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Articles récents

JUPITER, roi des Décrets...

12 Avril 2024 , Rédigé par Christian Eckert

Le moindre étudiant en droit connait la différence entre la loi et le décret : la loi relève du Parlement et donc théoriquement de la volonté du peuple dans sa diversité. Le décret n’est le fait que des Ministres, nommés par le seul Président qui, dans cette 5° république pas vraiment parlementaire, a tendance à décider de tout et tout le temps.

Si la constitution et sa jurisprudence précise ce qui relève de la loi et ce qui se peut se traiter par décret, une observation des pratiques actuelles montre des abus de plus en plus fréquents, pas forcément au regard du droit, mais à coup sûr vis-à-vis de l’esprit démocratique et de l’éthique.

Les exemples se multiplient, certes encouragés par l’absence de majorité des marconistes au Parlement, mais leur nombre et leur nature risque d’agrandir la fracture entre les français et la construction de leur société.

Les derniers avatars des finances publiques en sont une première illustration. Comme le veut la règle, le Gouvernement fait adopter (à l’aide du 49/3) une loi de finances fin décembre 2023 pour l’année 2024. Constatant que 2023 a été à mille lieues de ses prévisions, le Gouvernement annonce « annuler » 10 Milliards de dépenses (plus ou moins documentées) par décret. Le Parlement, constitutionnellement en charge des finances, est ainsi court-circuité en règle. On évoque d’ailleurs un deuxième rabot de même ampleur…

Un second exemple laisse pantois : on apprend hier que la nouvelle feuille de route énergétique de la France, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), sera adoptée par voie réglementaire, et non législative. Non seulement c’est le contraire des engagements précédents, mais c’est surtout priver le pays de choisir dans la durés la stratégie dans un domaine essentiel pour son autonomie et la qualité de son environnement. Éviter le débat laisse libre cours à toutes les caricatures et empêche tout consensus.

Je ne résiste pas à pointer une singularité plus locale qui sera la risée des écoles de droit public pendant longtemps : le Gouvernement qui a signé une convention fiscale entre la France et le Luxembourg, l'a fait ratifiée en bonne et due forme par le Parlement, a renoncé à l'appliquer depuis plusieurs années, même pas par décret ! Une simple note dans le Bulletin Officiel des Finances Publiques a accompagné un communiqué de presse...! Deux articles de la Constitution sont ainsi bafoués (monopole du Parlement sur la fixation de l'impôt, priorité sur la loi aux accords internationaux ratifiés). La presse vient d'annoncer discrètement, promis juré, que ça sera encore le cas en 2024, mais pour la dernière fois...

Sur ces exemples, il ne s’agit pas de contester les choix qui sont faits, même s’il y aurait beaucoup à dire. Mais il n’est pas normal que sur des sujets aussi majeurs, dans une démocratie qui se veut parlementaire, le Gouvernement de celui qui se revendiquait jupitérien soit seul à décider. L'émergence du RN trouve là en partie une explication.

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Changer la République est une urgence avérée...

8 Décembre 2023 , Rédigé par Christian Eckert

Nul ne doit sous-estimer les errements de la vie politique en France et le risque de rupture républicaine apparait jour après jour plus plausible.

Les prémices sont nombreux et incontestables : l’abstention massive, le rabougrissement des partis politiques traditionnels, le discrédit général des élus, la montée des populismes, la violence des manifestations sur le terrain…

Beaucoup expliquent le phénomène en pointant le rôle des médias, des réseaux sociaux, de quelques leaders irresponsables…

C’est facile, irresponsable et bien court : de tout temps, l’évolution des mœurs, des individus et des outils de communication doit être intégrée dans une vision actualisée de nos institutions.

Mon expérience de l’exercice des responsabilités me conduit à préconiser – même si on me dira que ce n’est pas le moment – une réforme substantielle de notre Constitution. Celle-ci a fait son temps, dans un contexte (celui de l’après-guerre) qui a évolué. Le moment est venu de mettre en place une République vraiment parlementaire, en donnant aussi plus de place aux citoyens. Chacun peut constater que le pouvoir du Parlement est réduit à peu de choses : que le Président ait ou pas une majorité claire, c’est lui avec son Gouvernement qui commande quasiment seul à l’essentiel des décisions. C’est malsain et de moins en moins accepté.

