Les 20 Milliards de CICE étaient sans contreparties... Et maintenant ?
Le C.I.C.E a été l’outil utilisé à partir de 2013 par les Gouvernements de François Hollande pour soutenir l’économie et l’emploi qui en avaient alors grand besoin. Beaucoup ont regretté que cette aide aux entreprises ne soit pas soumise à des « contreparties » :
D’aucuns auraient voulu que le CICE soit réservé à des secteurs d’activité précis. D’autres que les entreprises qui licencient en soient privées. Certains qu’elle ne soit accordée qu’en échange de « verdissement » de l’activité industrielle… Bien des conditions ont été évoquées : niveau minimum des salaires, plafonnement des dividendes versés, exigences de formation, limitation des hauts revenus… Autant de critères respectables…
Le choix du Gouvernement de l’époque a été d’attribuer cette aide sous forme d’un Crédit d’impôts, calculé en pourcentage des salaires inférieurs à 2.5 SMIC. TOUTES les entreprises soumises à l’Impôt sur les sociétés y avaient donc droit en vertu du sacro-saint principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt.
L’avantage (énorme parce que l’Etat était impécunieux) était de reporter d’un an pour l’Etat le manque à gagner (s’agissant d’un impôt payé après l’exercice). Un autre était d’éviter le labyrinthe de règlementation et la complexité souvent reprochés à nos lois.
L’inconvénient était « d’arroser » trop large : Auchan, La Poste, Bridgestone… ne sont que quelques exemples qui posent à l’évidence question.
Des études diverses ont tenté de trier parmi les emplois créés ou préservés ceux que l’on doit au CICE. En quatre ans, la France a enregistré une augmentation d’emploi d’un peu moins d’un Million. Qu’en aurait-il été sans le CICE ? Moins, c’est certain. Mais combien ?
Pour l’Etat, le CICE c’était 20 Milliards… PAR AN… d’impôts sur les sociétés perçus en moins !!! C’était beaucoup…
Le Président Macron et sa majorité ont donc rapidement supprimé le CICE… Enfin… Pas vraiment… Ou plutôt… Ils l’ont réformé… Ou plutôt… Ils l’ont remplacé… Sans bruit, sans trop en parler…
Ils ont fait… LA BASCULE :
Au lieu de percevoir 20 Milliards par an de moins d’impôts sur TOUTES les sociétés, calculés sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC, ils ont réduit les cotisations sociales de 20 Milliards sur TOUS les salaires pour toutes les entreprises.
Cela ne change rien en volume, mais cela modifie un peu la répartition (en favorisant au passage les banques et les grandes entreprises…). Au lieu de 20 Milliards de moins de recettes pour l’Etat, c’est 20 Milliards de moins de recettes directes pour la Sécu… Une façon de la présenter encore plus fragile, même si, au bas de la colonne, pour le déficit public cela revient au même.
Pire encore, en 2019, l’Etat a subi la perte de recettes deux fois… 20 Milliards du CICE accordé sur l’exercice 2018 pour l’Etat et 20 Milliards de cotisations sociales qui devaient être payées au fil de l’eau à la Sécu… Soit 40 Milliards en tout !!!
Autant le CICE (20 Milliards par an), bien que bénéficiant à toutes les entreprises, était vilipendé pour manque de contreparties… Autant les nouvelles réductions de cotisations sociales (20 Milliards par an), bénéficiant aussi à toutes les entreprises, ne sont jamais l’objet de critiques.
Tout le monde parle du CICE versé à Bridgestone jusqu’en 2019. Personne ne parle de l’allègement de ses cotisations sociales depuis plus d’un an et de façon pérenne (pour le même montant) …
Comme quoi la communication, ça compte parfois plus que le fond. Les critiques des 20 Milliards du CICE version Hollande fleurissent encore régulièrement… Les 20 Milliards d’allègements de cotisations version Macron qui les remplacent sans plus de contreparties sont complètement ignorées. Sauf sans doute par ceux qui en bénéficient.
2 minutes pour 225 Millions de fraude, c'est beaucoup ?
Ayant longtemps enseigné les mathématiques, j’ai une familiarité avec les nombres autre que celle du français moyen. Je n’en tire aucune gloire. D’autres ont des compétences très supérieures aux miennes dans bien des domaines et c’est heureux ! Mais je rêve parfois d’un monde où les gens auraient la capacité de mieux manier les nombres, de mieux compter, de relativiser leur taille. Cela leur éviterait de se laisser berner par des effets d’annonce, de commettre des fautes de jugement et, pire encore, de prendre de mauvaises décisions.
