Ristournes au candidat Macron : Une commission bienveillante traitée avec bienveillance...
Toucher à la Prime d'activité : une faute grave qui fait le contraire de l'objectif annoncé !
Le Ministre des comptes publics, qui semble avoir une calculatrice à la place du cœur voire du cerveau, a récemment voulu préciser quelles aides sociales allaient être supprimées, pour tenir compte du regain d’activité dans le pays. Bruno Le Maire et lui peinent à l’évidence à se comprendre et à être précis.
D’abord, il convient de dire que lorsque les emplois se développent, de façon assez mécanique, le nombre de personnes éligibles aux aides sociales diminue. En conséquence, l’État réalise alors de façon automatique des économies. Mais celles et ceux qui restent à l’écart, sont justement les plus éloignés de l’emploi et les plus dépendants des soutiens publics. Prétendre justifier les réductions de prestations sociales au motif de l’amélioration de l’emploi est donc un non-sens.
De plus, le même sinistre Gérald Darmanin affirme que les aides sociales seraient des « trappes à inactivité ». Admettons que le risque existe, et constatons qu’il a été pris en compte : Le Gouvernement de François Hollande a créé la « Prime d’activité », justement dans l’objectif d’éviter cela : reprendre une activité salariée et perdre les prestations sociales pouvait représenter un faible gain. Les reprises d’activité générant un revenu modeste sont donc encouragés par cette prime dégressive qui tient compte des paramètres du foyer.
Un Gouvernement qui voudrait s’attaquer à la prime d’activité au motif qu’il veut éviter que les aides sociales soient une trappe à inactivité ferait ainsi le contraire de ce qu’il affiche. Il ferait plaisir aux populistes et aux comptables, mais accroitrait les inégalités dans le pays en dissuadant à la reprise d'activité.
Trop d'aides sociales en France ! Darmanin et Le Maire se dévoilent honteusement.
Gérald Darmanin, à la suite de Bruno Le Maire, a déclaré : "il y a trop d'aides sociales en France".
Pour réponse, j'offre à tout le monde gratuitement ci-dessous la lecture du chapitre 5 de mon livre "Un Ministre ne devrait pas dire ça" (Robert Laffont, 19€) :
Charly et Mandela
« Nous ne sommes pas là pour répondre aux besoins des hordes migratoires… »
« La France est en déficit et les crédits de l’aide médicale d’État (AME) explosent pour soigner les sans papiers… »
« L’assistanat ruine le pays… »
Parfois, les débats à l’Assemblée nationale s’apparentent presque à ceux d’un congrès du Front national (FN).
Le 5 décembre 2013, je suis rapporteur du Budget. Une journée de débats budgétaires s’ouvre à l’Assemblée nationale. C’est le moment de la Discussion générale (DG). Les orateurs inscrits viennent réciter tour à tour, dans un ordre préétabli, des textes assez ressemblants et convenus. Ils arrivent un peu avant leur heure de passage, déclament devant un hémicycle peu garni, et repartent assez vite, contents de nourrir leur blog d’une vidéo qui montre un orateur actif et pugnace en évitant de filmer les bancs dégarnis…
L’opposition de droite a choisi son thème du jour. Les uns après les autres, ils fustigent l’augmentation des dépenses de l’AME. Ces crédits, autour d’un milliard, sont ceux consacrés aux soins des personnes non couvertes par l’assurance maladie, françaises ou étrangères, en situation régulière ou pas. Le déficit de notre pays est à cette époque de près de cent milliards par an. Au passage, les membres de l’opposition critiquent les surcoûts de l’hébergement d’urgence – on est en hiver ! –, ou du RSA… L’assistanat devient la cause de tous les maux, la solidarité et l’humanité ne sont pas des concepts budgétaires.
