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Baisser les factures de gaz et d’électricité par la TVA !

28 Janvier 2019 , Rédigé par Christian Eckert

La TVA entre dans le débat fiscal, et c’est tant mieux. Après tout, c’est plus de la moitié des recettes du budget de l’Etat ! Plus de 150 Milliards d’Euros, plus du double de l’impôt sur le revenu payé par l’ensemble des français.

 

La TVA est en fait payée sur quasiment tous les achats faits en France, par l’acheteur final. Les entreprises ne sont que des intermédiaires : elles encaissent la TVA de leurs clients, mais la reversent à l’Etat déduction faite de la TVA qu’elles ont payée sur leurs achats !

 

La TVA a donc uniquement un impact sur le prix payé par le client. Théoriquement, une baisse de TVA baisse d’autant le prix de vente. Il arrive pourtant que le vendeur ne répercute pas la baisse (ou ne la répercute qu’en partie). Des expériences passées (baisse de la TVA sur la restauration par exemple) l’ont montré.

 

Pour tous les pays d’Europe, une directive communautaire fixe des règles communes, en laissant quelques marges de manœuvre à chacun des pays. Avant de proposer des modifications, il est nécessaire de connaître le contenu de cette directive car on voit mal la France y déroger.

 

Le taux normal est fixé par le pays, mais ne peut être inférieur à 15%. En France, il a été fixé à 20%  fin 2014. Ce taux est inférieur à celui pratiqué dans la majorité des pays d’Europe : s’il est de 17% au Luxembourg et de 19% en Allemagne, il est de 21% en Belgique et aux Pays-Bas, de 22% en Italie, de 23% au Portugal et monte à 27% en Hongrie.

 

Chaque pays peut fixer un ou deux (mais pas plus) taux réduits applicables à certains produits. Mais ces taux réduits ne peuvent s’appliquer qu’à des produits choisis dans une liste précise annexée à la directive européenne. Par ailleurs, ces taux ne peuvent être inférieurs à 5%. (d’autres rares exceptions perdurent, pour des raisons historiques, comme les médicaments ou la presse en France dont le taux reste à 2,1%).

 

En France, il existe principalement deux taux réduits, respectivement de 10% et de 5,5%, s’appliquant depuis 2014 à une liste de produits. Ainsi, un taux de 10% s’applique par exemple dans la restauration ou pour les travaux d’amélioration des logements. Le taux de 5,5% s’applique pour l’alimentation, les boissons non alcoolisées,…

 

On entend couramment des propositions pour réduire le taux de TVA sur les produits « de première nécessité ». Cette notion de « produits de première nécessité » est pourtant inexistante dans les directives sur la TVA ou dans le code des impôts. Elle relève en fait de l’appréciation de chacun, faute d’avoir fait l’objet d’une décision législative. Le sandwich, la couche culotte, la bouteille d’eau minérale, la mousse à raser, le plat cuisiné, l’électricité, l’abonnement internet… Autant de produits dont certains pourraient estimer qu’ils sont de première nécessité, mais que d’autres pourraient juger non indispensables à la vie quotidienne…

 

En tout état de cause, les produits alimentaires, par essence qualifiés « de première nécessité », bénéficient déjà du taux réduit de 5,5%. On a vu que le taux réduit ne saurait être inférieur à 5%. Une baisse de ce taux serait donc « homéopathique » et risquerait d’ailleurs de ne pas être répercuté par le vendeur. Un produit à 5 € (HT) avec une TVA de 5,5% est vendu 5,275 € (TTC). Baisser la TVA à 5% le passerait à 5,25 cts (TTC)… Le risque de ne pas changer l’étiquette  est grand !

 

Il existe par contre à mon sens des propositions plus audacieuses et plutôt efficace. La TVA sur l’électricité et le gaz consommés (hors abonnement) est aujourd’hui de 20%. La ramener à 5,5% serait un gain substantiel pour toutes les familles. Il en va de même sur les factures d’assainissement. Ces consommations sont aujourd’hui incontournables dans chaque foyer. Elles représentent une dépense obligatoire et significative. Parmi les revendications à porter, cela me parait une juste cause, conforme à l’article 102 de la directive européenne, qui redonnerait de façon équitable du pouvoir d’achat.

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NORD LORRAIN : 18 MOIS DE GAGNES... OU DE PERDUS !