J’ai souvent eu l’occasion de le mesurer. Même dans les assemblées d’élus, y compris à l’Assemblée Nationale, voire au sein du Gouvernement ! Je pourrais raconter de nombreuses anecdotes justifiant ce constat. Laissons-les pour un prochain livre…
Si j’évoque ce sujet, c’est après avoir regardé le 20h sur France 2. J’y ai vu un long reportage à la gloire du Gouvernement « qui a réussi à débusquer 225 Millions de fraude au chômage partiel ». La moitié aurait même déjà été encaissée. Le Ministère a embauché 40 contrôleurs supplémentaires, et l’un d’entre eux décrit à l’écran les indices qui éveillent les soupçons. C’est un peu maladroit car un fraudeur téléspectateur saura comment être moins repérable après le reportage. Mais là n’est pas le sujet du jour.
Racoler le téléspectateur en titrant sur « 225 Millions de fraude au chômage partiel repérés » est facile. Les téléspectateurs du 20 heures ayant manipulé dans leur vie ne serait-ce que le centième de cette somme sont rarissimes ! L’effet est garanti, le message passe : le Ministère du travail a montré son efficacité en récupérant un énorme magot. Alléluia !
J’ai en mémoire que le coût du chômage partiel est de l’ordre de 30 Milliards (l’État oublie d’ailleurs de préciser que le coût est partagé entre lui et l’UNEDIC…). Ce qui veut dire que la fraude repérée représente en fait 0,75 % de la dépense. Je devrais dire qu’elle ne représente QUE 0,75 % de la dépense.
C’est en fait ridiculement peu. Un chiffre aussi faible ferait pâlir d'envie les contrôleurs du fisc, de l'assurance maladie, des douanes, de l'URSSAF...
Quelle conclusion en tirer ? C’est difficile : confronté à ce dilemme lorsque j’étais un de locataires de Bercy, chaque fois que nous publiions les résultats des contrôles et des redressements (en matière fiscale ou douanière par exemple), les commentaires allaient bon train : certains voyaient dans des redressements élevés le signe que la fraude avait augmenté. D’autres en déduisaient que les contrôles avaient été plus efficaces !
Concernant le sujet du jour et le chômage partiel, je pense que le dispositif était indispensable, pour ne pas dire vital. Ce Gouvernement, pour lequel je n’ai aucune sympathie, a eu raison de l’utiliser massivement et le Président Sarkozy aurait dû faire de même en 2008. Si moins de 1% d’abus ont été commis, c’est très peu.
Et ne mérite pas 2 mn au journal du soir. Le 20 h. aurait peut être pu consacrer un peu de temps à un reportage sur la 5 G et les amishs.
Verdir les roses et rosir les verts... Pour toucher large...
Le rapprochement entre socialistes et écologistes est aujourd’hui nécessaire. Il ne sera pas facile. Il imposera des efforts de part et d’autre.
Le regretté Michel Dinet (entre autre ancien Président socialiste du Conseil Général de Meurthe et Moselle) que certains lecteurs ont bien connu avait un étrange sens mathématique. L’agrégé de maths que je suis l'avait pourtant pris comme modèle : « nous allons prouver que 1+1 n’est pas égal à 2, mais que la bonne réponse est que 1+1 fait plus que 2 ! ».
Au passage, je me dois de rappeler une autre métaphore que « le Michel » (on dit comme ça chez nous…) affectionnait. Il la plaçait dans les discours qu’il avait généreux autant que lui l’était ! L’arithmétique et la géométrie prenaient une forme nouvelle avec sa devise : « ils sont mille, nous sommes 2, nous allons les encercler ! ».
Michel Dinet nous manque et nous manquent surtout sa vision territoriale, sa notion des « pays » et sa volonté d’innover en s’appuyant sur les racines.
Pour en revenir au sujet des travaux d’approche entre socialistes et écologistes, j’ai été sensible à une réflexion d’une camarade conseillère départementale entendue dans une table ronde à Blois il y a une quinzaine de jour. Elle contestait l’explication couramment avancée du vote vert dans les métropoles par la présence plus forte des bobos et des intellos. Pour cette camarade, l’explication était différente : elle citait un certain nombre de sujets pour lesquels, même avec des marges de progrès, les besoins des habitants des métropoles étaient assez bien satisfaits : couverture téléphonique sans fil, haut débit internet, présence médicale, désenclavement routier, transports collectifs, accessibilité aux services publics, offre scolaire… Loin des grandes villes, il en va tout autrement : les aspirations des habitants visent à obtenir les réponses à ces besoins devenus aujourd’hui essentiels comme l’avaient été jadis le déploiement de l’eau courante, des chemins de fer, de l’électricité ou encore des autoroutes.
