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Insincère en 2024, le projet de budget pour 2025 est-il réaliste ?

20 Novembre 2024 , Rédigé par Christian Eckert

Les débats vont bon train sur les questions budgétaires. Je ne mes suis pas exprimé sur le sujet depuis longtemps, mais : de 2012 à 2017, deux ans Rapporteur Général du Budget à la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale (le poste occupé aujourd’hui par Charles de Courson) puis trois ans Secrétaire d’État en charge du Budget et des Comptes Publics au sein du Gouvernement, j’ose ici quelques réflexions personnelles sur la situation financière de notre pays.

 

La première réflexion consiste à affirmer qu’en ce domaine, contrairement aux idées reçues, il faut faire preuve d’humilité. L’exercice (en temps normal) commande de préparer de mars à juillet la version finalisée, à l’automne, du budget de l’année suivante (!), voté fin décembre par le Parlement. C’est dire qu’on travaille sur un exercice qui débutera 6 mois après les premiers travaux et durera ensuite encore 12 longs mois. Sans compter que les recettes et les dépenses futures dépendent des hypothèses faites sur de nombreux paramètres comme la croissance, l’inflation, la masse salariale, le cours du pétrole, celui de l’Euro, le taux de chômage, les naissances et les décès… On sait aussi qu’en cours de l’année à venir peuvent survenir des évènements majeurs allant des crises sanitaires aux évènements climatiques en passant par les conflits armés voire les chamboulements géopolitique en France comme dans le monde.

 

Ainsi, fin 2023, le Gouvernement de Monsieur Macron a fait adopter au Parlement (par l’utilisation du fameux article 49.3) une loi de finances pour 2024 prévoyant un déficit de 4.4% du PIB. Dès les premiers mois de 2024, les services de Bercy ont noté que l’exercice 2023 avait été plus mauvais que prévu et que la tendance pour 2024 s’écartait des chiffres votés en décembre. Aucune communication extérieure, aucun ajustement (pourtant possible par une loi de finances rectificative) … Mais on apprenait ces derniers jours que le déficit de 2024 atteindrait sans doute 6.1% du PIB, soit une dérive (le mot est faible) de plus de 50 Milliards d’Euros ! Pour expliquer cela, les "sortants" accusent les collectivités locales d’avoir plus dépensé, et chargent l’administration de Bercy. Qui peut croire cela ? Pas moi…

 

Fin 2016, j’avais présenté et le Parlement avait voté une loi de finances prévoyant 2.7% de déficit. Saisie en juin par le nouveau Gouvernement du Président Macron, la Cour des comptes avait prononcé le mot d’insincérité car elle prévoyait un déficit de 3.2%, soit environ 12 Milliards d’Euros de dépassement. Il sera en fait constaté à 2.6% après l’exercice, grâce aussi, pour être honnête, à quelques corrections -habituelles en milieu d’année - du nouveau pouvoir issu de l’alternance. Cette fois, en 2024, l’écart est énorme et justifie entièrement le récent rapport "au vitriol" du Sénat. La Cour des comptes (dont l’ancien Premier Président Migaud est aujourd’hui Ministre de la justice) est muette, alors que de tels écarts sont inédits et inexpliqués.

 

Mais maintenant que l’on en est là, quel regard porter sur la loi de finances pour 2025, préparée certes dans une urgence rare, portée par le nouveau Premier Ministre par ailleurs à l’évidence contrarié d’avoir trouvé de nombreux cadavres dans les placards de Bercy et Matignon ?

 

L’objectif de 60 Milliards de réduction du déficit en un seul exercice budgétaire est – c’est mon avis – inatteignable. Nous avions en 2014, construit un plan de 50 Milliards d’économie sur 3 ans. Nous en avons réalisé environ 35… Cela a par ailleurs abouti à une raclée électorale que l’on a expliqué par d’autres sujets, mais dont je pense qu’elle est surtout la conséquence des économies faites sur les services publics et les fonctionnaires, la santé et l’hôpital public… On se souvient de certaines mesures fiscales impopulaires, mais qui se souvient qu’en matière d’impôts, nous avions intégré  les revenus du capital (dividendes, plus-values, intérêts perçus…) dans l’assiette de l’impôt sur les revenus du travail ?

 

Michel Barnier prétend faire 60 Milliards de réduction du déficit avec 40 Milliards d’économies et 20 Milliards de recettes nouvelles. J’observe que certaines mesures présentées comme des économies sont en fait des recettes nouvelles, et surtout que, comme on dit à Bercy, les économies évoquées sont « peu documentées ». Certes, on peut - et il faut - fusionner voire supprimer quelques organismes ou agences. Mais qui peut croire que cela produira 1 Milliard d’économies…

 

Mon expérience, teintée de l’humilité évoquée au début, me fait dire que si la réduction du déficit atteint 25 Milliards d’Euros en 2025, Monsieur Barnier aura bien travaillé. Dans l’intérêt des finances françaises, je souhaite me tromper et vous donne rendez-vous début 2026 pour en juger.

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Chômage et travailleurs frontaliers... Retrouver le bon sens !