23 Janvier 2019 , Rédigé par Christian Eckert

La politique locale n’est pas bien différente de la politique nationale : gagner du temps et faire de la communication…

 

Le Nord de la Lorraine et en particulier le « Pays-Haut », est une ancienne région minière et sidérurgique, aujourd’hui privée d’activité économique soutenue. Elle tient grâce au voisinage du Grand Duché du Luxembourg, petit monde à part en Europe où la croissance est vive. Les propositions pour relocaliser un minimum d’activité chez nous et mieux vivre les échanges frontaliers sont nombreuses et font débat. Celles du Parti Socialiste sont précisées dans le communiqué ci-dessous.

 

Chacun pourra les commenter, contester ou ridiculiser… Au moins elles sont claires.

 

Je connais la difficulté de ce dossier, que je n’ai moi-même pu conduire à son terme , même si les choses n'attendaient plus que leur vote en loi de finances, ce que le changement de majorité a empêché... 

 

Mais depuis 18 mois, le nouveau gouvernement tergiverse, gagne du temps et communique périodiquement :

 

Fin 2017, au Parlement, le député de notre circonscription demandait encore une fiscalité adaptée en zone frontalière, comme la loi le proposait étrangement dans le seul ancien bassin minier…de Lens ! Le Ministre Darmanin promettait de venir sur place dans les trois mois avec son collègue Mézard pour travailler sur le sujet si le député retirait sa proposition. Ce qu’il fit naïvement… Plus d’un an après, aucun Ministre n’est venu…

 

En mars 2018, une visite d’Etat des autorités luxembourgeoises avait lieu à Paris. Elle a entériné les engagements dont j’avais convenu avec mes homologues lorsque j’étais en fonction. La question de la compensation fiscale avait été dite « sur la table » quelques jours plus tôt par un Ministre au Sénat en réponse à une question de la Sénatrice Guillotin. Elle y est restée… sur la table

 

Rien n’ayant avancé, le Ministre Mézard confiait alors une « mission de préfiguration » au Préfet de Région pour faire des propositions à l’automne 2018. Le Préfet de Région est venu, Mézard est parti, aucune préfiguration n’est arrivée…

 

Le journal local relate récemment que lors de ses vœux, le Préfet de Région a annoncé pour la fin février un « séminaire de réflexion » à Longwy ou à Thionville « pour nourrir et peut être déterminer un véritable projet de co-développement entre la France et le Luxembourg ». La sémantique est prudente, chat échaudé craint l’eau froide…

 

18 mois de gagnés… ou de perdus…

 

 

 

Parti Socialiste

Secteur du Pays Haut  54

8, rue Alfred Mézières  54 400 Longwy Bas

 

Relations transfrontalières avec le Grand Duché de Luxembourg

Position du Parti Socialiste Secteur du Pays Haut

 

Aujourd’hui, le Grand Duché de Luxembourg accueille 100 000 travailleurs frontaliers lorrains, dont une grande partie est issue de nos territoires. Sur le territoire de la Communauté d’Agglomération de Longwy, plus de 40% des actifs travaillent au Luxembourg.

Depuis de nombreuses années, les relations avec le Grand Duché de Luxembourg sont fluctuantes et les interlocuteurs, côté français, sont nombreux et peu coordonnés.

Un espace d’échange a été créé avec la Commission Intergouvernementale franco-luxembourgeoise, mais il n’est pas suffisant.

Des négociations entre la France et le Luxembourg menées respectivement par Christian Eckert et François Bausch ont permis en mars 2017 d’aboutir à une déclaration commune de cofinancement  par le Grand Duché de Luxembourg de certaines infrastructures implantées en France, liées à la mobilité ( Park & Ride à Longwy et Thionville, augmentation de lignes ferroviaires par exemple).

C’est en grande partie ce qui a été repris lors du séminaire franco-luxembourgeois du 20 mars 2018 sur ce sujet. C’est une avancée mais elle doit être poursuivie,  améliorée et surtout amplifiée.

Ce partenariat doit effectivement se traduire par des actes d’engagement bilatéral portant sur des investissements structurants pour notre territoire en développement. Il aura un impact fort sur les travailleurs frontaliers et les collectivités territoriales de notre secteur.