Survient une information venue de l’autre bout du monde : Nelson Mandela vient de mourir ! Je l’apprends sur mon Smartphone, et découvre les unes après les autres, les réactions de tout bord qui témoignent de leur « tristesse, admiration et compassion, pour ce grand défenseur des pauvres, exemple de générosité, d’engagement et d’abnégation… ».
En confrontant les discours scandaleux de la droite tenus à la tribune au concert de « larmes » à propos de la mort de Nelson Mandela, efficacement relayées par les médias, provenant le plus souvent des mêmes parlementaires, le dégoût me prend. Rapidement, je livre mes sentiments sur mon blog.
Réduire les dépenses de santé pour mieux pleurer Mandela
« Nelson Mandela est mort. Le monde pleure sa mort, son peuple chante sa vie.
Je suis maire depuis 1987 d’une petite commune de Lorraine, au cœur du pays des mines de fer. Il y a un peu plus de cinquante ans, malgré l’occupation durant 79 jours du fond de la mine par les mineurs licenciés, l’exploitation a été fermée, provoquant la ruine sociale de la ville et de ses habitants. Les cités minières à l’image des corons du Nord sont à l’abandon. La rue la plus dégradée, la rue d’Alsace, héberge dans des minuscules appartements des familles très pauvres pendant de longues années.
Dans les années 90, y vit un couple des plus modestes. Le père, Charly, travaille dur pour un salaire de misère. Je le côtoie dans le vieux bistrot de la grand-mère de ma femme, où il aime venir se réchauffer et boire un ou deux canons, parfois même un peu plus.... Ses deux garçons vont à l’école du village avec mes filles. Tout le monde s’émerveille de leur politesse, leur sérieux et leur propreté, contrastant avec la pauvreté de la famille.
Une dizaine d’années plus tard, l’épouse de Charly me demande un rendez-vous en mairie autour du 20 décembre. Elle arrive, manifestement gênée, s’excuse trois fois de me déranger, et finit par me confier qu’elle attend l’arrivée d’un de ses fils, militaire, pour sa permission de Noël et qu’elle n’a pas le moindre sou pour garnir la table familiale durant les fêtes. L’autre garçon l’a promue grand-mère d’une petite fille, et la famille aimerait réveillonner comme tout le monde… Je la rassure, lui délivre un bon d’achat d’alimentation du Centre communal d’action sociale.
Au passage, elle m’avoue qu’elle est un peu souffrante et n’a même plus le moindre sou pour acheter ses médicaments, « pour la circulation du sang ». Je la dispute un peu : notre département, administré par mon ami Michel Dinet, est alors un des seuls en France à avoir mis en place à titre expérimental, ce qui deviendra plus tard la Couverture maladie universelle (CMU). Je lui recommande de venir voir notre assistante sociale rapidement, pour faire le dossier, et qu’elle n’aura alors plus à avancer l’argent pour se soigner.
Elle me quitte ainsi, son bon alimentaire soigneusement plié entre les mains, non sans avoir redit ses regrets d’avoir osé déranger « Monsieur le Maire » pour si peu…
Elle n’est jamais revenue voir l’assistante sociale… Le lendemain du réveillon, le commandant des pompiers de ma ville, m’appelle pour m’informer que, la nuit précédente, les pompiers sont allés rue d’Alsace d’urgence. L’épouse de Charly était morte brutalement, sa petite fille dans les bras, la nuit du réveillon : "La circulation du sang"… sans les médicaments…
Cet affreux conte de Noël illustre ce qui me pousse à faire de la politique et à être viscéralement de gauche. Pour moi, sauver cette femme doit faire partie de notre mission d’élu. C’est une priorité. C’est même la priorité.
