Ecrire pour faire lire, pour vendre, pour faire peur...
Depuis très longtemps, je sais que les relations des élus avec la presse sont particulières.
L'indépendance de la presse est un principe intangible, que je n'ai jamais remis en cause. La gauche a même fait progresser la loi protégeant les journalistes, leurs sources et donc leur travail, nécessaire à la vie démocratique et au débat républicain. Les journalistes ont le droit de tout écrire, le devoir de tout montrer.
Ils doivent mesurer leur pouvoir et chercher l'objectivité, car dans nos circonscriptions, on entend bien souvent dire : "C'est vrai parce que c'est écrit dans le journal !".
Sachant l'impact des médias dans l'opinion publique, nous autres, femmes et hommes publics, en usons et parfois en abusons. Nous cherchons à être cités, à être
commentés et flattés, quitte à manquer de mesure et à déformer la réalité.
Ce constat n'a rien d'exceptionnel. Les plus au fait de ces questions diront sans doute que je découvre la lune et que j'enfonce des portes ouvertes...
Les professionnels savent que le titre d'un article influe pour un tiers l'opinion des lecteurs et les photos pour un autre tiers. Le contenu, après tout le plus important, n'y est que pour assez peu, sachant que les sous-titres, les encadrés, le début et la fin sont aussi des marqueurs forts.
La lecture des journaux de ce matin m'a quelque peu irrité, et cela devient fréquent :
Hier, un journaliste des Echos m'appelle et me demande de revenir sur la question de la déductibilité de la CSG, qui fait débat dans la remise à plat de la fiscalité. En circonscription ce lundi, je n'avais pas encore vu le détail d'une étude qui traite de ce sujet complexe. Comme j'avais décidé de ne plus m'exprimer avant la fin de nos réflexions, je le lui ai dit, en précisant que rien n'est décidé, que toutes les hypothèses sont explorées, que la déductibilité totale ou la non déductibilité totale doit être compensée par des variations du taux de la CSG ou par des modifications du barême de l'impôt sur le revenu.
Ce matin, le titre de l'article, pleine page, est : "Impôts : La fin de la déductibilité ferait plus de 6 millions de perdants".
Il faut se plonger dans l'aricle pour trouver en petits caractères que : "le nombre de ménages ganants se chiffre à 18,4 millions". Après tout, ce n'est
que trois fois plus !
La lecture attentive de l'article révèle encore une autre gymnastique : il y est précisé que cette étude est faite à prélèvement constant. Ce qui n'empêche pas le journaliste de conclure son article en écrivant : "L'exécutif craint qu'une telle réforme aille à l'encontre de son objectif d'allègement de la pression fiscale..."
Il est vrai que la première phrase donnait le ton : "Le Gouvernement savait le dossier explosif. Il sait désormais à quel point".
Les Echos ne sont pas la tasse de thé des électeurs de ma circonscription. J'ai donc lu Le Républicain Lorrain.
Là aussi, je suis un peu resté interloqué : Il y est relaté qu'un fonctionnaire territorial sera traduit devant le tribunal car accusé d'avoir détourné des livres de la bibliothèque de Villerupt pour les revendre à son profit.
Passe encore que l'information soit donnée avant que la chose soit jugée, encore que dans nos petites villes, chacun peut identifier le mis en examen, présumé
innocent avant le verdict de la justice.
Ce qui m'a interpelé, c'est l'introduction de l'article : "Etre fonctionnaire donne droit à quelques avantages...".
Curieux constat, sans rapport avec l'affaire, qui doit choquer les millions de fonctionnaires qui se lèvent tôt, ont leur point d'indice gelé depuis 4 ans, vivent des suppressions de postes qui alourdissent leurs tâches, perçoivent des salaires que l'on doit parfois compléter pour qu'ils touchent le SMIC, sont partout présentés comme des nantis parce que leur CDI est garanti comme le réclament tous les autres salariés...
Dans le TGV qui me conduisait ce matin à Paris, j'ai finalement achevé ma courte nuit. J'ai révé d'un autre monde ! Où la presse serait ronde !