Les principales modifications que je suggère sont pour la plupart tirées d’exemples récents mis en lumière périodiquement par l’actualité. Certains points sont techniques et mal connus, mais sont bien plus importants que l’on pense…

  1. L’affaire Dupond-Moretti (mais il y en a eu d’autres auparavant) montre que le soupçon d’entre-soi des acteurs publics devant une justice sur-mesure existe. Il faut supprimer les juridictions spéciales comme la Cour de Justice de la République. Un Ministre doit répondre de ses actes devant des magistrats et dans des délais raisonnables.
  2. Sur le même thème, les candidats à des élections doivent avoir un casier judiciaire vierge. Certes, on doit pouvoir retrouver une vie normale après l’exécution d’une condamnation. Mais la plupart de nos concitoyens vivent normalement sans être élu. Et la confiance trahie une fois ne peut être à nouveau remise en jeu.
  3. Le Parlement ne décide à vrai dire que très peu son ordre du jour. Ainsi, des centaines de propositions de loi parlementaires, souvent déposées avec tambours et trompettes, ne sont pas étudiées une seule seconde et finissent au panier à chaque fin de législature ! Les micro-niches parlementaires n’y changent rien tant l’obstruction est praticable par le Gouvernement. Il faut donc donner au Parlement, dans la Constitution, le moyen de fixer l’essentiel de son ordre du jour.
  4.  Dans le même ordre d’idée, il est indispensable de supprimer le tristement célèbre article 49-3 permettant de donner le choix binaire entre adopter une loi ou renverser le Gouvernement. On trouvera une disposition pour qu’un budget soit fonctionnel chaque année (cela existe déjà s’il n’est pas adopté). On pourra tricoter un usage exceptionnel du dispositif sur des sujets majeurs… Mais le film du débat des retraites ne doit plus être possible.
  5. Un autre article de la constitution, peu connu (même s’il a empêché l’examen de la Proposition de Loi supprimant la réforme des retraites…), bride énormément le Parlement : l’article 40 empêche clairement tout Parlementaire d’augmenter une dépense ! Même s’il en diminue une autre ou qu’il crée une recette pour financer sa proposition ! A peine assouplie il y a quelques années, c’est une contrainte considérable et incompréhensible à supprimer.
  6. Les moyens modernes de communication devraient permettre de donner plus facilement la parole au peuple. Réduire le débat référendaire au choix du champ dont il est le support est très largement insuffisant. Aussi la mise en place d’un référendum doit être possible, soit sous forme du Référendum d’Initiative Partagé (existant mais dont les conditions de mise en œuvre le rendent inaccessible) soit même sous forme du Référendum d’Initiative Citoyenne évoqué notamment par les Gilets Jaunes. Il faut également réfléchir à une disposition permettant de s’assurer que le choix exprimé lors d’un référendum soit respecté.
  7. La fin du cumul des mandats a fait naître une génération de députés « hors sol ». Il n’est effectivement pas sérieux d’être simultanément à la tête d’une grosse collectivité locale et député. Cependant, conserver un lien entre son territoire et l’échelon national en participant à un exécutif dans des proportions raisonnables oblige à prendre en compte les exigences à concilier à tous les niveaux. Les possibilités de cumul de mandats doivent être revues. Un encadrement strict des empilements des indemnités répondrait aux inquiétudes légitimes qui avaient présidé à une disposition qui a montré ses limites.

Refuser d’aller vers une République plus proche des électeurs et plus proche du peuple est suicidaire et ouvre la porte aux populismes.

Notre Constitution donne beaucoup trop de prérogatives au pouvoir exécutif. La plupart des gouvernants, une fois installés, n’ont donc plus envie d’en changer. Il faut donc très vite envisager une sérieuse réforme constitutionnelle, avant que l’irréversible ne se produise si un parti liberticide arrivait au pouvoir.