Les métropolitains, l’esprit libéré de ces préoccupations élémentaires ont évidemment tout loisir d’orienter leur vote en fonction d’objectifs plus éloignés comme la préservation de la planète ou la lutte contre le réchauffement climatique. Ces thématiques sont par contre peu mobilisatrices pour celles et ceux qui, au quotidien, vivent mal le sentiment d’être exclus d'une modernité synonyme de confort qui leur est refusée.
Faire ce constat conforte l’idée qu’écologie et socialisme réunis peuvent « en même temps » répondre aux deux préoccupations. C’est pourquoi les écologistes doivent introduire dans leur projet de société des éléments de politique sociale et économique qui à l’heure actuelle semblent embryonnaires. A l’inverse, les idées sociales-libérales qui ont circulé au sein du PS doivent être abandonnées et le projet socialiste encore davantage verdi.
C’est à ces seules conditions que 1+1 fera plus que 2… Et lorsque nous serons plus que deux, il sera plus facile d'encercler un groupe de mille.
Les socialistes doivent éviter l'entre-soi...
J’ai été à Blois au milieu des socialistes pendant quelques jours. J’avoue avoir passé un bon moment. Nous étions nombreux. Il y avait beaucoup de jeunes. J’y ai revu beaucoup d’anciens collègues. Pas seulement pour parler de l’ancien temps, mais aussi pour se demander comment refonder notre mouvement, préserver nos valeurs et porter les idées de solidarité, d’humanisme, de partage, sans pour autant nier les réalités du monde, de l’économie et du progrès.
Le parti socialiste se porte mieux : les opportunistes sont partis à LREM. A la soupe… D’autres, chafouins, ne viennent plus. Ils hésitent à revenir, préférant sans doute ne rien changer et ne pas corriger les erreurs de la dernière décennie. Finalement, ne restent que les bons ! Les purs, les besogneux, les humbles, les convaincus… S’y greffent, plus que je ne l’imaginais, des jeunes qui trouveront sans doute mieux leur place suite aux vides laissés par les déserteurs.
J’ai été séduit par quelques nouvelles personnalités qui ont émergé aux dernières municipales. Au premier rang de celles-ci, le Maire de Montpellier, Michaël Delafosse. Quel bonheur, quel enthousiasme, quel merveilleux mélange de hauteur de vue et de proximité ! Et des nouveaux élus de cette trempe, j’en ai croisé quelques-uns. Cela promet…
Les débats ont été dominés par les questions environnementales. A la fois dans leurs dimensions fondamentales, heureusement ; mais aussi sur la manière de sa rapprocher des écolos pur-jus… Les proximités me semblent fortes et j’espère que l’intelligence de tous permettra de trouver les stratégies à mener et les formes d’alliances indispensables.
Mais une fois de retour dans ma Lorraine profonde, l’inquiétude me gagne à nouveau et pour une raison principalement. Nos partis, et particulièrement le Parti Socialiste, réfléchissent, débattent, phosphorent, le plus souvent de remarquable façon. J’ai passé trois jours à évoquer avec passion avantages et inconvénients du productivisme, de l’hydrogène, de la 6° République, des impôts de production, des pouvoirs des élites, de l’indépendance des magistrats, de la politique de la BCE, des néonicotinoïdes, du fédéralisme en Europe, des GAFA...
J’ai aimé le faire avec mes camarades aussi avides que moi de partager, d’apprendre, de confronter et de trouver les solutions…
Mais ces échanges se sont faits dans un entre-soi qui a fini par m’indisposer… Je me suis demandé sur la route du retour comment nos discours seraient entendus au café de mon village ? Comment à la sortie de l’école, les parents pourraient se saisir de nos propositions ? Comment les ouvriers lorrains fraichement licenciés (et il y a eu des quantités bien avant la COVID…) pourraient entendre les discours appelant sinon à la décroissance, du moins à une production plus modeste ?
Même si cela m’était déjà arrivé dans le passé, j’ai mesuré en revenant de Blois, avec force et effroi, la distance entre nos échanges académiques et les pensées des gens « ordinaires ». Non pas que la théorie et les idées ne vaudraient pas la peine d’être brassées. La pensée et le progrès humains en sont les conséquences. Non pas que la normalité des personnes serait une tare et mériterait le mépris. La force du nombre et l’égalité absolue sont le socle de la démocratie.
