ces arguments humanistes, sociaux et subjectifs, ne sont pas reconnus comme déterminants par les analystes dominant notre époque, à vrai dire plus des comptables ou revendiqués comme tels.

 

Mais même les comptables devraient souligner l’existence de plusieurs éléments favorables :

 

  1. Quand bien même les prévisions à 50 ans doivent être faites avec humilité (et cela vaut pour les optimistes comme pour les pessimistes), il est singulier d’observer ce que prévoient les experts de la Commission Européenne (pas les plus chauds partisans du maintien de notre régime de retraites) : « En 2070, la France consacrera 3,3 points de PIB de moins aux retraites qu'en 2016. ». L’excellent propos de Guillaume Duval dans Alternatives Economiques rappelle que les différentes réformes en cours de déploiement auront comme conséquence de réduire la part des dépenses de retraites dans la dépense publique. Cet article complet rappelle utilement les mesures prises par les uns et par les autres, et trace les perspectives des questions restant à régler. Toujours est-il que la prévision prévoit que toute chose égale par ailleurs, les retraites pèseront de moins en moins dans la dépense publique. Le niveau des revenus est en fait le vrai sujet.

 

  1. Il existe par ailleurs un autre élément qui doit être rappelé avec force : les Gouvernements successifs, en premier lieu celui de Lionel Jospin en 1999, ont créé et alimenté un Fonds de Réserve des Retraites (FRR). Celui-ci, fin 2018, disposait d’ACTIFS DE PLUS DE 32 MILLIARDS d’Euros. Même si quelques engagements pourraient diminuer un peu ce montant imposant, il représente une ressource bien réelle. En plus de ce premier pactole, la plupart des autres régimes de retraites, dont les complémentaires (Agirc-Arrco, CNAPVL …), possèdent également des réserves que le Conseil d’Orientation des Retraites évalue lui-même à PLUS DE 116 MILLIARDS d’Euros. On peut donc estimer à 150 Milliards au bas mot les réserves disponibles pour passer le cap des difficultés esquissées pour 2025. Mais là n’est pas encore le plus important :

 

  1. On nous a pendant des années répété un discours formaté qui consistait à assimiler sécurité sociale et déficit. Qui n’a pas en tête le fameux "Trou de la Sécu" ? Tout le monde a en tête que la Sécurité Sociale (qui inclut les retraites) est grevée d’une « dette abyssale ». C’est aujourd’hui largement faux et ce sera terminé fin 2023 ou au plus tard en 2024 ! A quelques bémols près, (voir mon post du 27 juin dernier), la Sécurité Sociale est aujourd’hui en équilibre ! Mieux, les Gouvernements successifs ont logé sa dette dans un organisme spécifique, la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale). Créée en 1996, la CADES aura reçu et remboursé toute la dette de la Sécurité Sociale au plus tard début 2024. Elle est essentiellement alimentée par la CRDS et une part de CSG, le tout pour 18 Milliards d’Euros annuels actuellement ! En 2024, la CADES n’aura plus de raison d’exister et 24 Milliards deviendront disponibles TOUS LES ANS. « Au total, c’est une somme de 24 milliards d’euros en valeur 2024 qui sera disponible dont 9 milliards au seul titre de la CRDS. Aucun gouvernement ne s’était trouvé historiquement à devoir arbitrer l’affectation d’une telle manne. » (Jean Louis Rey, Président de la CADES, décembre 2018). Même si certains ont, à juste titre, suggéré d’utiliser une partie de cette marge pour financer la dépendance des personnes âgées, la somme est énorme et mérite d’être intégrée à la réflexion.

 

Il ne faut pas pour autant croire que rien ne doit bouger et que toute réforme est superflue. Des inégalités perdurent, trop de cas socialement difficiles subsistent, la pénibilité de certains métiers est insuffisamment prise en compte et les inégalités hommes-femmes sont encore inacceptables.

 

Pour autant, le discours exigeant le Grand Soir du régime actuel au motif qu’il ne serait pas viable est une tromperie ! La mise en place brutale d’un système par points fondé sur l’individualisme ambiant est évidemment un pas vers l’assurance privée dont rêvent les libéraux au pouvoir. Par le dialogue, la négociation, des modifications doivent intervenir. Mais la répartition, la solidarité des générations et la couverture minimale universelle pour chacun sont les principes qui doivent perdurer. Même d’un point de vue purement comptable, c’est largement possible.

 

 

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