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Un article fort juste dans le Républicain Lorrain...

2 Octobre 2023 , Rédigé par Christian Eckert

 

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Deux polémiques sur l'immigration qui devraient heurter les humanistes

9 Septembre 2023 , Rédigé par Christian Eckert

Les débats sur l’immigration sont toujours délicats. Surtout lorsque la situation sociale (et le Gouvernement actuel semble ne pas le voir) est difficile pour nos concitoyens.

Lorsque la vie est dure parce que trop chère, lorsque le sentiment d’injustice s’impose face aux inégalités choquantes, lorsque l’avenir n’offre plus l’espoir d’un épanouissement un temps espéré, le rejet de l’autre est un réflexe fréquent. La tentation est alors souvent d’expliquer ses propres difficultés par la présence ou l’arrivée de personnes d’origine différente.

L’histoire montre que cela profite toujours aux mouvements extrémistes, le plus souvent de droite, qui surfent sur ces thèmes populaires voire populistes : « si je souffre c’est la faute aux juifs, aux immigrés, à celles et ceux qui n’ont pas la même couleur de peau ou la même religion que moi… ».

Beaucoup de guerres sont nées comme cela, allant jusqu’à des massacres organisés, et cela dans tous les continents du monde.

L’intelligence de l’Homme devrait surmonter ce raisonnement simpliste et délétère.

Concernant les consultations en cours pour rechercher un vote majoritaire sur un texte « immigration », deux sujets m’interpellent :

  • La suggestion d’accorder des visas à des personnes pouvant occuper des métiers dits en tension :

Pour reprendre une formule désormais célèbre, « notre territoire ne peut accueillir toute la misère du monde ». Alors quels sont les critères qui doivent guider nos choix ? Le principal motif d’accueil doit être d’offrir l’asile à des personnes en grave danger dans leur pays de résidence. Les persécutés de toute nature (politique, religieuse, raciale, sexuelle…) doivent évidemment être mis en sécurité avant toute préoccupation concernant la « rentabilité » de leur accueil.

L’humanisme ne saurait conduire à sélectionner les personnes à recevoir chez nous en fonction de l’apport économique qu’ils représentent. D’autant que cette façon de faire, éthiquement condamnable, fera aussi s’appauvrir le pays d’origine en le privant de ses forces les plus utiles. La droite s’oppose à cette mesure craignant d’y voir un appel d’air. Une partie de la gauche y semble s’accrocher pour créer une possibilité d’accueil de plus. Les deux positions me semblent surréalistes, comme si les migrations devaient s’avérer rentables économiquement avant d’être guidées par la protection de vies en danger.

  • L’idée de remettre en cause l’Aide Médicale d’Etat :

L’Aide Médicale d’Etat est une disposition qui consiste à soigner les personnes sur notre territoire sans exiger qu’ils soient assurés sociaux. A charge de récupérer ensuite le montant des soins, soit auprès du patient, soit auprès de son pays d’origine et de son assurance s’il en a une, soit en lui ouvrant des droits s’il est en situation régulière avec par exemple la CMU (couverture maladie universelle). Il est vrai qu’une proportion de ces patients ne répond à aucun critère pour obtenir un paiement, et qu’il arrive que les soins ne soient jamais remboursés. Il est vrai aussi que des abus sont relevés, parce que des étrangers viennent en France uniquement pour se faire soigner, parfois lorsqu’ils sont gravement malades.

En charge du budget, je me souviens que lorsque les dépenses de santé dépassaient les 400 Milliards d’Euros, l’AME se chiffrait au total à environ 1 Milliard. Donc les sommes non recouvrées (forcément inférieures) représentaient moins de 0.25 % des dépenses de santé. Soigner sans préalable sauve des vies, évite la propagation d’épidémies, répond à un principe d’humanité dont s’honore la France.

Je soutiens, quitte à être vilipendé, que le pays des lumières doit savoir consacrer cette part fort modeste de sa richesse à soigner des femmes, des hommes et des enfants… Dans certaines religions, il est demandé que la générosité atteigne 10 % de ses revenus… A l’entrée de l’hôpital, doit-on renvoyer des êtres humains parce qu’ils n’ont pas une situation administrative précise ?

