Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Entendre la rue, ce n'est pas renoncer...

25 Novembre 2018 , Rédigé par Christian Eckert

Le tweet ci-dessous a provoqué des réactions du clan des macroniens :

 

D'après eux, je mettrais de l’huile sur le feu et oublierais mes responsabilités. Cela mérite quelques réponses.

Disons tout d’abord que ces propos relatent des faits avérés, et que Monsieur de Rugy n’a pas semblé dévier de ce projet. Ce matin même, la presse indique que l’Elysée envisage de créer un Haut-Conseil, mais pas de revenir sur les hausses de taxes.

On me fait remarquer aussi que la taxe carbone (ou Contribution Climat Énergie) a été créée par le Gouvernement de Jean Marc Ayrault en 2014, et que je suis entré au Gouvernement juste à ce moment. C’est vrai… Avoir créé une taxe carbone est une bonne chose et je suis prêt y compris à le revendiquer. Mais cela ne m’enlève pas le droit, cela me donne même le devoir, de commenter, critiquer ou contester ce que la majorité actuelle en fait !

A ce propos, les choses sont assez simples, mais nécessitent un peu d’archéologie législative :

Après sa création dans la loi de finances initiale 2014, cette taxe a vu sa trajectoire pluriannuelle fixée dans la loi de transition énergétique du 17 aout 2015. Secrétaire d’État en charge du Budget à l’époque, je n’étais pas favorable à fixer cette progression dans un texte législatif qui n’était pas une loi de finances. J’avais de plus, conscience des évolutions imprévisibles des autres composantes du prix des carburants (prix du brut) et conscience du ras le bol fiscal que nous avions du mal à contenir… Je n’ai pas été entendu, essentiellement par les députés de la majorité de l’époque, verts en tête.

Il faut aussi savoir que, même si une loi fixe le prix du carbone pour plusieurs années, seule la loi de finances, tous les ans, a compétence pour fixer le niveau des taxes. Ce qu’une loi a fait, une autre loi peut évidemment le défaire…

Ce que le clan des macroniens oublie de dire, c’est que la loi de finances initiale pour 2018, portée par Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, votée fin 2017 par les fraichement élus députés  « playmobils », a substantiellement durci la trajectoire de la taxe carbone, comme le montre le graphique reproduit ici :

 

On voit bien l’effet des décisions de la nouvelle majorité (en bleu clair). On sait aussi que la suppression de l’ISF, la mise en place de la flat-tax pour les dividendes et les revenus du capital, agrémentées de quelques autres cadeaux fiscaux pour les gros revenus, ont nécessité des nouvelles recettes pour les remplacer. L’acceptabilité des efforts exige pour le moins une juste répartition !

Faire converger le prix du gazole et celui de l’essence, j’y étais, y suis et y serai favorable… Mais pourquoi commencer par augmenter les taxes sur l’essence ?

Agir pour l’environnement est un objectif partagé. Mais le rythme et la méthode sont à débattre. Le sujet est complexe, a des aspects scientifiques, financiers, sociaux, sociétaux… Mais il me semble que le débat devrait précéder les décisions et qu’en la matière, les certitudes sont prétentieuses.

Pour avoir une chance de se réconcilier avec le peuple, Macron devrait repousser au moins d’un semestre la hausse des taxes prévue début 2019. Il peut le faire rapidement au Parlement et trouver le milliard « perdu » pour ne pas compromettre la trajectoire budgétaire. Il peut alors envisager six mois de débat et refaire une loi de finances pour que les inégalités criantes qu’il a exacerbées et amplifiées depuis son arrivée soient contenues. Sinon, je crains le pire, pour lui et notre vie démocratique.

Lire la suite

Le Président est nu… Il l’a voulu… C’est pas perdu…

19 Novembre 2018 , Rédigé par Christian Eckert

 

Je fais partie de l’ancien monde. J’ai été député socialiste, donc membre de la majorité du Président Hollande. J’ai même été pendant 3 ans membre de son Gouvernement. Je fais partie de celles et ceux que les électeurs ont « dégagé » sévèrement en juin 2017.

Cela appelle à beaucoup d’humilité. Cela ne condamne pas pour autant au silence !

Cela ne veut pas dire que toute prise de position est guidée par l’amertume ou la soif de revanche. Pour ce qui me concerne, le plus probable est qu’à l’avenir je ne sois plus candidat à exercer un mandat électif.

Cela ne m’empêchera pas d’être adhérent et militant actif du parti politique auquel j’ai adhéré depuis bientôt 40 ans de ma vie.