Les socialistes du Pays Haut se réjouissent de la  création du Pôle Métropolitain Frontalier (PMF), objet de négociations engagées depuis fin 2015, qui regroupe 8 intercommunalités du côté français et compte plus de 340 000 habitants. Cette structure travaillera à la mise en œuvre d’actions pragmatiques avec nos voisins luxembourgeois, elle devra fédérer des positions communes sur des sujets relatifs aux transports, à la santé, à la formation, …

A l’heure où Monsieur le Préfet de Région devait produire un rapport sur cette question fondamentale pour le développement de notre territoire, nous réaffirmons nos propositions de mise en œuvre d’un fonds de co-développement entre la France et le Grand Duché de Luxembourg visant à financer des infrastructures concernant la mobilité, l’accueil de la petite enfance et les services à la population.

Nous rappelons également notre demande de création d’une zone à fiscalité particulière, côté français, pour accompagner le développement économique de notre secteur et réduire les différences fiscales entre deux nos pays. Nous avions engagé cette démarche début 2017, nous considérons qu’elle représente un outil indispensable pour notre territoire, au moins autant que ce qui a été instauré dans les Hauts-de-France par exemple.

Nous appelons également de nos vœux la mise en place à terme d’une directive européenne visant à harmoniser et équilibrer les différences territoriales connues dans les périmètres frontaliers de l’espace européen, c’est un travail de longue haleine.

Nous rappelons à l’Etat, garant des relations internationales, qu’il doit pour autant y associer les acteurs locaux, au-delà du seul Conseil Régional Grand Est.

Nous sommes convaincus de l’intérêt que représente le Grand Duché de Luxembourg pour notre population et ses travailleurs et nous souhaitons être des partenaires responsables pour aboutir à des accords «  gagnant-gagnant ».

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Bercy patron (?)

18 Janvier 2019 , Rédigé par Christian Eckert

Le mouvement des gilets jaunes a bien sûr fait réfléchir beaucoup de monde : le Président, pour lequel je ne m’autorise pas une analyse psychologique tant le personnage est complexe… Mais aussi ses troupes… Je veux parler ici, faute d’en connaître d’autres, des Ministres ou des parlementaires de la majorité. Par intermittence, ils récitent mécaniquement les éléments de langage des communicants du Président  pour défendre l'indéfendable.

 

La dernière tendance - les articles fleurissent sur le sujet - est de « charger » Bercy de tous les maux. Bercy, citadelle à la froide silhouette aussi minérale qu’anguleuse, est accusée d’être un repaire d’êtres maléfiques, puissants et intelligents, plus connus sous le nom de technocrates. Les mêmes technocrates seraient responsables de la révolte des gilets jaunes : la créativité fiscale des occupants de Bercy aurait fait naître la jacquerie et si la crise dure, ce serait parce que Bercy aurait freiné les réponses de l’exécutif aux occupants des ronds-points.

 

C’est plutôt bien essayé. C’est même orchestré « en même temps » par une campagne de « transparence » sur les salaires de ces gens là. Ils viendraient des mêmes quartiers, auraient fréquenté les mêmes écoles et seraient prêts à rejoindre l’ennemi pour quelques milliers d’Euros de salaire en plus… Comment ne pas être ulcéré quand on peine à boucler son mois, et qu’on apprend que les technocrates de Bercy, désignés comme responsables de vos difficultés passées, présentes et sûrement à venir, se gavent « d’argent public ». Ceci est un autre débat...

 

Détourner les responsabilités politiques sur ces technocrates occultes, inconnus du public, est une manœuvre éculée et d’autant moins crédible qu’elle vient du pouvoir actuel.

 

J’ai ces derniers jours, beaucoup été interrogé par des journalistes sur mon appréciation de la caste de technocrates principalement concentrés à Bercy. Trois ans Secrétaire d’Etat au Budget, niché au 5° étage de la citadelle, j’ai pu, c’est vrai, observer les mœurs de ses habitants.

 

Venu d’une modeste famille de l’ancien bassin minier de Lorraine, pur produit de l’école de la République, agrégé de Mathématiques, ayant gravi l’échelle des mandats d’élu local puis régional et enfin national, après un passage studieux à l’Assemblée, j’arrivais à Bercy avec un œil candide, vierge et certainement naïf. Je ne suis pas des leurs. A mon arrivée dans ce milieu fermé, j’ai eu le sentiment d’être regardé comme un O.V.N.I.. Je ne peux donc être soupçonné de complaisance.