Nos partis (mais plus largement nos élites) doivent reprendre langue avec les gens. Le langage doit s’adapter. Les élus doivent utiliser des mots à la portée de tous. La techno-langue, la novlangue, la langue de bois doivent être bannies. Nous devons nous appuyer sur les réseaux sociaux, nouveaux axes d’échanges entre les personnes. La pédagogie doit être notre fil rouge. La pédagogie qui montre, qui explique, qui éveille la curiosité. Pas la pédagogie brutale et prétentieuse, qui impose et qui affirme. L'avoir oublié est sans doute une des causes de notre échec.
Réapprendre à parler avec tout le monde sera sans doute une clé de la réussite des prochaines échéances.
Conditionnalité, sélectivité, les oubliés du plan de relance...
Conditionnalité et sélectivité des aides aux entreprises… Voilà un débat qui prospère, même s’il a un parfum de déjà-vu que j’ai bien connu.
Pour être honnête, il faut éviter les discours simplistes qui ignorent les deux grands principes qui encadrent l’intervention de l’Etat au profit des entreprises.
Le premier concerne l’Europe : je dois ici – quitte à me fâcher avec quelques lecteurs – rappeler la règle de la « concurrence libre et non faussée ». Ce principe a été imposé dans l’Union Européenne par les forces libérales. Celles-ci se trouvent aujourd’hui tel « l’arroseur arrosé » en pleine contradiction : lorsqu’elles appellent la puissance publique au secours face à la crise, elles sollicitent les aides qu’elles voulaient limiter pour laisser le marché et la concurrence agir sans contrainte ! Déroger à ces règles communautaires ne sera certainement pas très difficile : en quelques jours la sacro-sainte « règle des 3% » réputée jusque-là intangible a été levée face à la crise sanitaire. Nul doute que les mêmes raisons conduiront les Européens à fermer les yeux sur les plafonds des aides économiques face à la crise économique qui suit la crise sanitaire.
Le second est plus difficile à contourner, d’autant que les outils mis en œuvre par le Gouvernement dans le plan de relance ne facilitent pas la sélectivité ou la conditionnalité des aides. Pour des raisons comptables, le Gouvernement utilise principalement le levier fiscal. Suppression, réductions ou crédits d’impôts remplacent les aides directes. Or notre constitution a – fort heureusement- sacralisé « l’égalité devant l’impôt ». De ce fait, les constitutionnalistes estiment que toute forme de diminution de l’impôt doit satisfaire à ce même principe d’égalité. Ainsi, par exemple, accorder une réduction d’impôts à une entreprise industrielle considérée comme « vertueuse » sans faire de même pour la « grande distribution » que l’on estime moins contrainte a toutes les chances d’être annulé par les garants de la constitution. De la même façon, réserver une réduction de l’impôt aux seules entreprises qui s’interdiraient de licencier semble inconstitutionnel.
Beaucoup rappellent que le CICE créé fin 2012 pour soutenir l’emploi et l’activité avait ce même défaut. C’est entièrement vrai, et les Gouvernements de François Hollande ont refusé de conditionner l’octroi du CICE pour respecter ce principe d’égalité, tout en trouvant d’autres compensations qu’il serait trop long de détailler ici. Mais si le CICE a alors été choisi pour relancer l’économie, c’est parce qu’il permettait un report d’une année de dépense pour l’Etat sans le même décalage pour les entreprises (voir sur ce lien le détail des explications). Alors que les déficits de 2019 étaient bien inférieurs à ceux de 2012 et dès lors que la règle des 3% a sauté, l’intérêt du levier fiscal disparait et ne reste plus que la difficulté d’imposer conditionnalité et sélectivité.
Pour ces raisons, il semble que l’Etat aurait pu formater ses aides d’autre façon. Accorder 20 Milliards de réduction des impôts dits « de production » ne permet en rien d’instituer des incitations à être vertueux en matière sociale ou environnementale. Tout le monde en bénéficiera, même celles et ceux qui n’en ont aucun besoin, même celles et ceux qui n’ont pas souffert de la crise, même celles et ceux qui licencieront, même celles et ceux qui servent plus généreusement leurs actionnaires que leurs salariés…
Par contre, l’Etat aurait pu mettre en place des aides directes : des subventions auraient pu n’être accordées qu’en échange d’engagements formels à respecter des règles éthiques. Rien n’empêche l’Etat d’aider une entreprise sous réserve d’inscrire dans une convention l’obligation de verdir ses pratiques, d’améliorer sa politique sociale, d’augmenter ses investissements, de renforcer la formation de ses salariés, de mieux les intéresser aux résultats…
De même, des prises de participation auraient pu (pour les grandes entreprises) accorder des pouvoirs à l’Etat actionnaire, garant de politiques respectueuses de sa ligne politique. Outre le retour sur investissement possible et souhaitable, la présence de représentants publics dans la gouvernance des entreprises soutenues par le budget du pays leur imposerait une gestion respectueuse de l’intérêt général souvent oublié au profit de l’intérêt particulier.