En ces temps de débat budgétaire, j’ai entendu presque tous les députés de droite dénoncer les dérapages financiers de l’aide médicale d’État, des crédits de l’hébergement d’urgence ou encore les travers du RSA… Pensez donc : ces pauvres, pas toujours français, parfois même en situation irrégulière, venus chez nous en risquant de se noyer, profitent des soins gratuits ou presque, offerts par un pays qui peine à rester la cinquième puissance industrielle du monde…
Les mêmes me reprochent d’abaisser à 700 000 euros – vous avez bien lu – le seuil à partir duquel on pourrait utiliser un tout petit peu moins facilement les conditions fiscales hyper-avantageuses des placements sur une assurance vie…
Les mêmes, j’en ai honte pour eux, vont se bousculer devant les caméras pour vanter les qualités exceptionnelles de Nelson Mandela.
Toute la journée, ces députés qui stigmatisent les « dépenses de guichet », vont se battre pour défendre les niches fiscales, dont Charly n’a pas plus connu l’existence que celle de la CMU qui aurait peut-être permis à son épouse de voir grandir sa petite fille. Mais ils passeront pour faire acte de repentance par la salle des quatre colonnes, exprimer leur admiration "sans limite" de l’action "sensationnelle" de Madiba !
Je ne dirai rien sur Nelson Mandela. J’assumerai toute la journée dans l'hémicycle désert, l’augmentation des crédits de l’AME et de l’hébergement d’urgence, tout comme le plafonnement des niches fiscales. En hommage à Nelson Mandela et à la famille de Charly. »
De Rugy et Dussopt, la République en berne
Ce billet a largement été repris par les médias et fait l’objet de retours positifs. Les commendataires les plus élogieux ont été signés par François de Rugy et Olivier Dussopt.
À l’époque, ils n’étaient que simples députés… et encore de gauche. Ils sont aujourd’hui respectivement président de l’Assemblée nationale et secrétaire d’État. Ils ont clairement fait allégeance au président Macron.
Avec leur ami et collègue ministre de l’Intérieur Gérard Colomb – lui aussi un ancien socialiste… –, ils soutiennent en 2018 des décrets concernant les réfugiés qui auraient provoqué la colère de Nelson Mandela. Ils trient les migrants dans des centres d’hébergement d’urgence, rabotent les aides au logement tout en supprimant l’impôt sur la fortune (ISF). Ils mettent également fin aux contrats aidés qui concourent à l’insertion des plus démunis. J’aimerais qu’ils aient un peu de mémoire. Et, pour tout dire, de dignité.
Certes, les femmes et les hommes politiques doivent garder une certaine distance par rapport aux drames de la vie. Mais cette effroyable histoire connue en période de Noël m’aura marqué à vie. L’irréversibilité de la mort autorise qu’en matière d’aide médicale ou sociale, avec rigueur et discernement, le « péché » par excès soit incontestablement préférable au défaut de mise en œuvre.
Lorsque j’entends stigmatisées les aises sociales et le slogan d’« assistanat » revenir à tour de bras, je pense souvent à cette pauvre famille endeuillée à jamais en période de fêtes. Si quelques-uns parfois abusent de notre protection sociale, nombreux sont les exemples de personnes qui ne l’utilisent pas. Par erreur, par ignorance, mais aussi souvent par pudeur, certains ne font pas valoir leurs droits et en paient le prix. Celles et ceux qui prétendent agir dans une République solidaire ne doivent jamais l’oublier.
« La droite vit avec la misère, et la voit comme une fatalité. La gauche vit aussi avec elle, mais ne n’y soumet pas. »
Au début, je trouvais cette citation de Françoise Sagan séduisante. Et puis, à force d’y réfléchir, je m’interroge. Qu’est-ce que ça peut signifier de ne pas se soumettre à la misère, ou, pour utiliser un vocable plus moderne, à la « nouvelle pauvreté » ? C’est s’attaquer à ceux qui la fabriquent. Ils sont identifiables. Cette « nouvelle pauvreté », en France, à la veille d’élections, apparaît comme la conséquence de ces phénomènes de mondialisation financière, ou plus exactement la conséquence de la démission du politique devant la finance. Le politique a pour mission de la contrôler. C’est même sa mission essentielle. La première victime du financier est l’économique. Puis le politique. Puis le citoyen. Le premier complice du prédateur financier reste le politique.