16 Novembre 2024 , Rédigé par Christian Eckert

La condition des travailleurs frontaliers soulève souvent des débats techniques qu’il convient de regarder avec précision avant d’émettre un jugement. Dans le territoire nord lorrain où je vis, un grand nombre de nos concitoyens habitent en France et travaillent au Grand-Duché du Luxembourg.

Rappelons d’abord que, conformément à la règle la plus utilisée dans le monde (même si ce n’est pas partout), ces travailleurs frontaliers paient l’impôt sur leurs revenus au Luxembourg, comme leurs cotisations sociales.

Les frontaliers versant leurs cotisations sociales au Grand-Duché bénéficient légitimement des dispositifs sociaux de ce pays (d’ailleurs bien plus favorables qu’en France)

Comme ils versent aussi leurs cotisations à l’assurance chômage au Luxembourg, on peut s’attendre à ce qu’en cas de licenciement, ce soit le Luxembourg qui prenne en charge l’indemnisation. En fait, c’est l’UNEDIC en France qui  paie. C’est absolument anormal.

Cette règle « bancale » est en cours de renégociation entre les pays de l’Union depuis 2016 (ça fait quand même 8 ans !). Selon mes informations un accord avait été trouvé pour en revenir au simple « bon sens ». Mais ce dernier s’est perdu dans les arcanes politico-administratifs de l’Union, sous la pression de quelques-uns, parmi lesquels … le Luxembourg (qui avait par ailleurs obtenu un délai pour éventuellement appliquer la nouvelle règle).

L’UNEDIC (en France) plaide pour n’avoir à indemniser que celles et ceux qui lui versent des cotisations. C’est logique. Le coût total de ces situations est de l’ordre de 800 Millions, dont 20% viennent du Luxembourg. On ignore souvent que l’UNEDIC est un organisme public aujourd’hui excédentaire.

Il faut revenir à la cohérence : « on est indemnisé par celui auquel on a versé ses cotisations ».

Pour autant, il semble qu’une curieuse solution soit retenue. On s’apprête à baisser (d’environ 50% pour les franco-luxembourgeois) l’indemnisation des salariés licenciés. Au lieu de revoir une règle stupide en vigueur depuis 2004, on va baisser les ressources de personnes qui n’ont pas choisi où cotiser !

Certains avancent aussi un curieux argument : les travailleurs frontaliers sont mieux payés…

Apporter une mauvaise réponse à une bonne question, sans en avoir au préalable discuté avec les intéressés… Encore une faute qui séparera un peu plus les électeurs de leurs élus.

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La Constitution musèle le Parlement par l'article 40 (entre autres).

5 Novembre 2024 , Rédigé par Christian Eckert

La constitution musèle le Parlement :

l’exemple de l’article 40 !

 

La plupart des français ignorent les dispositions constitutionnelles en vigueur dans notre pays, tant elles sont parfois subtiles.

Ils connaissent maintenant un peu mieux l’article 49-3 : son utilisation sur la réforme des retraites les a marqués. Le Gouvernement Borne l’avait pourtant utilisé à de nombreuses reprises dans l’indifférence générale pour faire « passer » ses budgets…

Mais un autre article de notre constitution mérite d’être décortiqué, tant il est subtil et réduit considérablement les droits du Parlement, à qui pourtant la même constitution donne en théorie l’exclusivité pour fixer les recettes et les dépenses de l’Etat.

Cet article (l’article 40 reproduit intégralement ci-dessous) est à lire attentivement :

« Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. »

La subtilité, largement ignorée, réside dans le pluriel (utilisé pour les recettes) et le singulier (utilisé pour les dépenses.

Ainsi, un parlementaire peut décider de diminuer une recette, à la seule condition de compenser cette « perte » par une recette équivalente. Par exemple, un amendement diminuant l’impôt sur le revenu d’1 Milliard sera « recevable » si, dans le même amendement, on augmente une autre recette (taxe sur le tabac, CSG, …) d’un même montant.

Par contre, sur les dépenses, cette compensation ne fonctionne pas : ainsi, par exemple, proposer d’embaucher 1 000 enseignants supplémentaires, sera TOUJOURS irrecevable. Même en proposant dans le même texte une recette couvrant cette dépense, même en proposant une économie à due concurrence dans d’autres charges de l’Etat… En aggravant le seul poste de dépenses des enseignants, la proposition n’arrivera même pas en discussion…

Cette règle a par exemple été utilisée par la Présidente de l’Assemblée Nationale pour empêcher l’examen d’une proposition de loi du groupe L.I.O.T visant à abroger la dernière réforme des retraites. Pourtant, des recettes supplémentaires et des économies couvraient la dépense nouvelle. Le texte n’a pu être discuté, et encore moins soumis au vote.

Les discussions actuelles sur les budgets de l’Etat montrent – et montreront - les limites des pouvoirs du Parlement dans notre Pays. Le Gouvernement (non contraint par l’Article 40) peut facilement imposer ses orientations, et le 49/3 clôturera en plus les débats faute d’une majorité prête à censurer le Gouvernement !

Cela montre bien que notre République, contrairement aux discours convenus, n’est pas vraiment une République parlementaire !

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