 

Avec le recul, 18 mois après mon départ de toute fonction élective, je peux, avec humilité, faire plusieurs observations :

 

1 - Les technocrates prennent la place que les politiques leur laissent : C’est d’ailleurs aussi vrai dans toutes les collectivités locales, communes ou autres échelons. Bien sûr que l’administration peut jouer des coudes et tenter d’influencer le chef de l’exécutif… Un bon politique, à tous les niveaux, se mesure à sa capacité à conduire son administration pour qu’elle réponde à ses orientations. Seul, le Ministre ne peut rien. Sans un Ministre sérieux, son administration ne pèse pas non plus.

 

2 - Dans les Ministères, les cabinets sont là pour lier l’administration au Ministre : pour d’évidentes contraintes horaires, le Ministre ne peut passer les consignes à l’administration et surveiller leur mise en œuvre. Ils choisissent les membres de leurs cabinets, doivent avoir en eux toute confiance et cette équipe, aux compétences aux moins égale à celles des hauts fonctionnaires, est là pour « cornaquer » les technocrates. L’ennui c’est que dans cette majorité, les cabinets des Ministres de Bercy ont été réduits à portion congrue. La technostructure est donc plus libre.

 

3 - Les hauts fonctionnaires sont un atout formidable quand on s’en sert bien : J’entends avec effroi les reproches faits à cette catégorie d’être trop intelligents, d’avoir trop bien réussi leurs études et même parfois de travailler trop ! Curieuse conception… Me revient à l’esprit l’exemple du Prélèvement à la Source. Excepté moi, personne, à Bercy, n’en voulait. Depuis les directeurs jusqu’à la base. Une fois la commande du Président Hollande passée, après quelques fermes mises au point, la maison a relevé le défi avec l’idée de prouver qu’ils étaient capables de conduire un chantier de titans… Et ils l’ont fait !

 

4 - Les technocrates de Bercy ont bien vendu leurs « marronniers » aux nouveaux locataires de Bercy : Mon expérience m’a permis de connaître la technique favorite des technocrates de Bercy : d’abord, les directeurs vous inondent de mauvaises nouvelles (« Il va manquer 1 ou 2 Milliards de recettes ici et là », «  telle ou telle dépense explose les compteurs », « Bruxelles va se fâcher »…). Ensuite, ils vous présentent la liste où puiser des solutions. Michel Sapin et moi appelions cela le « musée des horreurs ». Rien de politiquement gérable sans provoquer de révolte… La baisse des A.P.L. était souvent en tête de gondole… Lorsque cette décision - comme quelques autres - est sortie mi-2017, j’ai vite compris le scénario vendu à Gérald Darmanin. Si j’ai moi-même failli céder à ces pratiques, Michel Sapin qui connaissait ces mœurs m’a rassuré et nous a évité ce type de faute politique.

 

5 - Emmanuel Macron et son entourage proche sont issus de ce milieu et le connaissent mieux que quiconque : Le Président fut l’un des leurs. Par ses origines, sa formation et son parcours. Ce n’est pas une tare. C’est un constat. Son Premier Ministre, la plupart de ses Ministres et leurs conseillers, beaucoup de nouveaux députés (contrairement aux idées répandues) sont passés, de près ou de loin, dans les milieux technocrates qui peuplent Bercy. Le Président y a été Ministre, y a recruté, formé et entrainé ses sherpas… Et la bouche en cœur, les mêmes prétendent ne pas avoir résisté aux forces occultes de l’est parisien qui les ont tétanisés face aux gilets jaunes… Qui peut croire à cette fable ?

 

Bien sûr, les hauts-fonctionnaires de Bercy, (et pas qu’à Bercy d’ailleurs…) doivent être au service de celles et ceux qui sont en situation légitime de gouverner. Bien sûr il faut sans cesse que le pouvoir politique veille à rester le décideur.

 

Mais lorsqu’un pouvoir exécutif en vient à transférer ses responsabilités sur son administration, c’est au mieux un aveu de faiblesse, au pire un mensonge. En l’espèce, connaissant bien ces personnes, je penche vers la seconde option.

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Darmanin, le coucou peu reconnaissant... Dommage...

2 Janvier 2019 , Rédigé par Christian Eckert

Monsieur le Ministre Darmanin multiplie les déclarations sur les bienfaits du Prélèvement à la Source. J’ai failli m’étrangler en l’entendant même affirmer que c’est le Président Macron qui a eu le courage de faire enfin cette réforme que personne n’avait osé faire avant !

 

Je connais les dures lois de la vie publiques, et me souviens souvent de la phrase de Clémenceau : « En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables. ». Sans doute ai-je moi-même  parfois fait un peu vite cette analyse.