Ai-je moi aussi été complice ?
Aider plus les entreprises ou aider plus les entrepreneurs : un vrai choix politique
Mon esprit cartésien (peut être trop ?) m’a souvent conduit à bien différencier les entreprises et les entrepreneurs. On me dira qu’il n’y a pas d’entreprises sans entrepreneurs, et c’est vrai ! Ce à quoi il est facile de répondre qu’il n’y a pas d’entreprises (sauf les très petites structures) sans salariés. De même, l’entreprise a besoin pour se développer d’un environnement le plus souvent assumé par les « pouvoirs publics » pour les réseaux (routiers ou fluides), la formation et les infrastructures communes à la vie des entreprises…
De façon schématique, l’entreprise s’appuie donc essentiellement sur ces trois composantes : l’actionnariat (appelé souvent investisseur ou entrepreneur), les salariés et l’Etat (auquel s’adjoignent souvent les collectivités locales).
L’entreprise est une personne morale et en a les avantages et les contraintes : elle a sa propre comptabilité, peut emprunter, paie l’impôt, est responsable juridiquement de ses actes…
L’entrepreneur, le plus souvent actionnaire, ne peut mélanger ses finances personnelles avec celles de l’entreprise, même quand il est seul à la posséder. La confusion des dépenses de l’individu actionnaire avec celles de la société est une faute pénale appelée abus de bien social.
Ce (long) préambule pour en venir à mon propos du jour : aider l’entreprise et aider l’entrepreneur, sont deux choses bien différentes.
Aider l’entreprise est chose normale et courante pour la « puissance publique ». Les objectifs sont nobles : générer de l’emploi, créer des richesses, en retirer des recettes fiscales, par exemple via l’impôt sur les bénéfices des sociétés ou la TVA , ces mêmes recettes servant à créer les bonnes conditions pour bien accompagner l’environnement économique. Ce cercle vertueux n’est pas en soi indécent, sauf peut-être pour les ultras libéraux qui considèrent que l’entreprise n’a pas à contribuer aux recettes publiques alors même qu’elle bénéficie des services de l’Etat aménageur de son environnement. L’aide aux entreprises, même encadrée au nom du sacro-saint principe de la concurrence libre et non faussée, peut prendre différentes formes : subventions, réduction de cotisations sociales ou d’impôts, aides sectorielles, prêts bonifiés, primes à l’embauche…
Aider l’entrepreneur ou l’investisseur n’est pas honteux non plus : inciter à investir en actions par les PEA, aider la transmission des entreprises lors des départs en retraites, accorder des réduction de l’impôt personnel ou de (feu) l’ISF en échange d’investissements dans des PME, favoriser l’acquisition de produits spécifiques pour se constituer une retraite… Là encore, de nombreux dispositifs existent et sont louables et variés…
MAIS …
Les débats actuels confondent les deux, notamment concernant la fiscalité :
Les Gouvernements de François Hollande ont, de façon importante, aidé les entreprises : allègements de cotisations sociales, baisse de l’impôt sur les sociétés, Crédit d’Impôts Recherche et surtout, mise en place du (contesté) Crédit d’Impôts pour la Compétitivité et pour l’Emploi (CICE)… Indiscutablement, les marges nettes des entreprises se sont redressées. Qu’ont-elles fait de ces ressources ? Certaines ont investi, d’autres ont embauché, d’autres encore ont plus formé, quelques unes ont augmenté les salaires… Mais beaucoup ont choisi de distribuer plus de dividendes à leurs actionnaires. Il est difficile de quantifier tout cela, tant une de ces action impacte l’autre… Parallèlement, durant le quinquennat passé, la fiscalité des revenus des actionnaires a été alignée sur celle des salaires. N’est-il pas juste que l’argent gagné sur ses placements soit autant imposé que celui gagné par son travail ?