 

Faut-il attendre des compromis recherchés au Parlement des réponses autres que celles guidées par la recherche d'accords de circonstance ? Pour éviter un nouveau 49-3, certains sont prêts à accepter l'inacceptable, à perdre leur âme et à prendre les postures populistes à la mode. J'espère encore que la raison l'emportera...

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Mourir en méditérannée, et retomber dans l'oubli....

22 Juin 2023 , Rédigé par Christian Eckert

Le naufrage d'un bateau en méditerranée a entrainé la mort probable de plusieurs centaines de personnes fuyant qui la misère, qui la persécution, tous cherchant un monde meilleur en Europe. Quelques jours plus tard, le silence se fait autour de ce drame, entrainant son oubli jusqu'à une prochaine fois...

La banalisation de ces horreurs s'installe.

Notre confort, relatif certes, mais globalement acquis comparé aux affres subis dans certains pays du sud, nous ferait-il oublié que beaucoup de nos aïeux ont fui aussi  pour que nous vivions mieux. Certains chassés par des pouvoirs totalitaires, d'autres par la faim, la guerre ou les difficultés quotidiennes.

Tous n'ont pas toujours été bien accueillis par les autochtones de leur lieu d'arrivée. Beaucoup ont cherché leur intégration, cachant parfois leurs cultures, leurs religions, évitant mais pas toujours le communautarisme.

Globalement, pour la tranche de siècle que j'ai connue, là où j'ai vécu, l'intégration s'est faite beaucoup au travail quand les industries se nourrissaient de main d’œuvre. Elle s'est faite aussi par l'école de la République, tenue par les hussards noirs dont la soif d'éduquer a forgé des générations de citoyens éclairés.

La multiplication des mouvements migratoires, dont on prévoit l'amplification, trouve des conditions moins favorables : la désindustrialisation de nos pays a un temps rendu la main d’œuvre moins vitale pour l'économie et le travail n'assure donc plus toujours un confort de vie suffisant. L'école est à l'évidence devenue plus un lieu de formation fait pour l'employabilité de ceux qui en sortent. L’ascenseur social un temps assis sur la seule performance est aujourd'hui conditionné à l'argent ou à la classe sociale d'origine.

La peur de l'immigration est donc devenue assez générale, traversant les échiquiers politiques. Elle est même plus intense dans certains territoires ruraux où elle n'est pas encore arrivée que dans les centres urbains où elle est plus palpable.

La peur n'est pas à combattre par le rejet, car nulle muraille n'arrêtera celles et ceux qui s'arrachent de chez eux pour survivre.

L'immigration doit se gérer par une gestion humaniste et globale :

  • L'humanisme n'est pas l'angélisme béat. S'il s'appuie sur le respect et le souci des autres, sur l'idée de mutualiser nos moyens au service de tous, il exige aussi que chacun prenne en compte les règles communes. Ainsi en va-t-il du respect des lois et de la laïcité qui doit se pratiquer dans l'espace et les services publics. Les signes ostentatoires religieux et la prière, dans la rue, à l'école ou dans tout bâtiment public sont à proscrire. Le respect des lois doit être une condition intangible pour acquérir ou conserver un titre de séjour.
  • La globalité passe d'abord par une approche européenne à défaut de pouvoir à ce stade être gérée mondialement. Si l'Europe a une dimension à affirmer, c'est son choix de faire de ses frontières une enveloppe d'un espace unifié où les grands principes sont de mise partout. Dans l'Union, chaque pays doit prendre sa part dans l'effort d'accueil de celles et ceux qui justifient du besoin d'être ailleurs que là où ils sont nés. Il n'est pas possible que certains pays européens assument seuls ce rôle et que d'autres s'entourent de barbelés pour s'en dispenser.
  • L'une des difficultés est de distinguer entre les demandeurs d'asile, les situations d'absolue nécessité et les autres qui cherchent parfois plus à trouver ailleurs simplement mieux que ce qu'ils connaissaient chez eux. L'idée en vogue consisterait à favoriser l'arrivée de celles et ceux qui nous seraient utiles pour exercer des métiers dits en tension. Je n'y souscrit pas. Outre que cela vide des pays de leurs populations les mieux formées, je ne peux croire que notre ouverture aux autres se ferait à l'aune de notre intérêt économique. Le premier critère (quel drôle de mot parlant d'êtres humains) est celui de leur impossibilité de survivre là d'où ils fuient : la guerre, les calamités, les persécutions, les famines...