 

J’ai depuis longtemps considéré qu’Emmanuel Macron était dangereux pour le pays. Je l’ai dit à ceux qui voulaient bien m’écouter, l’ai écrit y compris dans un livre publié en mai 2018 et ne cesse de m’exprimer en ce sens partout où je peux le faire.

 

Si j’ai cette conviction, c’est parce que j’ai fréquenté le personnage et mesuré son caractère, ses idées et ses ambitions. Il n’a rien d’un homme de gauche, n’a pas d’expérience de l’exercice d’une fonction élective et a … plutôt une haute opinion de lui-même… Pour lui, l’intérêt général consiste à nourrir le plus d’intérêts particuliers possible. Pour autant, il est Président élu régulièrement.

 

Mais le plus inquiétant est de constater aujourd’hui la gravité de la situation de notre pays. L’élection du Président Macron s’est surtout faite pour éviter l’arrivée de Marine Le Pen. On pourra disserter pendant des années sur la responsabilité des socialistes, de François Hollande, de Benoit Hamon, des frondeurs, de François Fillon, d’Alain Juppé, des choix aux primaires… Cela ne changera rien.

 

L’erreur d’Emmanuel Macron n’est pas d’avoir utilisé voire créé les circonstances pour se faire élire. C’est assez naturel et beaucoup auraient fait pareil !

 

Là où il faut lui en vouloir, c’est d’avoir, une fois élu, méthodiquement démoli toutes celles et tout ceux qui ne lui ont pas fait aveuglément allégeance. C’est d’avoir accrédité l’idée qu’avant lui tout était nul et qu’avec lui tout serait merveilleux.

 

Syndicats, partis politiques, personnalités, tout y est passé. Bien sûr ces structures ne sont pas exemptes de responsabilités dans leur naufrage, mais la vie publique française n’était pas le fait que d’escrocs, de menteurs et d’incapables. Des milliers de femmes et d’hommes, élus, représentants, acteurs publics, ont cherché dans le débat des solutions pour le progrès d’un pays certes imparfait, un peu sclérosé voire vieillissant, mais représentant encore des valeurs mondialement reconnues fondées sur l’humanisme et le respect mutuel.

 

Mais le macronisme n’a eu de cesse que de dire et répéter que la transformation radicale du pays, faisant fi de tout dialogue, tirant sa légitimité d’une élection où les personnes ont plus pesé que les projets, était l’apanage exclusive des nouveaux réseaux (pas toujours si neufs) ralliés au à un Président Jupitérien assumant sa verticalité.

 

La vérité et l’intelligence du pays met à mal cette prétention excessive et destructrice :

 

  • Les réformes n’ont pas forcément d’effets par leur seule existence et leur nombre, mais surtout par les améliorations qu’elles dessinent et leur acceptation partagée. La verticalité n’est en ce sens pas la meilleure des garanties.
  • Les efforts demandés ne sont pas supportés lorsque l’égalité, l’éthique et la justice sont bafoués. Supprimer l’ISF, exonérer (ou presque) d’impôts les dividendes, en durcissant la taxation des retraités et des automobilistes est forcément vécu comme une provocation.
  • Prétendre que la colère est entendue et légitime, mais que le cap fixé ne peut être infléchi alors même qu’aucun dialogue n’a eu lieu et que les arguments sont un jour budgétaires, un jour économiques et un jour écologiques ne peut qu’entrainer la rébellion.

Mais le danger vient aussi de la solitude de ce Président. Il est à la tête d’un parti fantôme, avec des adhérents virtuels, des députés novices, peu ou pas d’élus locaux, des premières défections, des lobbies auxquels il est redevable.

 

L’inorganisation des oppositions a été pour lui une chance et l’a fait régner seul en maître. Elle devient un danger car le manque de structuration du mouvement des gilets jaunes peut déraper à tout moment en une jacquerie moderne inédite. Dans les conflits, l’absence d’interlocuteurs est toujours un frein aux sorties de crise.

 

Il lui reste une solution : changer vraiment. Il peut repousser de quelques mois, au moins provisoirement les hausses de taxes sur tous les carburants prévues début 2019 dans la loi de finances en cours de discussion au Parlement. Il doit « en même temps » organiser un vrai débat sur la fiscalité, l’environnement, la chronologie et le timing des réformes pour aboutir mi 2019 à une nouvelle loi de finances mieux partagée. L’occasion doit être saisie pour faire vivre dans notre pays la réflexion sur l’énergie, l’électricité, l’hydrogène, les transports et l’aménagement des territoires.

La vraie humilité n’est pas de reconnaitre ses erreurs, elle consiste à les réparer.

Lire la suite