Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Retraites : le fond et la forme sur un dossier majeur pour la vie des gens

26 Septembre 2022 , Rédigé par Christian Eckert

La réforme des retraites revient dans l’actualité. Le Président se prévaut d’avoir reçu, par son élection, un blanc-seing pour conduire une réforme.

Il oublie de rappeler le flou et les revirements qu’il a lui-même opérés sur ce dossier (âge de départ fluctuant, retraite par points et système « universel » …).

Plus grave encore, il a radicalement changé son discours : il répétait avec ses affidés que la réforme s’imposait pour que survivent les retraites. Contredit par les faits et les projections, il brode aujourd’hui sur un nouveau thème : reculer l’âge de la retraite serait la seule façon de permettre la hausse des budgets de l’éducation, de la sécurité, de la transition énergétique… C’est nouveau : rogner les dépenses sociales financerait le budget de l’État en diminuant les impôts la plupart du temps au bénéfice des plus aisés (ISF, flat-tax, CVAE des grosses entreprises, fin de taxe d’habitation…).

Il est vrai qu’un bon indicateur est la part de la richesse nationale (PIB) consacrée aux retraites. Elle était de 13.8% en 2021. Avec une croissance similaire à celle des dernières années, après une petite hausse éphémère, elle descendrait mécaniquement dans la durée, même en l’absence de réforme !

Le Conseil d’Orientation de Retraites (COR) en fait le constat ainsi que le montre le graphique reproduit ci-dessous (4 simulations pour 4 hypothèses de croissance) :

            

 

Il n’y a donc aucune urgence à toucher aux droits des salariés sinon pour faire de curieux transferts entre l’État et la Sécurité sociale.

Le timing qui pourrait se décider en introduisant un amendement dans le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) ne s’impose donc pas, d’autant que ce projet cache à mon sens un autre dessein, tout aussi grave : Tout projet de loi gouvernemental doit faire l’objet d’un avis du Conseil d’État et d’une étude d’impact. On se souvient que le pitoyable projet de réforme dit « Delevoye », abandonné au prétexte de COVID, avait fait l’objet de réserves d’une rare sévérité, soulignant entre-autre l’indigence de l’étude d’impact.

Il se trouve que les amendements du Gouvernement, pas plus que ceux des parlementaires, ne sont soumis à l’obligation de l’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État. Si le Gouvernement choisissait de procéder par amendement, on aurait donc une réforme non concertée faute de temps, sans avis de la plus haute juridiction du pays, ne donnant pas d’informations complètes sur ses effets, qui plus est sans doute adoptée grâce au 49-3.

Saisi sur cette procédure baroque, le Conseil Constitutionnel pourrait-il considérer que le Gouvernement abuse du droit d’amendement et y voir un détournement de procédure ? On peut malheureusement en douter au vu des précédent arrêts de cette autorité.

Il ne restera comme ultime voie de recours que celle d’un nouveau mouvement populaire…

Pour éviter toute méprise et toute accusation d’immobilisme, je reconnais le besoin de se pencher sur certains aspects du système actuel :

  • Même si le niveau moyen des retraites d’aujourd’hui reste à un niveau correct, il existe des situations insupportables pour les plus « petites » retraites. Ce niveau plancher doit être relevé, quitte à prendre quelques dispositions sur les retraites élevées ou sur le plafonnement des cotisations des hauts revenus.

 

  • Les simulations « à règles constantes » montrent que le niveau moyen des retraites pourrait baisser. C’est sans doute par les cotisations que l’on pourrait éviter cela, en veillant à ce que les exonérations de cotisation décidées par l’Etat soient compensées, ce qui ne se fait plus depuis le passage de Monsieur Darmanin au Ministère des comptes publics.

 

  • Le taux de réversion au conjoint des pensions des personnes décédées est très inégal suivant les régimes (de 0 à 100%, soumis au pas à plafonnement…). L’existence de régimes particuliers peut se discuter en fonction de l’histoire, de la nature des professions, de la pénibilité du travail ou de la particularité des carrières. Mais la problématique du « conjoint survivant » est la même pour tous. Une harmonisation progressive sur une situation médiane me parait souhaitable.

 

La complexité du sujet des retraites est très grande, sa sensibilité sur la vie de nos concitoyens l’est aussi ! Comment un Gouvernement se targuant d’écoute et de concertation pourrait-il prétendre traiter la question avec les travers décrits plus haut ? Que l’on ne s’étonne plus du rejet du « politique » et des votes « défouloirs » si, entre autres grâce aux moyens modernes, on ne pratique pas sur un tel dossier la pédagogie, la transparence et le choix démocratique. Avec volonté certes, mais avec respect et humilité aussi.