Le prochain scrutin sera l'élection européenne. La Gauche, quel que soit le nombre de ses listes, devra sortir des positions simplistes dont elle a pris l'habitude. Accueillir oui, mais ensemble, avec des priorités et une volonté partagée d'intégrer. Cela sera difficile, mais l'enjeu est énorme et l'histoire est remplie de terribles conflits qui ont surgi pour avoir mal appréhendé les différences entre les hommes, les besoins des populations pour trouver des territoires de vie et les moyens de s'y développer. Que cela nous serve de leçon...

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Comment les pervers ont gagné au Parlement en respectant le droit...

8 Juin 2023 , Rédigé par Christian Eckert

L’application de l’article 40 à la proposition de loi du groupe L.I.O.T. visant à abroger le recul de l’âge de départ en retraite a confirmé si besoin la perversité du pouvoir actuel.

Ancien député, membre de la commission des finances, ancien rapporteur du Budget de ladite commission, ancien secrétaire d’État en charge du Budget, j’ose m’exprimer sur le sujet. D’autant que beaucoup de sornettes sont racontées (y compris par la presse souvent peu rigoureuse dans ses analyses). Le droit est précis et mérite qu’on s’y arrête autant qu’on s’y tienne.

L’article 40 de la constitution stipule que : « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

Cet article normalement connu des parlementaires sérieux est pointé dans tous les cours de droit comme un exemple des subtilités à connaitre. L’utilisation du singulier et du pluriel est ici essentielle : 

  • Ainsi, les parlementaires peuvent agir sur les ressources sans GLOBALEMENT les baisser. Ils peuvent par exemple diminuer un impôt mais doivent alors simultanément augmenter à due concurrence une autre recette !
  • Par contre, ils ne peuvent pas augmenter une dépense, même s’ils proposent de compenser cet alourdissement par une économie ailleurs ou par une recette nouvelle. (Une dérogation est maintenant possible dans une même mission, c’est-à-dire entre dépenses de natures proches).

Cette exigence restreint considérablement les pouvoirs du Parlement et mérite (entre autres choses) d’être supprimée dans une prochaine réforme constitutionnelle, pour assurer une véritable République parlementaire.

L'article 40 de la Constitution vise les « propositions et amendements » formulés par les membres du Parlement. Ces dispositions concernent donc non seulement les amendements, mais également les propositions de loi (P.P.L.) déposées par les députés et les sénateurs.

Une lecture rigoureuse, pour ne pas dire « rigoriste », de l'article 40 aboutit donc, en principe, à refuser le dépôt des propositions de loi créant ou aggravant une charge publique.

La proposition du groupe L.I.O.T. alourdit effectivement la charge publique de retraites, et comme indiqué précédemment, ni une autre économie ni une autre recette même égale en volume ne peut la rendre recevable ! La P.P.L. ne respecte pas l'article 40.

Toutefois, et c’est fondamental, « selon une pratique constante et commune aux deux assemblées du Parlement, de telles propositions de loi sont admises, à la condition d'être assorties d'une compensation en recettes, signalant que le dispositif proposé comporte des incidences financières ». (Extrait du rapport sénatorial de Jean Arthuis en 2008). Faute de cette pratique, quasiment aucune P.P.L. ne serait recevable…

Le Gouvernement le sait, ses juristes et ceux de l’Assemblée aussi. Ainsi, le bureau de l’Assemblée Nationale, au nom de cette pratique, n’a pas opposé l’article 40 à la PPL du groupe L.I.O.T.