 

Mais le Ministre au melon (voir sur ce lien pourquoi) devrait prendre un peu de hauteur et faire comme moi le constat du profond et grave fossé entre les français, les femmes et les hommes politiques et leurs institutions. Les péripéties du Prélèvement à la Source depuis Macron sont aujourd’hui bien connues : propos ambigus pendant la campagne, report d’un an sans vraie raison et enfin période d’incertitude (c’est peu dire) en fin d’année dernière… Par contre, l’engagement de la majorité de l’ancien monde est sans faille. J’y ai travaillé pendant un an et fait entériner cette réforme complexe au Parlement. Ce Gouvernement a trouvé la réforme ficelée en arrivant. Il l’a différée mais l’a reprise sans grande modification. Je le raconte en détail dans un chapitre de mon livre que j’offre en accès libre en cliquant sur ce lien.

 

La décence ou la simple politesse aurait pu conduire Monsieur le Ministre à dire un petit mot de celui qui a fait cette réforme. Mais cela n’est pas là le plus important : j’ai pris l’habitude des comportements vexatoires. Mais il aurait pu dire pour une fois publiquement que l’intérêt du pays était d’avoir fait sous une majorité une œuvre intelligente reprise et mise en œuvre par la majorité qui l’a remplacée. Il aurait pu donner la preuve que les dirigeants sont capables de prendre dans la continuité le relai sur ce qui fait consensus. Illustrer le fait que la politique peut aussi parfois reconnaitre chez ses concurrents d’un jour quelques valeurs partagées sans polémique excessive.

 

Le Prélèvement à la Source est une bonne réforme. Elle profitera aux français, même si des réglages risquent d’être nécessaires. Monsieur Darmanin a perdu l’occasion de souligner que des gouvernants de convictions frontalement opposées peuvent en revendiquer la paternité.

 

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La victoire du prélèvement à la source

2 Janvier 2019 , Rédigé par Christian Eckert

La victoire du prélèvement à la source

(Extrait de "Un Ministre ne devrait pas dire ça..." paru en mai 2018 chez Robert Laffont)

 

Depuis mon départ du gouvernement et mon échec aux législatives, je continue d’avoir des contacts avec François Hollande. Nous soulignions dans une conversation récente consacrée à l’ouvrage qu’il publie juste avant moi combien le gouvernement actuel s’emploie à défaire en quelques mois ce que nous avions fait en cinq ans. Le prélèvement à la source en est un exemple, même si, là, le report a heureusement été préféré à la suppression.

Lorsqu’au printemps 2015 le président Hollande, sans prévenir, annonce la mise en œuvre de cette mesure, j’en suis satisfait car j’ai toujours plaidé en sa faveur. Rendre l’impôt contemporain des revenus évite les ruptures de trésorerie des contribuables, et se révèle beaucoup plus juste.

 

 

Escalader l’Himalaya fiscal

 

Mais j’en suis aussi un peu effrayé, connaissant l’ampleur du travail à conduire. Une fois fini le marathon budgétaire de fin 2015, dès janvier 2016, nous entamons ce que j’appelais familièrement avec mes équipes « l’ascension de l’Himalaya ».

 

Une  « task force » est constituée au sein de l’administration, une méthode et un calendrier mis au point : chaque lundi après midi, Michel Sapin et moi, des membres de nos cabinets et de l’administration examinons et arbitrons un des points  clefs du dossier. Tranchés si nécessaire par Michel Sapin et moi, ces choix sont présentés pour validation à l’Élysée et Matignon au cours de la semaine qui suit, et on passe… au camp de base suivant !

 

Sont ainsi progressivement réglés les questions des revenus fonciers, des travailleurs indépendants, des crédits d’impôts, de l’année blanche, des particuliers employeurs, des changements de situation familiale, des dons aux associations…

 

Pendant ce temps, je rencontre la France entière ou presque.

Je vois d’abord mes collègues ministres principalement concernés : Stéphane Le Foll pour les agriculteurs, Jean Yves Le Drian pour les militaires, Laurence Rossignol pour les différences femmes/hommes, Marylise Lebranchu pour la fonction publique, Myriam El Khomri pour les organisations syndicales des salariés, Marisol Touraine pour la cohérence avec les cotisations sociales, Emmanuel Macron en charge des entreprises. J’appréhende un peu cette dernière rencontre. Emmanuel Macron s’est toujours montré réservé sur le sujet. Pourtant, devant nos deux directeurs de Cabinets, il se montre parfaitement conciliant : « Je n’ai aucun problème avec ça, vas-y, les entreprises s’adapteront... Maintenant, si on pouvait leur faire un petit geste, genre crédit d’Impôt, ça serait bien, mais ce n’est pas un souci… ».