Le Gouvernement du Président Macron a balayé cette disposition, arrivant même avec une certaine « flat tax » à moins imposer les revenus du capital que ceux d’un salarié payé légèrement plus que le SMIC ! Il est alors clair que les dirigeants actionnaires vont avoir la tentation de fixer des salaires réduits, d’augmenter ainsi les bénéfices de leur société et de se verser plus de dividendes, en payant un minimum d’impôts personnels. L’idée que la flat tax va inciter à investir est évidemment encore plus folle lorsqu’ont voit que l’argent placé en assurance-vie ou en produits obligataires sûrs n’est « en même temps » plus assujetti à l’Impôt de Solidarité sur la Fortune.
Contrairement à certaines idées reçues, il fallait et il faut encore aider les entreprises. La concurrence internationale dans un marché ouvert l’exige. Mais l’utilisation des marges retrouvée trouve avec la « flat tax » un point de fuite inacceptable. A l’opposé de ce qui est raconté, le choix du quinquennat précédent d’aider d’abord les entreprises était juste et a montré des résultats économiques notables. Mais confondre l’argent des entreprises et celui des entrepreneurs pourrait bien engendrer une rébellion sociale inédite si l’impôt épargnait durablement les revenus des uns créés par les autres.
Quelques précisions sur la publication de mon livre

Ce livre raconte mon parcours politique et personnel sur un peu plus de 250 pages.
Cette expérience, tirée de ce que j'ai vécu sur le territoire où j'ai été élu, à l'Assemblée Nationale ou encore au sein du Gouvernement, j'ai voulu la décrire et la partager.
Les moments précis ou les anecdotes qui émaillent le récit illustrent au mieux la réalité souvent méconnue de l'exercice du "pouvoir", avec ses limites, ses envolée, ses contraintes et ses passions.
Peut-on être de gauche et exercer ses responsabilités sans se trahir ?
Peut-on cohabiter avec le futur Président sans plus réagir aux dérives libérales qui se dessinaient déjà chez lui avant de se confirmer aujourd'hui ?
Répondre à postériori serait prétentieux. Comprendre et tirer des enseignements est une étape importante que j'invite à franchir.
J'aurais voulu offrir cet ouvrage à tant d'amis qui ont avec moi été tour à tour remplis de passions, d'espoirs, de doutes ou de regrets. Mais...
Publié chez "Robert Laffont" au prix de 19 €, il est disponible à la vente dans les réseaux habituels, et notamment dans les librairies indépendantes.
Celles et ceux qui en ont la possibilité peuvent aussi l'obtenir à ce prix à mon domicile (75 rue Marc Raty, 54750 TRIEUX). Il peut également être expédié à votre domicile sur demande accompagnée d'un chèque de 23 Euros (19€ + 4€ de participation aux frais d'envoi) à cette adresse. Merci de préciser si vous voulez une dédicace et de libeller les chèques à l'ordre de la "librairie Virgule".
Des séances de dédicaces seront organisées, à Bar le Duc, Nancy, Longwy...
J'espère que ce livre vous permettra de comprendre ces dernières années et de bien préparer les prochaines !
PS : Le formulaire de contact de ce blog permet de m'adresser un message pour obtenir tout autre renseignement.
Taxe d’Habitation : « y a pas d’argent magique ! »
Le Président a décidé de supprimer d’abord pour partie, puis entièrement la taxe d’habitation. Les calendrier et les modalités fluctuent, mais là n’est pas le plus important. Cela devient une habitude…
Les finances locales forment un imbroglio mêlant, suivant que l’on est une commune, une région ou un département, des dotations de l’Etat, des recettes issues de taxes d’habitation ou foncières, des fractions de TVA ou de taxe sur les carburants, des produits domaniaux…
Je n’ai ni la prétention, ni les moyens de rentrer dans le détail. Mais quelques principes simples doivent être rappelés, car on commence à entendre des affirmations singulières et inquiétantes :
- Qu’on le veuille ou non, qu’on transfère ou pas des recettes entre les départements et les communes, supprimer la taxe d’habitation privera l’ensemble des collectivités locales d’environ 20 Milliards d’Euros de recettes. S’ils doivent être compensés pour ne pas pénaliser les collectivités locales, c’est donc l’Etat qui devra leur verser cette somme, et donc se débrouiller pour la trouver.