Lire la suite

Travailleurs frontaliers franco-luxembourgeois, comment serez vous imposés ?

10 Septembre 2022 , Rédigé par Christian Eckert

Plus de 120 000 lorrains travaillent au Luxembourg et ce phénomène agite périodiquement la classe politique.

Il y a diverses positions, c’est bien normal :

Certains réclament qu’une partie des impôts payés par les frontaliers sur leurs revenus (versés au Grand-Duché) soient reversée à la France (curieusement aux communes). D’autres acceptent le fait que, comme on le fait majoritairement dans le monde entier, l’impôt soit payé dans le pays d’où vient le revenu.

Concernant les cotisations et les prestations sociales, les frontaliers les payent et les perçoivent au Grand-Duché. Cela n’est curieusement guère remis en cause, car cela favorise les frontaliers. Pour autant deux anomalies majeures existent : les cotisations chômage bénéficient au Luxembourg alors que les prestations sont versées par la France. D’autre part, une cotisation « dépendance » est prélevée pour le Luxembourg alors que c’est sur la France que pèse la prise en charge.

Ces questions ont peu progressé dans les dernières années, et j’avoue m’y être cassé les dents moi-même.

Récemment, il a été question des journées de télétravail, de leur plafonnement, du traitement fiscal des salaires de ces jours-là et de l’impact sur le régime social de rattachement des télétravailleurs : le cabinet du ministre de l’Économie Bruno Le Maire aurait réuni en visioconférence les parlementaires lorrains pour leur présenter les pistes que le gouvernement va défendre en matière de télétravail lors des négociations avec le Luxembourg.

L’imposition des jours de télétravail n’aura guère d’influence sur les impôts des frontaliers : le niveau de l’impôt est peu différent d’un pays à l’autre. Outre les questions techniques du paiement, c’est sur les pays que les effets se feront sentir, pas sur les gens.

C’est différent sur les questions de protection sociale. Au Luxembourg, les cotisations sont bien plus faibles et les prestations bien plus élevées. Appartenir à un régime plutôt qu’à l’autre est essentiel pour les salariés.

La récente communication sur ce dossier, notamment de la députée « Renaissance » Isabelle Rauch, est pour le moins surprenante. Elle se dit être confiante sur un accord concernant le télétravail, tant mieux...mais aucun des autres sujets n’est évoqué.

Outre les thèmes cités plus haut (partage de l’impôt entre les pays, cotisation et prestation chômage, assurance dépendance), personne n’a oublié les péripéties de l’épisode inédit des avenants à la dernière convention fiscale. Des dizaines de milliers de foyers avaient parfois vu leurs impôts très sensiblement augmenter, malgré le déni des parlementaires qui avaient soutenu et applaudi ces modifications sans en connaître les effets. Un moratoire de deux ans a été décidé sans vote du Parlement. Mais qu’en est-il des impôts sur les revenus de 2022 (nous sommes en septembre) ?

J’ai peine à croire qu’une visioconférence avec le cabinet du Ministre à trois mois de la fin de l’année fiscale n’ait pas évoqué ce point ! Exceptée la députée thionvilloise, les autres parlementaires issus de secteurs où la proportion de travailleurs frontaliers est très forte, ne se sont pas exprimés... Il reste pourtant peu de temps avant la fin du report unilatéral de la France de l’application de la convention et de l’avenant fiscal qu’elle a ratifiés par deux fois.

Pour que la confiance entre les gens et leurs élus cesse de s’effondrer, il serait bon de parler, y compris des sujets qui fâchent : Décider des conditions et du développement du télétravail doit se faire, mais il est encore plus important d’éviter les pataquès des années précédentes. Trancher la question du calcul des impôts des couples ayant des revenus issus des deux pays est urgent. Emmanuel Macron et sa majorité avaient décidé d’y toucher. Ils ont reporté de deux ans l’application de leur propre choix. Ils s’expriment avec emphase sur le télétravail, mais ne disent pas un mot sur ce sujet fiscal majeur qui reste devant nous. Cela ne peut être un oubli.

Lire la suite

Cazeneuve, les idées et les personnes...

4 Septembre 2022 , Rédigé par Christian Eckert

J’ai signé le manifeste de Bernard Cazeneuve. Je lis bien des commentaires de toute nature, parfois excessifs dans leurs reproches comme dans leurs louanges. Je veux livrer ici quelques explications.