 

Je sais que les personnels et les syndicats des fonctionnaires de Bercy sont par nature opposés à cette réforme. Bercy pense qu’une de ses missions le recouvrement finira par lui échapper. Je crains donc la résistance des chefs de service et des directeurs. Il n’en est rien. Si les hauts fonctionnaires de Bercy savent souvent montrer leur force, ils sont aussi profondément attachés à réussir les missions que leur confie le pouvoir politique. Le Président de la République avait parlé, ils allaient s’exécuter. Je reçois une par une, puis toutes ensemble, les organisations syndicales de la maison. La pédagogie est difficile. Je répète inlassablement que la Direction générale des finances publique est au centre du dispositif. Sans être complètement convaincus, les personnels de Bercy finiront par admettre que leur administration n’est pas menacée, ce qui fera baisser la pression. La mise en place de moyens supplémentaires pour assurer la transition y contribuera aussi.

 

D’autres parties prenantes sont concernées, notamment au sein du monde économique, et je multiplie les échanges avec eux, souvent plusieurs fois : les experts-comptables, les éditeurs de logiciels de paie, les chefs d’entreprises – le MEDEF comme les autres –, les DRH, les syndicalistes agricoles, les associations d’assistantes maternelles, les représentants des professions indépendantes, la Fédération de particuliers employeurs, les représentants des Restos du Cœur et de plusieurs associations caritatives, les professionnels de l’immobilier… J’écoute beaucoup, rassure aussi, convainc le plus souvent. Chaque cas particulier trouve réponse. La Directrice de la Législation fiscale a fait, avec ses équipes, et bien sûr avec mon cabinet, un travail de bénédictins.

 

 

Mon Tour de France du prélèvement

 

J’entame aussi un véritable tour de France du prélèvement à la source. Nos réflexions nous ont convaincus que la réussite de cette réforme passera par son appropriation par les contribuables et les entreprises chargées du prélèvement. Je fais une douzaine de déplacements partout dans l’Hexagone, pour animer des tables rondes, entendre les craintes, tant des agents que des contribuables et anticiper les bugs possibles. Ces rencontres de terrain ont été formidablement instructives pour mes équipes et moi. On dit souvent que les ministres sont trop enfermés dans leurs bureaux. C’est en partie vrai… Casser cette réalité m’a permis d’adapter mon propos au niveau des préoccupations concrètes des Français.

 

Il fallait néanmoins traiter toutes les questions juridiques et constitutionnelles de la démarche. Pour cela, nous déposons début juin 2016 au Conseil d’État un projet de texte relatif au prélèvement à la source en l’avertissant qu’en fait, ce texte sera intégré au projet de loi de finances fin septembre. Ainsi, le Conseil d’État disposera du temps nécessaire à l’examen détaillé du texte, et pourra apporter ses précieux conseils que nous suivrons le plus souvent.

 

Le projet de loi de finances pour 2017 intègrera donc, conformément à la commande du président, un article entier afin de faciliter la mise en œuvre du prélèvement à la source au 1° janvier 2018. Un vote malheureux sur un amendement mal apprécié à l’Assemblée nationale conduira à un examen public du texte à un jour de faible audience. Il sera adopté sans grand changement fin 2017, malgré une opposition finalement mesurée de la droite au Parlement.

 

La gestion technique de la réforme, celle de la formation des personnels ou de l’adaptation des systèmes informatiques, ne nous avait pas échappé. Depuis début 2016, la DGFIP met en place une organisation très structurée et tient systématiquement le même discours : C’est serré, mais possible ! Le système d’information est en cours d’adaptation, des milliers d’agents entrent en formation, des tests sont prévus pour l’été 2017. Les entreprises représentatives sont choisies pour faire ces essais à blanc.

 

 

 

 

Une réforme plus égalitaire

 

Cette réforme, j’y tiens car elle met fin à bien des anomalies de notre système fiscal :

aujourd’hui, on paie en 2018 les impôts dus au titre de ses revenus de 2017. Si entre temps, on a perdu ou cessé son emploi, pris sa retraite ou réduit son temps de travail, on paie un impôt qui ne tient pas compte de la baisse de ses revenus et la trésorerie est difficile.