La perversité a été de faire supprimer l’article 1 revenant à l’âge de 62 ans en commission. La composition de la commission étant mieux maîtrisée que l’Assemblée. Deux parlementaires (L.R.) moins maitrisables ayant été remplacés par sécurité juste avant la séance, le vote a été 38 contre 34.

Les pervers ont gagné : réintroduire l’âge de 62 ans ne pouvait alors plus se faire que par amendement. Cet amendement ne respecte évidemment pas plus l’article 40 que la P.P.L. initiale, mais ne bénéficie pas de la bienveillance réservée aux P.P.L. Logiquement, la Présidente de l'Assemblée a soulevé l'irrecevabilité de l'amendement en conformité avec le droit !

La manœuvre est astucieuse et empêche à nouveau le vote. CQFD... Les pervers l'ont emporté sans enfreindre les règles de droit...

L’article 40 est un frein inconcevable à la capacité législative du Parlement… Le supprimer ou le réécrire est évidemment une nécessité absolue.

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Pour financer la transition écologique, certains ont des idées... Le Gouvernement les rejette...

23 Mai 2023 , Rédigé par Christian Eckert

Pour faire suite à mes réflexions de ces derniers jours, le Gouvernement vient de trancher. Jean Pisani-Ferry, qui a proposé un rapport sur le financement de la transition écologique vient de se faire renvoyer dans ses buts sur plusieurs points :

  • tout d'abord, son idée d'un impôt sur le capital financier détenu par les 10% des plus riches pour faire suite au constat que ceux-là sont de loin les plus gros émetteurs de CO². La justice et l'équilibre des financements nécessaires plaident naturellement pour cela.
  • Ensuite, son étude conduit à dire que les besoins de financement conduiraient à une hausse de l'endettement (d'où la précédente suggestion) a fait réagir le plumitif de Bercy qui exclut d'augmenter la dette, même si c'est pour des investissements vertueux.
  • Curieusement, le même Ministre défend l'idée de Crédits d'Impôts pour les entreprises qui décideraient d'accomplir simplement leur devoir : réduire leurs émissions de CO². Comme si les Crédits d'Impôts n'alourdissaient pas la dette !
  • Le financement serait assuré par un rabot sur les crédits des Ministères. On oublie les annonces dithyrambiques de ces derniers jours, concernant les Milliards promis à la justice, aux dépenses militaires, à l'hôpital, à la SNCF, au plan vélos....

Tout cela montre une absence de sérieux et de courage. La volonté pour que chacun prenne équitablement sa part dans les mutations à conduire n'est à l'évidence pas au rendez-vous. Il est vrai que ce Gouvernement peine à s'attaquer aux profiteurs de crise.

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La France seule ne résoudra pas la crise climatique...

22 Mai 2023 , Rédigé par Christian Eckert

L’actualité du moment force le débat public à se concentrer sur les questions environnementales. C’est utile.

L’économiste Pisani-Ferry, macronien de la première heure, ayant ensuite pris ses distances, vient de produire un rapport sur les moyens à mettre en œuvre pour assure le respect des réductions d’émissions de CO² dans la prochaine décennie. Il pointe la nécessité d’endetter le pays, de veiller à répartir équitablement les efforts et suggère de (re)mettre en place une imposition des 10% les plus riches. Tout cela va dans le bon sens, peut-être amendé, critiqué, complété, mais répond à notre obligation d’intégrer les actions pour le climat dans le temps politique et économique.

Le même jour, Elisabeth Borne précise un peu la vision du Gouvernement sur la planification écologique. Cela reste encore assez général, mais répartit les efforts entre les grands secteurs d’activité et donne des axes quantifiés d’évolutions à conduire. Là encore l’exercice est intéressant et utile. Il fait vivre le débat et préfigure des lois à venir.

Chacun aura ses calendriers, ses priorités… De formation scientifique, j’ai moi aussi quelques idées : l’hydrogène (comment ?), le nucléaire (ou pas), les transports (leurs prix) … Mais là n’est pas mon propos.

