Monnaie de singe...
en Md€ |
Exécution 2017 |
Prévision 2018 |
Prévision 2019 |
TICPE brute totale |
30,5 |
33,8 |
37,7 |
Source : Voies et moyens, Tome 1, Annexe au projet de loi de finance 2019, page 38
Le Gouvernement raconte depuis décembre 2018 une fable que la presse ne cherche même pas à analyser : Ainsi, en décembre 2018, le Président annonçait qu’il « rendait du pouvoir d’achat aux français en annulant la hausse des taxes sur les carburants prévue début 2019 ». Et tous, alors, la bouche en cœur, parlent de 4 Milliards redonnés aux français…
Ce genre d’entourloupe, docilement reprise par une presse mi-complaisante et mi-incompétente, est caractéristique de la méthode des communicants… Car… Quelle est la vérité ? :
Le Président (comme le montre le tableau ci-dessus extrait des documents budgétaires) prévoyait de prélever 4 Milliards de plus de TICPE à compter de janvier 2019 (en fait 3.9 Milliards). Il y a renoncé, sous la pression des gilets jaunes, fin 2018. Il prétend donc rendre de l’argent qu’il n’a pas encore pris….
Il aurait pu dire fièrement : « Je renonce à vous ponctionner 4 Milliards de plus sur les carburants même si je l’avais prévu … ».
Depuis, tout le monde parle des 10 Milliards redonnés aux français… En incluant les 4 Milliards jamais redonnés parce que pas encore pris !
Ces falsifications de la vérité expliquent en partie l’incompréhension des gens et leur manque de confiance envers celui qui les dirige. Il leur dit : « Je vous rends 4 Milliards… ». Les français ne le voient pas, puisqu’en fait ils ont seulement échappé à un prélèvement supplémentaire. Leur situation est simplement identique… Alors qu’on leur dit : soyez contents, je vous ai redonné 4 Milliards….
Monnaie de singe, mais seulement pour les ânes !
Défiscaliser les dons pour Notre Dame n’a pas beaucoup de sens et présente des inconvénients.
Défiscaliser les dons pour Notre Dame n’a pas beaucoup de sens et présente des inconvénients.
Rappelons d’abord quelques faits peu contestables :
- L’État, propriétaire du bâtiment, est son propre assureur. C’est un choix assumé, qui a traversé le temps et les différents Gouvernements. Les entreprises souscrivent des assurances pour leurs chantiers. La presse indique que les risques couverts ici seraient plafonnés à de faibles montants, et gageons de toutes façons que les responsabilités vont être difficiles à identifier.
- L’État estime que la rénovation de la cathédrale est une priorité. C’est peu contesté et je partage cette position. C’est une élément clé de notre patrimoine et un facteur d’attractivité majeur. Sa « fonction » religieuse n’est pas négligeable, mais cet aspect ne justifie pas à lui seul le caractère prioritaire de la réfection.
- A ce stade, les délais et les montants restent inconnus. Différentes options sont possibles, pour le choix des matériaux, des techniques et de l’architecture. Ces débats divisent les spécialistes dont je ne fais pas partie. Cela me semble normal et finira par être arbitré après je l’espère un travail d’analyse le plus objectif possible.
L’État ayant décidé et déclaré avec force qu’il souhaitait vite reconstruire, il n’est pas anormal qu’il sollicite la générosité de tous. Il aura de toutes les façons à payer la dépense, avec l’argent des contribuables de toute nature. Tous les dons réduiront la charge collective à inscrire dans les dépenses du budget de l’État.
Par contre, pourquoi défiscaliser ces dons ?
Imaginons un don de 100 Euros défiscalisé à 75%. En dépensant ces 100 Euros pour les travaux, l’État en encaissera 100 venus du donateur et celui-ci en déduira 75 de ses impôts. Le bilan est simple : les 100 euros de travaux auront été payés par 75 venus de L’État et 25 du donateur. En fait, c’est exactement comme si le donateur avait donné 25 Euros sans avantage fiscal….
Quels sont les inconvénients ?
Imaginons que la générosité conduise à collecter dès 2019 la somme de 2 Milliards d’Euros défiscalisés à 75%. Dès le budget de 2020 il manquera de fait 1.5 Milliard de recettes par le biais des réductions d’impôts… Je doute que 2 Milliards soient dépensés dès 2020. La dépense pourra sans aucun doute être étalée…. On m’objectera que la défiscalisation ne sera pas toujours demandée… Alors pourquoi la prévoir ? Une question risque d'ailleurs de se poser si le montant des dons était supérieur au coût de l'opération.