- On nous dit qu’aucun impôt nouveau ne sera créé. Soit… Mais on évoque une augmentation des taxes foncières, tantôt sur toutes les constructions, tantôt uniquement sur les résidences secondaires qui pourraient aussi conserver une taxe d’habitation. Augmenter un impôt existant ou créer un nouvel impôt, ce n’est pas très différent pour ceux qui paient, sauf dans la communication de ceux qui gouvernent.
- On lit un rapport parlementaire qui prévoit de prendre aux départements les taxes foncières pour les donner aux communes. On lit qu’il y aura des perdants et des gagnants. On prévoit de donner en remplacement aux départements des fractions d’autres impôts (de la TVA ou de la taxe sur les carburants, dont une fraction va déjà aux régions…). Cela nous renvoie au point n°1, qui n’a trouvé aucune réponse précise à ce jour…
- Il est fait allusion aussi à une révision des valeurs locatives pour générer des recettes nouvelles. On dit à tort que c’est l’arlésienne de tous les gouvernements. Remarquons que celui auquel j’appartenais a révisé les valeurs locatives des locaux professionnels - à rendement constant - et a préparé le travail pour les locaux d’habitation. Cela peut commencer sans attendre. Si revoir les valeurs locatives des locaux d’habitation conduit à plus de recettes, cela revient à augmenter un impôt existant faute d’en créer un nouveau (cf point n°2).
Dans les mois qui viennent, chacun devra se souvenir de ces quelques principes de bon sens, même si la complexité de la réalité sera sûrement mise à profit pour réaliser quelques tours de passe passe que les uns et les autres ont parfois utilisés pour convaincre de la résolution d’équations sans solution.
A une salariée déplorant le manque de moyens dans les hôpitaux, Le Président Macron a répondu : « Y a pas d’argent magique ! ». Les élus locaux devront s’en souvenir si jamais on tentait de leur vendre du vent.
L'exit-tax pour les nuls !
Le Président de la République a annoncé le 1°mai dans un article du magazine américain « Forbes » sa volonté de supprimer l’exit-tax. Outre la forme et le moment choisi, il convient, une fois de plus, de souligner qu’en la matière, notre constitution confie au seul Parlement le soin de faire la loi. Il est vrai que dans ce nouveau monde, députés et sénateurs sont réduits, même avant la réforme constitutionnelle qui se prépare, à un rôle de porte-parole de la décision du Président.
Le grand public a découvert l’exit-tax. Elle ne concerne en effet que peu de contribuables, au mieux quelques centaines. Depuis l’expression de la volonté présidentielle, les discussions vont bon train sur le sujet et méritent d’être éclairés avec humilité et objectivité.
En France, on estime que la plupart des revenus doivent être soumis à l’impôt et aux cotisations sociales. Ainsi en va-t-il des plus-values, réalisées par les actionnaires qui possèdent des entreprises.
Prenons comme fil rouge un exemple : Jean-David, domicilié fiscalement en France, investit 1 Million d’Euros dans une (ou plusieurs) entreprise et reçoit des actions en échange (elle peut être nouvelle, ancienne, start-up, grosse, petite, cotée en bourse ou pas, bien portante ou en difficulté, française ou étrangère… il peut être dirigeant, majoritaire ou minoritaire…). Au fil du temps, ses actions ont changé de valeur, car la société a prospéré (ou pas). Lors de la revente de ses actions, s’il réalise une plus-value, il doit la déclarer comme un revenu et payer l’impôt et les cotisations sociales correspondantes. S’il vend par exemple ses actions 1,3 Millions, il réalisera une plus-value de 300 000 Euros, soumise à taxation. Notre pays considère en effet que la valeur créée est due aussi à l’environnement que notre pays construit pour l’économie (écoles, transports, logements, sécurité, infrastructures…). Bien sûr elle est aussi due au talent, à l’audace et à l’esprit d’initiative de l’investisseur, mais pas que…!