L’urgence climatique n’est plus contestée aujourd’hui. Certains comptent en années, d'autres en décennies, mais plus personne en siècles ! Mais qui peut ici croire qu’une France en phase avec ses objectifs assurera seule l’avenir de la planète.

Le défi de la lutte contre le réchauffement climatique est à l’évidence d’une dimension mondiale. Si la France atteint ses objectifs à temps, et même si elle fait mieux et plus vite, et si parallèlement les autres Etats, en particulier les Etats Unis et la Chine ne font rien ou trop peu, nous continuerons à voir la planète et tous ses territoires courir vers de graves difficultés.

Je suis frappé par le manque de coordination internationale sur l’action climatique. Certes il y a des COP qui connaissent des succès « divers », des GIEC qui font des rapports précis… Mais si la situation devient si grave et préoccupante, pourquoi n’y a-t-il pas une instance permanente, à l’ONU ou à ses côtés, pour suivre, conseiller et inciter.

Pour le moins l’Europe doit plus coordonner ses actions. Certains sujets (l’énergie, les transports internationaux, l'eau, les véhicules du futur…) sont naturellement de son ressort. Espérons que le renouvellement prochain de son Assemblée soit l’occasion de traiter sérieusement ces sujets. Il ne suffira pas de se proclamer vert, de verdir son discours dans un parti moins vert ou même de proposer quelques mesurettes vertes dans un programme classique pour répondre à l’enjeu du climat !

Les efforts français sont indispensables, et vont faire l’objet de débats légitimes. Mais n’oublions pas que la France n’est qu’une toute petite part d’une planète où les frontières nationales ne sont rien par rapport au climat du Monde.

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Articles 49-3, 40 et maintenant 48 : la Constitution s'utilise contre le Parlement...

18 Mai 2023 , Rédigé par Christian Eckert

La Constitution de notre République correspondait à son époque. Après la guerre, il fallait reconstruire autour d’un pouvoir fort, pour ne pas dire autour d’un homme fort. Ainsi notre régime se dit parlementaire mais se révèle en fait presque Présidentiel. La personnalité de l'actuel locataire "bravache" de l’Élysée renforce encore ce constat.

Bien des dispositions sont à revoir, si tant est que l’on souhaite – c’est mon cas – vivre dans une vraie République parlementaire :

L’article 49-3 est maintenant (tristement) connu de la plupart de nos concitoyens. Observons toutefois que c’est son application sur la réforme des retraites qui a fait fortement réagir l’opinion. Il avait déjà été utilisé plusieurs fois dans l’indifférence générale fin 2022 pour faire adopter le budget 2023 !

L’article 40 est en passe de rejoindre le 49-3 dans le rejet de l’opinion, et il est grand temps. Les parlementaires sérieux le connaissent et leur capacité d’initiative pour élaborer les lois (en particulier financières) en a considérablement été entravée. Il est complexe et souvent mal interprété, y compris dans les nombreux articles de presse du moment. Les plus accros au droit trouveront plus de détails ici.

Les vrais démocrates pointent aussi très souvent l’article 48 de la constitution. Il détermine le mode de fixation de l’ordre du jour des Assemblées. Même amélioré en 2008, il confie quasiment au Gouvernement le soin d’imposer au Parlement le contenu de ses travaux. Ainsi, hormis quelques jours par session de 9h à 24h (appelés « niches parlementaires »), les seuls textes examinés sont ceux que le Gouvernement décide.

Ainsi, 99 % des très nombreuses propositions de loi que les parlementaires déposent ne sont jamais débattues et encore moins votées. Les parlementaires se font plaisir en déposant des textes, montrent à leurs électeurs qu’ils sont actifs, mais ils savent bien que ces textes n’ont, en général, aucune chance d’être adoptés !

Et même un texte voté dans une niche devra attendre son inscription hypothétique dans l’autre chambre pour poursuivre son chemin de croix vers l’adoption… Il en va ainsi par exemple du texte voté récemment (contre l’avis du Gouvernement) à l’Assemblée Nationale sur la nationalisation d’EDF ! De même si, par un heureux concours de circonstance, le texte LIOT était adopté le 8 juin par l’Assemblée, son passage au Sénat n’est pas acquis et son adoption définitive hautement improbable.