Aujourd’hui, si on a eu un enfant en 2017, la demi-part ou la part fiscale supplémentaire ne fera effet qu’en septembre prochain. C’est aussi le cas d’un mariage.

Aujourd’hui, on paie le 15 du mois un dixième de son impôt alors qu’avec le prélèvement à la source, c’est un douzième prélevé sur le salaire ou la pension chaque fin de mois seulement.

 

Mais un événement a lieu… Les élections présidentielles interviennent entre temps. Même si Emmanuel Macron s’était montré favorable au projet, son élection risquait de tout remettre en cause. Et ça n’a pas loupé… Le président Macron, nouvellement élu, et quelques uns de s’est très vite exprimé sur le sujet pour critiquer le vote des parlementaires :

« Il faut aussi comprendre l’impact que ça aura pour nos concitoyens, psychologiquement : parce que vous allez recevoir votre feuille de paie, où votre salaire, optiquement, aura baissé. »

 

 

La mauvaise blague de Macron
 

Après quelques jours de confusion, on a compris que la nouvelle majorité souhaitait différer d’un an l’entrée en vigueur du dispositif. Officiellement parce qu’il faut faire des tests, et qu’un bug n’est jamais exclu… Cet argument montre la suspicion, ce mépris du Nouveau Monde par rapport à l’Ancien. Bien sûr, les choses étaient parfaitement prêtes, preuve en est qu’un an plus tard, le gouvernement remet en route le projet dans une version quasiment identique à celle votée fin 2017.

 

En réalité, le Nouveau Monde souhaite mettre en évidence sur la fiche de paie l’augmentation des revenus nets d’une partie des salariés causée par la réduction de certaines cotisations salariales combinée à une augmentation de la CSG début 2018. Si le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu – qui réduit sur la fiche de paie le salaire net versé – était mis en œuvre en même temps, il leur serait difficile d’y voir clair.

 

Avec le recul, Emmanuel Macron a commis là une erreur : les salaires de janvier ont connu des majorations très faibles qui sont passées complètement inaperçues. Par contre, la hausse de la CSG a été durement ressentie par les retraités… La mise en œuvre en janvier du Prélèvement à la source aurait rendu la hausse de CSG moins visible en couplant les deux mesures, qui d’ailleurs concernent à peu près les mêmes personnes. Cette erreur a d’ailleurs ouvert le débat sur le pouvoir d’achat qui vaut au président bien des déboires.

 

Nos successeurs ont jeté le doute sur la qualité du travail exemplaire que nous avions conduit avec minutie et précision. Je ne compte pas dans ce travail, mais les agents de Bercy ont été exceptionnels. Ils ont eu comme seul défaut d’avoir été cornaqués par des ministres n’ayant pas fait allégeance à La République En Marche.

 

8 000 h de travail, quarante-quatre informaticiens réquisitionnés, dix-sept réunions aux quatre coins de France, tous les ministères concernés, pour quel résultat ? Ils appellent ça l’alternance, le besoin de modernité…

 

Avant de quitter Bercy, j’ai réuni autour d’un verre la centaine de fonctionnaires ayant ciselé ce qu’on nous prétendait inabouti. C’était au moment où le report par le nouveau gouvernement se confirmait sous la plume d’Edouard Philippe :

« S’agissant de l’argent des Français et des recettes de l’État, je ne veux pas m’engager dans cette réforme sans avoir la certitude que, techniquement, tout se passera bien. »

 

Ce fut un moment d’émotion pour tous et de tristesse pour moi. Dans un propos improvisé d’une bonne demi-heure, j’évoquais en détail cette ascension de l’Himalaya effectuée ensemble, dont j’avais fouillé le moindre détail, et dont nous constations la remise en cause sans vraie raison.

 

Depuis, heureusement, avec quelques micro-modifications, le prélèvement à la source a été confirmé par le Parlement, avec cette fois un démarrage au 1° janvier 2019.

On aura perdu un an et nos successeurs en revendiqueront la paternité. Mais le pire, sa suppression, aura été évité. On mesurera vite combien cette réforme majeure marquera l’histoire fiscale de notre pays. Le prélèvement à la source, au moins, aura résisté à l’acharnement des macroniens à détruire les modestes acquis du précédent quinquennat.


 

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