Jean-David souhaite profiter de son argent. Il veut vendre ses actions. Il trouve un acheteur pour 1.3 Millions.
Certains pays n’imposent pas ou beaucoup moins que nous les plus-values. Jean-David, bien informé, les connait. Certaines officines spécialisées le lui ont d’ailleurs soufflé à l’oreille et lui ont suggéré de s’installer (fiscalement et temporairement) dans l’un d’entre eux. L’entreprise ne bouge pas, continue sa vie comme avant. Il loue un studio (parfois une simple boîte au lettres), fait quelques démarches (avec l’aide du cabinet spécialisé) et revend ses actions dans le contexte fiscal complaisant de son « pays d’accueil ». La France ne reçoit rien. Un peu plus tard, Jean-David peut revenir fiscalement chez nous et profiter de l’intégralité de sa plus-value.
En 2011, Nicolas Sarkozy, François Baroin, Valérie Pécresse (sûrement pas une bande de gauchistes anticapitalistes), ont trouvé cela anormal. Ils ont proposé au Parlement de créer une exit-tax destinée à dissuader ces pratiques. Ils ont trouvé un large consensus au Parlement pour approuver un dispositif forcément complexe pour respecter le droit européen et éviter de toucher les personnes légitimement conduits à déménager.
Quelles sont les personnes concernées ? : Les personnes résidant fiscalement en France depuis au moins 6 ans, possédant un portefeuille d’actions de plus de 800 000 Euros ou au moins 50% d’une entreprise. Clairement pas le français moyen…
Comment ça marche ? : Au moment de son départ à l’étranger, Jean-David déclare au fisc qu’il part avec une plus value LATENTE de 300 000 Euros. S’il s’installe dans un pays de l’Union Européenne, il ne paie rien pour l’instant. Il aura une créance qu’il règlera à la France lorsqu’il vendra ses actions. S’il va hors de l’Union, il règlera en règle générale les impôts sur 300 000 Euros.
Quelles conséquences pour l’entreprise ? : Aucune
Comment est-il imposé ? : Comme tout le monde. Il bénéficie des abattements (jusqu’à 85%) en fonction de la durée de détention et de la nature de ses titres, d’un abattement supplémentaire de 500 000 Euros (!) s’il part en retraite… Dans le nouveau monde, c’est même maintenant la modeste flat-tax qui s’applique.
Pourquoi ces débats sur le (faible) produit ? : Le contrôle des déclarations est difficile et le suivi au fil du temps aussi. Mais la mise en place de l’exit-tax a certainement aussi réduit les pratiques de cette optimisation fiscale. Si le produit apparait faible (autour de 100 Millions), on oublie la créance due par les contribuables qui n’ont pas encore vendu (plusieurs Milliards). Il sera d’ailleurs intéressant d’observer comment la suppression de l’exit-tax traitera ces créances !
Après la quasi-suppression de l’ISF, la mise en place du PFU (flat-tax), la suppression de l’exit-tax est pour une toute petite frange de la population un nouveau cadeau de riches. Les entreprises n’étaient pas touchées par l’exit-tax, seuls les actionnaires (et pas les petits) étaient modestement dissuadés d’organiser leur évitement à l’impôt. Jean-David a convaincu Emmanuel Macron. Les députés macroniens sont sommés de faire le service après-vente.
Le nouveau monde respire mais ne ruisselle toujours pas.