Les urgences sociales, économiques, internationales et environnementales ont occulté fort logiquement l’idée d’une réforme constitutionnelle. Pour autant, tirons les enseignements des dysfonctionnements politiques de cette séquence et n’oublions pas, le moment venu, de revoir – et ce sont loin d’être les seuls – les articles 40, 48 et 49-3 de notre constitution.

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L'anomalie de l'Article 40 de la constitution et la Proposition de loi du groupe LIOT

16 Mai 2023 , Rédigé par Christian Eckert

Le débat fait rage sur l’application de l’article 40 à la proposition de loi devant être examinée le 8 juin prochain visant à abroger le recul de l’âge de départ en retraite.

Ancien député, membre de la commission des finances, ancien rapporteur du Budget de ladite commission, ancien secrétaire d’État en charge du Budget, j’ose m’exprimer sur le sujet.

L’article 40 de la constitution stipule que : « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

Cet article normalement connu des parlementaires est pointé dans tous les cours de droit comme un exemple des subtilités à connaitre. L’utilisation du singulier et du pluriel est ici essentielle : 

  • Ainsi, les parlementaires peuvent agir sur les ressources sans GLOBALEMENT les baisser. Ils peuvent par exemple diminuer un impôt mais doivent alors simultanément augmenter à due concurrence une autre recette !
  • Par contre, ils ne peuvent pas augmenter une dépense, même s’ils proposent de compenser cet alourdissement par une économie ailleurs ou par une recette nouvelle. (Une dérogation est maintenant possible dans une même mission, c’est-à-dire entre dépenses très proches).

Cette exigence restreint considérablement les pouvoirs du Parlement et mérite (entre autres choses) d’être supprimée dans une prochaine réforme constitutionnelle, pour assurer une véritable République parlementaire.

Il semble que les élus de la minorité macronienne souhaitent que le texte du groupe LIOT soit rejeté au nom de ce principe.

L’article 40 est clair : l’article 40 porte sur les propositions de loi comme sur les amendements. La proposition de loi doit donc respecter l’article 40.

Le règlement de l’Assemblée (détaillé ici) stipule que la recevabilité doit être examinée préalablement au dépôt du texte par le bureau de l’Assemblée. Celui-ci, sur ce dossier, n’a pas soulevé de problème concernant l’article 40.

Le règlement prévoit aussi que : « Les dispositions de l’article 40 de la Constitution peuvent être opposées « à tout moment » au cours de la procédure législative, par le Gouvernement ou par tout député, aux propositions, y compris celles qui auraient été préalablement déclarées recevables par le Bureau de l’Assemblée ».

C’est semble-t-il l’intention des macroniens.

Mais qui statue alors ?

L’alinéa 4 de l’article 89 du règlement de l’Assemblée Nationale est un peu flou :

« Les dispositions de l’article 40 de la Constitution peuvent être opposées à tout moment aux propositions de loi et aux amendements, ainsi qu’aux modifications apportées par les commissions aux textes dont elles sont saisies, par le Gouvernement ou par tout député. L’irrecevabilité est appréciée par le président ou le rapporteur général de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ou un membre de son bureau désigné à cet effet. »

Le Président de commission est LFI, le rapporteur général est Renaissance. Gloups…

Ramener l’âge de départ à 62 ans augmente incontestablement une dépense publique par rapport à la nouvelle loi votée par 49.3.

Il est pour autant inconcevable sur ce sujet, d’empêcher un vote sur une question qui frappe des millions de français, choqués en plus par la méthode d’adoption jalonnée d’arguties juridiques.

Les macroniens oseraient ici en faire une autre, pour empêcher encore une fois le Parlement de s’exprimer ? Le reste de confiance entre le peuple et ses représentants n’y survivra pas. Les Milliards en jeu sur ce dossier ne justifient en rien cet entêtement présidentiel, qui révèle plus un regrettable trait de caractère que la qualité d’un homme d’État.  

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