Je ne l’ai pas signé pour des questions de personnes : Bernard, comme nombre des premiers signataires qui l’accompagnent, a une histoire personnelle et un passé collectif. Avec des insuffisances, des réussites, des ombres et des lumières. Je crois les connaitre assez bien pour avoir moi aussi été parlementaire, membre du Gouvernement, avoir été longtemps membre du PS et l’ayant assez récemment quitté. Mais Bernard a sans conteste la stature d’un homme d’Etat. Répéter en boucle qu’il porte la tare d’avoir été Premier Ministre de Hollande est bien réducteur et ne saurait condamner celui qui est sorti le moins abimé de cette période trop vite assimilée à un échec total. Les travers des politiques Macron devraient d’ailleurs relativiser ces jugements excessifs. Condamner un texte en raison de la présence de tel ou tel signataire dont on n'apprécie pas la présence est évidemment une faute intellectuelle.

Je l’ai signé aussi parce que Bernard Cazeneuve n’a aucun penchant pour rejoindre la majorité réunie autour de Macron. Si les expressions de Bernard Cazeneuve ont été peu nombreuses, c’était à chaque fois pour souligner les erreurs de Macron et pas pour le soutenir. Les opportunistes venus du PS qui ont sauté le pas vers Macron l'ont fait depuis longtemps et ce vivier est maintenant tari.

Je l’ai signé encore pour les idées développées dans le manifeste. Mettre en tête de gondole la question de l’Education et celle des inégalités est pour moi essentiel. Avoir sur l’Ecologie un discours raisonnable qui s’appuie sur la science plus que sur les dogmes est fondamental. Insister sur le rôle de l’Etat est primordial. Et je n’ai rien à redire au contenu de ce texte qui n’est certes pas un catalogue de propositions radicales, mais qui donne les axes des principes d’une politique de gauche raisonnée.

Je l’ai de plus signé parce que je ne partage pas la méthode de l’actuelle opposition de gauche (NUPES) où le PS s’est fondu dans un rassemblement hétéroclite où le buzz, la radicalité voire l’outrance sont devenus la marque de fabrique. Les verts les plus actifs comme les insoumis les plus expressifs donnent des images de la politique que je ne partage pas. Je doute que ces comportements puissent un jour être majoritaires dans notre pays. J’ai donc peur que le Rassemblement National ne devienne l’opposition à Macron la plus structurée.

Je l’ai donc signé pour proposer une alternative à Macron, clairement de Gauche, humaniste et républicaine. Celles et ceux qui ont tiré les leçons des insuffisances du PS en gardant leurs valeurs ne sauraient être condamnés à finir dans l’impasse où certains veulent les conduire, parfois pour sauvegarder des postes, parfois pour poursuivre des chimères.

Chacun peut consulter le manifeste et le signer en ligne grâce au lien ci-dessous :

https://lemanifeste.notion.site/Manifeste-pour-une-gauche-sociale-d-mocrate-r-publicaine-humaniste-et-cologique-d9cdf86b9e714e6487a13dfab5bd252e

Lire la suite

Inflation et salaires, un couple indissociable !

3 Septembre 2022 , Rédigé par Christian Eckert

Le Gouvernement et les médias communiquent souvent sur le type de tableau ci-dessous en se glorifiant du fait que l'inflation, en France, reste inférieure à celle constatée dans la plupart des autres pays.

Le constat est vrai. Il résulte entre partie des boucliers tarifaires mis en place, aux frais de l'Etat parfois ou de quelques entreprises notamment EDF.

Pour autant, ce "cocorico" permanent est complètement déplacé et mériterait une attention bien plus grande :

Le pouvoir d'achat des français est certes affecté proportionnellement à l'inflation, mais cet impact est aussi dépendant de l'évolution des salaires ! Si en pourcentage, les salaires suivent la même évolution que les prix, le pouvoir d'achat reste exactement le même ! Et c'est là que les propos triomphalistes de certains gouvernants (je pense notamment à Bruno Le Maire) mériteraient une forte dose d'humilité : si la France a effectivement un des plus bas taux d'inflation d'Europe et du monde, le pouvoir d'achat en France y baisse plus que chez beaucoup de ses voisins. D'autres ont choisi d'augmenter les salaires pour amortir les hausses de prix. Parfois même plus fortement que l'inflation ! Le tableau ci-dessous est révélateur :

On y apprend que le REVENU REEL des ménages en France connait une forte baisse, largement supérieure à celle d'autres pays.

On a coutume de dire : "On peut faire dire n'importe quoi aux chiffres". Je n'y crois pas du tout. Et décortiquer les chiffres (mais aussi écouter les français exprimer leur ressenti) permet souvent d'y voir plus clair...

Lire la suite