Taxe à 75% : l'UMP offre une peu de répit à 1500 personnes !
Sollicité par les parlementaires UMP, le Conseil Constitutionnel vient de faire un beau cadeau de fin d'année à 1 500 personnes. A Noël, il est de tradition de s'appitoyer sur les sans abris, les travailleurs pauvres, les personnes agées isolées, les malades...
Cette année, la France entière s'émeut devant le miracle de Noël qui a sauvé environ 15 personnes par département de notre pays. Pas ceux qui galèrent pour finir leur fin de mois, faire le plein d'essence, payer la cantine des enfants, acheter les cadeaux de Noël, payer la taxe d'habitation ou la facture d'eau, aller aux restos du coeur...
Cette année, le miracle de Noël a sauvé de la spoliation selon les parlementaires UMP, ceux qui gagnent en une seule année le double de ce que gagnent les quelques 3 Millions de smicards de France pendant leur vie de travail !
Et les éditorialistes de tout poil, les économistes prévisionistes de tout bord, saluent l'évènement comme si taxer à 75% les revenus annuels dépassant le Million d'Euros, eut été l'injustice majeure de ce début de siècle, le péché originel de ces socialistes illégitimes, pressés de "faire la peau des riches".
Analysons froidement la chose, au delà de la passion, l'amertume, l'ironie ou la colère :
Le Conseil Constitutionnel a validé 99% du contenu des lois de finances examinées. Il en a validé les principes, la sincérité, l'intelligibilité. Ces trois points étaient pourtant les principaux griefs de la droite dans le recours engagé. Les quelques points censurés suppriment au total moins de 500 Millions de recettes, sur un total de l'ordre de 300 Milliards. La correction est de de 0.15% seulement. L'épaisseur du trait, qui ne nécessite pas de loi de finances rectificative.
Le Conseil Constitutionnel a au passage validé le fameux article "Pigeons", dont la censure avait été pronostiquée par Gilles Carrez pour initelligibilité. Il a aussi validé le Crédit d'Impôts Compétitivité Emploi dont le sentencieux et prétentieux Charles de Courson avait prédit l'annulation. Il a confirmé l'abaissement du plafonnement du quotient familial dont le populiste Hervé Mariton avait déjà annoncé l'inconstitutionnalité. Il a enfin dans le préambule de son jugement, précisé la constitutionnalité de l'Isf et de l'alignement de la fiscalité des revenus du capital sur ceux du travail.
MAIS, il a censuré la taxation à 75% des revenus d'activité supérieurs à 1 Millions d'Euros par personne. C'est l'arbre qui cache la forêt.
Il faut bien lire le motif de cette annulation :
"Le Conseil constitutionnel a, sans se prononcer sur les autres griefs dirigés contre cet article, censuré l'article 12 pour méconnaissance de l'égalité devant les charges publiques."
Chaque mot est important, les juristes et les parlementaires le savent. A aucun moment, le caractère confiscatoire que la droite claironne partout n'est évoqué. Ce grief n'a pas été tranché par le Conseil dans cet article 12, ni dans un sens, ni dans l'autre. L'argument est différent. Il est explicité dans le jugement : l'impôt en France est conjugalisé, cette taxe était individualisée. Nous l'avions conçue et bâtie comme un outil de dissuasion des salaires exorbitants, pas comme une tranche supplémentaire de l'impôt. Ainsi, un couple où chacun gagne 600 000 Euros n'était pas taxé. Un autre couple où l'un gagne 1 200 000 Euros et l'autre rien, l'était. Chaque couple dispose pourtant du même revenu. C'est cette inégalité et rien d'autre qui a entrainé la censure !
Beaucoup évoquent alors l'amateurisme du Gouvernement et de sa majorité, qui auraient pu prévoir cela !
Là encore, la vérité doit être dite : j'avais, sur le conseil avisé de mon équipe d'administrateurs à l'Assemblée Nationale, fait préparer un amendement pour éviter cette distorsion entre foyers fiscaux. Comme toujours, cela a été évoqué avec le cabinet du Ministre du Budget en amont des séances publiques pour éviter que le rapporteur du Budget soumette un amendement qui ne reccueille pas l'assentiment du Gouvernement qu'il soutient. On m'a dissuadé de déposer cet amendement. J'y ai renoncé car l'expérience démontre qu'en général la majorité ne vote qu'exceptionnellement contre l'avis du Gouvernement. J'ai ainsi été échaudé par l'épisode "oeuvres d'art et ISF" (!). Je regrette de n'avoir pas su convaincre sur ce point.
Comme je regrette aussi de ne pas avoir persisté dans ma volonté de plafonner davantage les niches "outre-mer" et Sofica. Cela m'a valu des batailles épiques nocturnes avec les parlementaires ultra-marins, la Ministre de la Culture et l'Elysée. Tous auraient mieux fait d'accepter la petite réduction du plafond que je suggérais. Le Conseil Constitutionnel a réduit drastiquement le plafond et aurait sans doute validé le geste plus supportable que je proposais...
Les leçons à tirer de tout cela sont simples et rappellent d'autres billets de ce blog :
D'abord, légiférer est complexe, nécessite temps et réflexion. Ecouter plus les parlementaires de la majorité éviterait de donner du grain à moudre à la droite.
Ensuite, légiférer pour quelques uns n'est jamais sain. On parle aujourd'hui beaucoup de ces 1 500 gros salaires que des dizaines de millions d'autres français.
Enfin, et c'est rassurant, l'essentiel de nos lois de finances ont été validées. Elles ont été inspirées par la justice fiscale : rétablissement de l'ISF, tranche d'impôts à 45% pour les plus hauts revenus, detricotage de la niche Coppé, sollicitation des grosses entreprises, imposition au barèmes de nombreux revenus du capital, mise en place du CICE...
Si la croissance revient, les déficits et la dette hérités de la droite aux manettes ces dix dernières années se réduiront et les marges de manoeuvre permettront un retour à une politique sociale nécessaire et attendue par plus de 1 500 familles.