Il faut aussi se souvenir que, sauf modification législative, l’avantage fiscal est une réduction (et non un crédit) d’impôts. Une réduction d’impôts se déduit des impôts à payer et ne profite donc qu’à ceux qui sont imposables. Un crédit d’impôt vient de même en déduction des impôts de ceux qui en paient, mais est en outre payé à ceux qui ne sont pas imposables. Les foyers non imposables n’auront donc ici droit à aucun avantage fiscal, contrairement aux autres… Le foyer non imposable qui fera un don de 30 Euros sera en fait plus généreux que le foyer imposable qui donnera 100 Euros. Allez comprendre…
Pourquoi cette défiscalisation n’est pas semblable aux autres ?
Lorsque l’État accorde une réduction ou un crédit d’impôt pour les restos du cœur, des emplois à domicile etc… , ce crédit d’impôt incite à verser au profit d’actions menés par d'autres que lui. En fait l’État abonde, AU PROFIT D'UN TIERS, les sommes consacrées à une action qu'il veut encourager. Prenons l’exemple des restos : un donateur de 100 Euros se verra remboursé de 75 par L’État. Le bilan sera qu’en réalité, les restos auront reçu 100, 25 du donateur et 75 de L’État. En fait, L’État subventionne les restos du triple des dons qu'ils reçoivent. D'où l'intérêt… Sur l’exemple de Notre Dame, l’État se subventionne lui-même…. Je n'y vois donc aucun intérêt.
Bien sûr, les dons pour cette indispensable reconstruction sont bienvenus et allègeront d'autant la charge publique. Mais les défiscaliser n'a aucun intérêt et présente quelques inconvénients.
Dire la vérité : un boulot de dingue !
Financer la dépendance : des réponses existent, sans faire travailler plus et sans nouveaux impôts !
Peu habitué de dire du bien de ce Gouvernement, je vais m’y risquer pour une fois : le Gouvernement a raison de préparer une politique globale et cohérente sur la dépendance.
D’autres s’y sont risqués, mais ont souvent accouché de textes finalement modestes, rattrapés par l’absence de marges budgétaires ou d’autres contraintes fortes, notamment le besoin de renforcer les dépenses liées à la sécurité face au terrorisme.
Le sujet du vieillissement présente bien des aspects : Les familles se retrouvent face au choix cornélien entre le défi du maintien à domicile ou l’hébergement collectif souvent contraint. Elles pourraient être mises à contribution sur l'héritage ou bénéficier d'une prise en charge intégrale sans contrepartie. Elles pourraient être contraintes, en fonction de la capacité contributive de chacun, individuellement ou familialement, de participer aux dépenses… Autant de questions qui trouveront hors des clivages traditionnels, des réponses forgées à la lumière d’expériences personnelles de proches concernés.
Je m’en tiendrai donc à ce que je connais le moins mal : l’aspect financier. On débattra bien sûr comme toujours sur les montants à mobiliser, mais les analystes recensent des besoins qui avoisinent 10 Milliards d’Euros supplémentaires à horizon 2030. Pour autant, l’urgence devient palpable. Notre société ne peut continuer à laisser les siens finir leur vie dans des conditions trop souvent inhumaines.
Pourquoi alors tergiverser et ne pas tout de suite prévoir d’utiliser les moyens qui seront disponibles à horizon 2024 : même si nos concitoyens l’ignorent le plus souvent, la fameuse dette de la Sécurité Sociale aura été effacée à cette date, voire avant. La Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (la CADES) où elle a été logée, pourra disparaître et les recettes qui l’alimentaient deviendront disponibles.
Aujourd’hui, la CADES est alimentée par le produit de la CRDS (0.5% des revenus soit environ 9 Milliards), par une fraction de CSG (0.6% soit autour de 7 Milliards) et un versement annuel du Fonds de Réserve des Retraites (2.1 Milliards d’Euros). Soit environ 18 Milliards par an !
La prudence commande de ne jamais dépenser l’argent que l’on n’a pas encore. Mais les disponibilités que laissera la fin de la CADES sont largement supérieures aux besoins recensés. Il est donc possible et même souhaitable d’engager sans plus tarder des programmes d’investissement et de formation dans le secteur de la dépendance. Si nécessaire, on pourrait rallonger quelque peu la durée de vie de la CADES pour disposer démarrer immédiatement ce chantier.
Pourquoi entretenir le flou sur cette possibilité, pourquoi parler d’augmenter la durée de cotisation pour la retraite, pourquoi suggérer de travailler plus sous prétexte de financer la dépendance ?
Au besoin, il serait même possible de faire cotiser à la CASA les travailleurs indépendants (bizarrement exonérés) ou encore d'élargir cette cotisation sur les revenus du capital, largement servis par la mise en place de la flat-tax !
Le Gouvernement pourrait, pour une fois, faire l’unanimité sur un dossier et montrer un visage humain qu’on ne lui attribue plus guère.