La relance post crise sanitaire est indispensable. Certains la trouve tardive ou mal calibrée. Ça se discute… Mais cette relance aurait surtout pu prendre d’autres formes, capables de réorienter l’économie vers des pratiques plus vertueuses. Une occasion manquée qui relègue l'Etat au rôle de tiroir-caisse...
Les deux Milliards qui rachètent le plan de relance
Parler du plan de relance et le décortiquer était ma première tentation. C’est pour moi un exercice alléchant : ayant pendant 3 ans appartenu au Gouvernement de notre pays, qui plus est depuis le 5° étage de Bercy, je connais assez bien les ficelles des équipes pour formater les annonces, les rendre impressionnantes pour l’opinion et leur assurer un retentissement médiatique.
C’est ainsi que les avances, les reports ou les prêts sont bien vite assimilés à des dépenses, que les crédits déjà engagés sont recyclés en programmes nouveaux et qu’on oublie de dire que ce plan de 100 Milliards est un fait étalé sur deux années. 100 Milliards d’un bloc, c’est bien plus vendeur que 50 Milliards pendant deux ans !
J’aurais pu pointer une à une les entourloupes destinées à habiller les choses. J’aurais eu quelques facilités à le faire car je dois confesser ici qu’il m’est arrivé de m’y adonner : lorsque j’étais en responsabilité, la rareté des crédits disponibles me donnait trop souvent un (mauvais) prétexte pour transformer quelque peu certains programmes indigents en projets d’apparence solide et prometteuse…
Le plan de 100 Milliards détaillé ces jours-ci n’échappe pas à ces critiques. Mais pour une fois, j’y trouve une décision vertueuse et fondamentale. Deux Milliards de ce plan sont pour moi essentiels et me font pardonner toutes les manipulations comptables mises au service de la com…
L’environnement, l’écologie, la transition énergétique sont aujourd’hui au cœur de bien des réflexions… et tant mieux. Si ces débats doivent nourrir tous les programmes politiques, les décisions des exécutifs et les comportements de chacun, ils ne doivent pas occulter les questions sociales, économiques ou sociétales. Mais reconnaissons que l’interdiction des pailles en plastiques ou les tergiversations sur la chasse à la glu ne sont pas à hauteur des enjeux climatiques engageant l’avenir de la planète.
Dans ce contexte, la question des énergies fossiles, de leur lien avec les mobilités et plus largement le sujet des véhicules sont fondamentaux. Pour avoir suivi des études scientifiques et un peu réfléchi à ces questions, je sais que l’utilisation de l’hydrogène constitue une grande partie de la réponse à nos interrogations. L’hydrogène permet de stocker et de transporter l’électricité, qu’elle soit verte ou grise… L’équilibre économique de son usage n’est pas encore atteint et les recherches sur les moyens de production restent à développer. Chercher, expérimenter, industrialiser, produire, rentabiliser sont des défis majeurs qui s’offrent à tous à propos de l’hydrogène. En France, en Europe et dans le Monde. La voiture électrique classique est « plombée » par ses batteries. La plupart des véhicules (y compris les trains et les bateaux) devraient pouvoir fonctionner à l’hydrogène. Celle-ci pourra à terme être produite à partir d’énergies vertes.
Celles et ceux qui me connaissent et me suivent m’ont depuis longtemps entendu plaider pour un « airbus européen de l’hydrogène ». J’ai soutenu un beau projet expérimental de mon territoire sur le triptyque éolien/hydrogène/véhicule.
Je suis donc très satisfait de voir que le plan de relance consacre 2 Milliards au développement de la filière hydrogène. En d’autre temps, on ne parlait de ce secteur qu’en Millions… J’espère AUSSI que la France saura mutualiser ses efforts avec l’Allemagne qui s’engage aussi. Cette orientation concrète ouvre la voie à une vision positive des sujets environnementaux. Il reste évidemment beaucoup de chemin à parcourir. Mais quand le Gouvernement actuel fait autre chose que des fautes ou de la communication, il faut le dire et l’encourager…